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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’exprime lors d’une conférence de presse après la réunion du Conseil européen au siège de l’UE à Bruxelles, le 19 décembre 2024.
EUROPE – 19 décembre 2024. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est reçu par les dirigeants de l’Union européenne pour une rencontre hautement stratégique autour de l’avenir du soutien des 27 à Kiev, quelques semaines avant le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
Cette réunion du Conseil européen est très importante : elle doit parler gros sous, et tenter d’établir une position commune au sein de l’UE. Sans surprise, elle se déroule donc bien évidemment à huis clos… à l’exception des interprètes, nécessaires pour permettre à chaque dirigeant de s’exprimer dans sa langue et faire entendre sa position de la façon la plus complète possible.
L’une des interprètes est notamment missionnée pour la traduction des propos de Volodymyr Zelensky. La réunion se déroule normalement, jusqu’à ce que les interprètes tchèques présents sur place observent quelque chose d’anormal : leur homologue chargée de traduire le président ukrainien serait en train de prendre des notes manuscrites, comme le raconte Le Monde.
Ce geste, à première vue anodin, est formellement interdit par le code de conduite de l’Union européenne dès lors qu’il s’agit de réunions sensibles, comme sur la défense ou la sécurité du continent. Les interprètes tchèques contactent alors les services de sécurité, qui déboulent dans la cabine de l’interprète. Ils saisissent toutes ses notes et l’escortent vers la sortie. Une enquête sera ouverte dans la journée, et une interdiction formelle d’entrer dans les locaux de la Commission lui sera adressée.
Une interprète blacklistée par certaines ambassades d’Ukraine
La Commission européenne a confirmé cet épisode auprès du Monde, qui avait été gardé sous silence jusqu’ici. « Un incident lié à la prise de notes, interdit par notre code de conduite, s’est effectivement produit lors de la réunion du 19 décembre 2024 », a expliqué l’exécutif européen. « L’interprétation ukrainienne était nécessaire à cette réunion en raison de la participation du président Zelensky. Les notes ont été confisquées. Après un examen attentif des faits, il a été décidé de ne plus solliciter les services de l’interprète. »
Aucun lien direct avec la Russie n’a pour l’instant été établi, et l’enquête a été transmise aux autorités belges, qui n’ont pas souhaité réagir. Mais le profil de cette interprète peut interroger. Franco-ukrainienne et née de parents russes, elle a vécu plusieurs années en Ukraine, où elle a également fait une partie de ses études.
D’après les informations du Monde, celle-ci est une traductrice chevronnée, qui est missionnée depuis une vingtaine d’années par l’Otan, la Commission européenne, ou encore les ministères français de la Défense et des Affaires étrangères. Néanmoins, selon les informations du quotidien, les ambassades d’Ukraine en France et en Belgique refusent que cette interprète soit présente lors des déplacements de Volodymyr Zelensky depuis plusieurs années, notamment en raison du maintien de ses relations professionnelles avec des autorités russes.
Les institutions européennes régulièrement ciblées
Interrogée par Le Monde, l’interprète s’est déclarée « très surprise d’être sollicitée pour une affaire sans intérêt », mettant en avant la poursuite de sa collaboration avec l’Otan ou les ministères français. Les autorités françaises, sollicitées par le quotidien, assurent néanmoins qu’elles tireraient « toutes les conséquences de cet incident ».
Les institutions européennes sont régulièrement visées par des opérations d’influence ou d’espionnage russes. L’année dernière, l’ancienne députée européenne lettonne Tatjana Ždanoka avait été sanctionnée par le Parlement européen, après que des médias ont révélé qu’elle travaillait en parallèle pour les services de renseignement russes, le FSB.
En novembre dernier, le média Politico avait pu obtenir une note envoyée au personnel de la Commission européenne qui mettait en garde contre la menace « réelle » des agents étrangers au sein des institutions de l’UE. « Bruxelles est l’un des plus grands centres d’espionnage au monde, avec des centaines d’agents de renseignement actifs qui ciblent notre institution », y était-il écrit. Si l’enquête est toujours en cours dans le cas de cette interprète, les soupçons sont en tout cas loin d’être infondés.