À Marseille, dans le sud de la France, l’artiste Mariam Benbakkar, fondatrice de l’association Filles de blédards, propose régulièrement des visites qui mettent en lumière le passé colonial de la ville. Une histoire aujourd’hui encore méconnue, alors que l’Algérie fêtera le 5 juillet ses 63 ans d’indépendance.
Dans le centre-ville de Marseille, une quinzaine de personnes se regroupent autour de l’artiste Mariam Benbakkar. Elle démarre une visite autour du passé colonial de la ville. « Cet endroit, la rue Saint-Ferréol, c’est vraiment l’artère commerçante de la ville. À partir de 1848, tout ce qui arrive d’Algérie en tant que matière brute – car cela devient un pays exploité, qui devient vraiment un pays ressource pour tout l’empire français – arrive à Marseille », explique-t-elle.
Peu le savent, mais l’immense magasin de vêtements Uniqlo, face au groupe, est une ancienne banque coloniale. Au sous-sol du magasin, une pancarte explicative est cachée derrière des cintres. « Avant, quand c’était encore un magasin Mango ici, il y avait des plafonds peints. Il y avait aussi les noms des différentes villes avec lesquelles la compagnie commerçait, donc des villes d’Algérie, de Syrie…Tout cela a été recouvert par un faux plafond et la clim du Uniqlo. Il n’y a pas de volonté, il y a juste un effacement de la mémoire qui fait que les gens ne sont même pas au courant. On est dans une forme de continuité économique et coloniale, parce qu’on est toujours sur des investisseurs privés qui sont propriétaires ».
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Deuxième étape, devant l’imposante Chambre de commerce et d’industrie. Sur le fronton, le nom de navigateurs célèbres et les denrées qui arrivaient des colonies par la mer. « À l’intérieur, on a un bâtiment avec un hall central qui est uniquement fait de marbre d’Algérie et de Carrare. On a aussi deux macarons, faits par un certain Louis Botinelly, qui s’appellent « produits d’Afrique » et « produits d’Asie ». Chaque produit est porté par un être humain, donc pour l’Afrique on a que des femmes à poil en train de porter des régimes de bananes et pour l’Asie on a des chapeaux, la rizière. Toutes ces images qui naissent et qui s’implantent dans les cerveaux au XIXe siècle, nous en subissons les conséquences jusqu’à aujourd’hui. C’est comme si l’espace urbain avait un inconscient et quand notre inconscient, tous les jours, voit ces images-là, forcément, elles rentrent à l’intérieur de nous au bout d’un moment ».
Pauline est venue participer à la balade, elle trouve ce savoir précieux : « Je pense que c’est hyper important d’avoir accès à sa visite pour redécouvrir d’une certaine manière ma ville dans laquelle je suis née et j’ai grandi. Découvrir sa partie historique. Comme elle le dit, des faits ont été invisibilisés ».
Pour Mariam Benbakkar, tout le monde est concerné de près ou de loin par l’histoire de la France et de ses colonies, et le sujet est toujours d’actualité.
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