Et si une simple image de
scanner pouvait sauver des
milliers de vies — sans douleur, sans caméra dans la gorge, et
surtout, plus tôt que les meilleurs médecins ? C’est la promesse
tenue par Grape, un nouveau modèle d’intelligence artificielle mis
au point par le géant chinois Alibaba, capable de repérer les
signes du cancer de l’estomac à un stade ultra-précoce, simplement
en analysant des images médicales 3D.
Une avancée scientifique majeure
publiée récemment dans Nature
Medicine, et peut-être un tournant décisif dans la lutte
contre l’un des tueurs silencieux les plus redoutés.
Un cancer meurtrier, souvent
invisible trop longtemps
Le cancer gastrique (ou de
l’estomac) est la 4e cause de décès par cancer dans le monde. Son
plus grand danger ? Il progresse souvent en silence : les symptômes
apparaissent tard, parfois quand la maladie est déjà bien avancée.
Et même lorsqu’un dépistage est possible, il est lourd et
invasif.
En Chine, où les cas sont
particulièrement nombreux, moins de 30 % des patients acceptent de
subir une endoscopie. Cette procédure, qui consiste à introduire
une caméra dans la gorge, est désagréable, coûteuse, et très peu
pratiquée à titre préventif.
Résultat : des dizaines de
milliers de cas sont diagnostiqués trop tard, réduisant
considérablement les chances de survie.
Grape : l’IA qui lit dans
l’estomac
Pour répondre à ce défi,
Alibaba et l’hôpital du cancer du Zhejiang ont mis au point Grape,
pour Gastric Cancer Risk
Assessment Procedure. Ce système d’intelligence artificielle
repose sur une idée simple, mais redoutablement efficace : utiliser
des scanners 3D (tomodensitométrie), non invasifs, et les faire
analyser par un modèle d’IA entraîné à détecter les micro-signaux
invisibles à l’œil humain.
Normalement, les scanners sont
peu utilisés pour diagnostiquer le cancer de l’estomac, car cet
organe, creux et mobile, rend les images complexes à interpréter.
Mais l’équipe de recherche a franchi ce mur technologique en
constituant la plus vaste base de données au monde d’images
annotées de patients atteints.
Des résultats
impressionnants
Lors d’un essai clinique à
grande échelle impliquant près de 100 000 patients dans 20 hôpitaux
chinois, Grape a surpassé les radiologues humains. Il a détecté des
cancers avec une sensibilité de 85,1 % (taux de vrais positifs) et
une spécificité de 96,8 % (très peu de faux positifs).
En clair : il a identifié plus
de cas réels, avec moins d’erreurs, et parfois plusieurs mois avant
les médecins, selon l’étude.
Dans un cas concret cité par
Alibaba, Grape a repéré une tumeur six mois avant qu’elle ne soit
visible pour les radiologues, permettant au patient d’entamer un
traitement salvateur à temps.
Crédit :
iStock
Crédits : mi-viri/istockPlus simple, plus rapide,
plus acceptable
L’un des aspects les plus
prometteurs de cette technologie est sa non-invasivité. Là où
l’endoscopie rebute par son inconfort, un scanner est rapide,
indolore, et largement disponible. Ce changement de paradigme
pourrait rendre le dépistage précoce bien plus fréquent, en
particulier dans les zones rurales ou sous-équipées.
Le modèle Grape est
actuellement en cours de déploiement dans les provinces de Zhejiang
et Anhui, deux régions pilotes en Chine. À terme, il pourrait être
intégré dans des programmes nationaux de dépistage.
Après Grape, Alibaba voit
plus loin
Ce n’est pas le premier coup
d’éclat de la Damo Academy, le pôle recherche d’Alibaba. En 2023,
l’un de leurs autres modèles, Damo Panda, spécialisé dans la
détection du cancer du pancréas, avait déjà été reconnu par la FDA
américaine comme un « dispositif révolutionnaire ». Une validation
précieuse qui pourrait bien ouvrir la voie à une exportation
internationale de ces solutions IA.
Alibaba collabore également
avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour déployer ces
technologies dans des pays émergents, où les ressources médicales
sont limitées, mais où les gains de santé publique pourraient être
immenses.
Vers une médecine prédictive
et accessible ?
Ce que montre cette nouvelle
percée, c’est que l’intelligence artificielle n’est pas qu’un
gadget de laboratoire ou un outil de productivité. Elle est en
passe de devenir un pilier de la médecine du futur, capable de
repérer l’invisible, d’alléger les procédures, et de démocratiser
l’accès au dépistage de maladies graves.
Et avec des cancers aussi
silencieux et meurtriers que celui de l’estomac, cette capacité à
détecter avant les premiers symptômes pourrait faire toute la
différence.