Dans la paisible résidence des Abeilles de Cap-d’Ail, située aux portes de la Principauté, au 38 avenue Jacques-Abba, on ne décolère pas.
Depuis octobre 2024, les copropriétaires ont eu la désagréable surprise de voir leurs 36 places privées de parking passées dans la voirie communale. De ce fait, les résidents doivent désormais payer leur stationnement. Un horodateur et même une caméra de vidéoverbalisation y ont été installés. « On veut récupérer la totalité de nos places de stationnement », campe André, qui porte la voie des copropriétaires, estimant que « le maire a fait un abus de pouvoir en nous confisquant quelque chose pour lequel on a un titre de propriété ».
À l’origine, une délibération du conseil municipal de 1970
Mais comment le maire de Cap-d’Ail Xavier Beck a-t-il réussi à « s’approprier » des places jugées privées par les riverains? Tout part d’une délibération du conseil municipal datant de mars 1970, que nous avons pu consulter.
« La mairie a pris en septembre 2018 un arrêté de versement de la voie dans la voirie communale au motif qu’elle lui appartenait par délibération de mars 1970 », déclare André. Sauf que pour lui, la délibération de 1970 n’a jamais pris effet. Elle serait nulle et n’aurait aucune valeur. Ce qui empêcherait donc la Ville de verser la parcelle de la discorde dans la voirie communale.
« Cette délibération de 1970 validait un échange de terrain qui n’a jamais eu lieu. La mairie n’a jamais réussi à prouver que cet échange avait eu lieu. Et d’autre part, elle versait dans le domaine de la mairie une voie à construire. Elle n’a jamais été réalisée. Ainsi, la délibération n’a jamais été appliquée, elle est restée sans effet », développe le retraité, extrait cadastral de l’office HLM à l’appui datant de 1981 [la résidence a été ouverte à la propriété en 1982 avec les places de parking, NDLR] pour réaffirmer leurs titres de propriété sur ces stationnements.
En octobre 2024, les copropriétaires assistaient impuissants aux travaux visant à verser leurs places de parking dans la voirie communale. Photos J.-F.O et C.D..
Deux lectures différentes
Désormais, les seuls échanges entre les habitants et Xavier Beck se font au tribunal.
En avril 2022, le tribunal judiciaire de Nice a rendu un jugement en dernier ressort stipulant que « la parcelle AC8 fait partie de la copropriété de la résidence des Abeilles, à l’exception de la portion de l’avenue Jacques-Abba objet de la délibération du conseil municipal de 1970. Laquelle appartient à la mairie de Cap-d’Ail depuis sa création en 1970 ».
En outre, le syndicat des copropriétaires a été condamné à payer à la commune la somme de 3.000 euros, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. Un jugement qui semble donc donner raison à la Ville… mais pas pour André, attendant désormais la décision du tribunal administratif.
« Notre avocate a depuis déposé un mémoire auprès du tribunal administratif pour revenir à la question initiale de la validité de la délibération de mars 1970 », déclare-t-il.
De son côté, Xavier Beck a une tout autre analyse de la problématique et assure que les travaux liés à la délibération de 1970 ont bien été entrepris.
« Le contentieux a commencé à l’occasion de la délivrance d’un permis de construire à des riverains suite au refus des copropriétaires des Abeilles de laisser passer les engins de chantier avenue Jacques-Abba, devant leur copropriété. Une recherche dans les archives communales a permis de retrouver le dossier de la réalisation de la voie dont la construction avait été exigée, à l’époque, par le Préfet pour qu’il délivre le permis de construire. Il n’y avait donc aucun doute sur le caractère public de cette voie », indique-t-il.
« En dépit de la décision définitive sur la propriété de cette partie de l’avenue Jacques-Abba, le syndicat des copropriétaires maintient sa procédure devant le tribunal administratif et la commune attend que le dossier soit fixé à une audience de ce tribunal », se désole l’édile, égratignant au passage les résidents.
« Je regrette l’obstination de quelques-uns qui entraînent les copropriétaires dans des dépenses d’avocat inutiles ainsi que dans le paiement d’indemnités qui sont allouées à chaque fois à la commune. Certains ont profité de la privatisation du domaine public pendant plus de 40 ans, ils doivent aujourd’hui comprendre que ça ne pouvait durer encore des décennies », poursuit-il, soulignant que « les riverains de l’avenue Jacques-Abba, ont la possibilité de bénéficier d’un tarif résident de 2 euros par jour ou de 10 euros les 7 jours ».
Ce à quoi rétorquent les copropriétaires: « Quand on arrive le soir après une certaine heure, on ne peut plus se garer faute de places. »
La suite au prochain épisode avec la décision du tribunal administratif… en attendant, les riverains devront continuer à s’acquitter de leur stationnement comme ils le font depuis octobre 2024, sous peine d’être verbalisés.