Publié le
14 avr. 2025 à 7h39
Un micro, un casque, une enceinte. Ajoutez à cela un caméraman venu de Rennes, des habitants du quartier de Provinces de Cherbourg-Octeville (commune déléguée de Cherbourg-en-Cotentin, Manche) et, bien sûr, Flavien, alias L’Blanko sous son nom d’artiste.
Ce samedi 12 avril 2025, au Théâtre de l’œuf, il n’en fallait pas beaucoup plus au rappeur cherbourgeois pour tourner le clip de son nouveau titre, son Freestyle diezz #9# dédié à Sulivan.
L’Blanko, en survêtement, le chef d’orchestre, ce samedi 12 avril 2025 à Cherbourg-Octeville (Manche). ©Ludivine LANIEPCE
Dans la nuit du 9 au 10 juin 2024, ce jeune homme du quartier des Provinces succombait après avoir été atteint par le tir mortel d’une policière de Cherbourg. Un drame qui avait suscité une vive émotion dans la cité portuaire, tant du côté de ses proches que du côté des forces de l’ordre. Un tir, deux vies détruites et des dizaines de personnes brisées par un geste qui a conduit à la mise en examen pour homicide volontaire de cette policière d’une quarantaine d’années.
« Tous pour Suli »
Bientôt un an, songent douloureusement les proches de Sulivan, qui les a quittés à 19 ans. Depuis un an, aussi, L’Blanko avait mis la musique en sourdine. La perte de ce « petit frère d’Octeville », puis celle de son beau-père, lui ont fait prendre un peu de distance avec la création artistique.
J’avais déjà écrit les trois quarts de ce texte que je devais enregistrer il y a un an. Je n’avais plus envie… Puis je l’ai repris, j’ai écrit un nouveau refrain, cette fois pour Sulivan. Il venait sur le tournage de presque tous mes clips, il apparaissait quasiment dans tous. Celui-là, il ne le verra jamais, mais il en sera l’objet. Suli était gentil, respectueux, il esquivait les problèmes. Il y en a qui cherchent les histoires toute l’année mais c’est pourtant à lui que c’est arrivé…
L’Blanko
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Plusieurs dizaines de personnes, toutes générations confondues, assistent au tournage au Théâtre de l’œuf. On y retrouve les amis de Sulivan, les « grands » et les « petits » du quartier, un membre de sa famille et des mères. « On est là pour soutenir sa maman, glisse l’une d’entre elles. Bientôt un an, déjà… »
Sur les gradins du Théâtre de l’œuf de Cherbourg-Octeville (Manche), ce samedi 12 avril 2025. ©Ludivine LANIEPCE
La première prise commence. Au centre de cette agora à ciel ouvert, L’Blanko, derrière son micro, s’exécute. Sa voix retentit et convoque le souvenir de Sulivan.
Morceaux choisis : « J’ai perdu un petit frère et un deuxième papa », « Cette année, j’ai rien sorti, j’avais pas trop la tête à ça », « L’Blanko c’est le blase, Octeville c’est la base ». Et un refrain : « J’pense à Suli », « Pour le reuf et la Justice », « J’pense à Suli »… Une retraitée applaudit spontanément : « C’est bien, ça a du sens ce qu’il dit. »
Dans les gradins du Théâtre de l’œuf de Cherbourg-Octeville (Manche), ce samedi 12 avril 2025. ©Ludivine LANIEPCE
D’autres prises suivent. De nouvelles idées fusent. L’Blanko sait ce qu’il veut. Pendant que le caméraman fait quelques plans de coupe, il dirige ceux qui portent le tee-shirt blanc de l’association « Tous pour Suli ».
« Rap conscient »
L’Blanko, qui explore le rap depuis 10 ans, se réclame du courant du « rap conscient » :
Pour moi, la musique, c’est la liberté d’expression. Certains ont besoin d’un psy, moi j’ai besoin de la musique pour m’exprimer. J’essaye de faire quelque chose de sérieux, avec du texte, en faisant un effort sur mon élocution pour rester compréhensible. C’est comme ça qu’on peut attirer des gens qui n’aiment a priori pas le rap. Le tournage de ce clip, c’était un beau moment pour moi.
L’Blanko
Le clip sera disponible d’ici trois semaines sur sa chaîne YouTube.
« Si je pouvais, j’en ferais encore des choses ! »
Tout ne résume pourtant pas qu’à la musique pour cet homme de 28 ans. L’essentiel est de créer du lien, en organisant par exemple des concours de pétanque dans le quartier ou en animant des ateliers d’écriture à la Maison pour tous Léo Lagrange.
« Si je pouvais, j’en ferais encore des choses !, s’exclame-t-il. J’ai envie de donner à ce quartier ce que j’aurais aimé avoir quand j’étais gamin. On allait à la Maison pour tous, on partait en vacances grâce à ça… L’associatif, ça permet beaucoup de choses. » Fidèle à lui-même, L’Blanko distribuera gratuitement son CD qui sera prêt dès lors qu’il aura finalisé un dixième et dernier « Freestyle ».
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