Alors que la France a pris l’engagement de porter ses dépenses militaires à 3,5 % de son PIB à l’horizon 2035 lors du sommet de l’Otan organisé à La Haye, en juin [soit environ 100 milliards d’euros], le président Macron a annoncé que les armées bénéficieraient de 6,5 milliards d’euros supplémentaires par rapport à ce qui avait prévu lors de l’élaboration de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30.
Ainsi, le montant du budget des armées devrait atteindre 64 milliards d’euros en 2027 [dernière année du mandat de M. Macron], soit deux ans plus tôt qu’attendu. Et cela supposera une révision de la LPM en cours, laquelle est prévue à l’automne prochain.
Cela étant, publiée ce 14 juillet, la Revue nationale stratégique actualisée [RNS 2025] donne une idée des priorités de cette LPM révisée.
Tout d’abord, ce document donne onze « objectifs stratégiques », à savoir : une « dissuasion nucléaire robuste et crédible », une « France unie et résiliente », une « économie qui se prépare à la guerre », une « résilience cyber de premier rang », une « France alliée fiable dans l’espace euro-atlantique », une « France devant être l’un des moteurs de l’autonomie stratégique européenne », une « France pourvoyeuse de sécurité crédible », une « autonomie d’appréciation et une souveraineté décisionnelle garanties », une « capacité à agir dans les champs hybrides », une « capacité d’emporter la décision dans les opérations militaires » et, enfin, une « excellence scientifique et technologique au service de la souveraineté française et européenne ».
S’agissant de la dissuasion, la RNS rappelle que, pour la France, « l’emploi de l’arme nucléaire n’est concevable et envisageable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense, et non à des fins de conquête, d’agression, de coercition ou de consolidation d’un avantage militaire » et qu’il appartient au seul chef de l’État « d’apprécier les contours des intérêts vitaux ».
Premier point : selon la RNS, il n’est pas question de se lancer dans une « course aux armements ». Et de rappeler que le « niveau des forces nucléaires françaises ne dépend pas des capacités offensives, nucléaires ou conventionnelles, des autres États » et que, partant, la France « ne vise aucune forme de parité ». En un mot, il s’agit de s’en tenir à la notion de « stricte suffisance ».
Pour autant, souligne le document, « la manœuvre militaire conventionnelle peut s’inscrire dans l’exercice de la dissuasion » étant donné que la « stratégie de défense de la France est un ensemble cohérent voyant forces nucléaires et forces conventionnelles s’épauler en permanence ».
Aussi, à ce titre, les « capacités de défense aérienne et antimissile, et de frappe conventionnelle dans la profondeur […] sont deux des piliers qui permettront d’élargir cet épaulement », avance la RNS.
Plus généralement, l’accélération des efforts capacitaires que permettra la hausse des crédits du ministère des Armées devrait porter sur le « renforcement du socle de la protection, des moyens offensifs et des moyens de commandement [numérique et connectivité] ».
L’accent sera mis « plus particulièrement » sur les « munitions, les drones, la suppression des défenses adverses, la défense sol-air et lutte anti-drones, la guerre dans le champ électromagnétique, les feux dans la profondeur y compris les capacités de frappes de missiles conventionnels, les trames ‘contrôle de l’espace maritime’ et ‘aviation de chasse’, l’aviation de transport et la capacité à commander, appuyer et soutenir la composante terrestre de niveau opératif d’une coalition
[nation-cadre] ».
Dans le domaine spatial, il s’agira d’accélérer le déploiement de constellations [observation et communications à hauts débits] en orbite basse, de « consolider » les capacités en matière de renseignement d’origine image [ROIM] et électromagnétique [ROEM] et de doter les forces françaises de « moyens d’action dans l’espace ».
En outre, poursuit la RNS, « les capacités de surveillance du sol vers l’orbite basse seront augmentées d’ici 2029 » et les « armées disposeront de capteurs et de capacités de détection dans la très haute altitude avant 2030 ».
S’agissant des soutiens, la RNS avance que le « renforcement du Service de santé des armées et la modernisation de ses capacités de ravitaillement seront effectifs dès 2026 » et que sa « collaboration avec le ministère de la santé sera poursuivie autour de la planification de l’accueil de blessés en nombre sur le territoire national en cas d’engagement majeur ».
Par ailleurs, la RNS évoque un « renforcement » des capacités des armées en outre-mer. Et cela afin d’améliorer « la surveillance des espaces souverains » et de « constituer des points d’appui » pour « intervenir sans préavis dans leur zone de responsabilité » ainsi que pour « accueillir des renforts venus de l’Hexagone ».
L’objectif est que les forces de souveraineté puissent disposer de 1 000 militaires supplémentaires et mettre en œuvre des « équipements modernisés [SCORPION, drones, patrouilleurs maritimes] » ainsi que des capacités de commandement renforcées ». Et cela supposera d’adapter leurs infrastructures opérationnelles.
Enfin, s’agissant des projets capacitaires européens, le Système de combat aérien du futur [SCAF] et le Système principal de combat terrestre [MGCS] ne sont évoqués qu’une seule fois par la RNS. En revanche, celle-ci a cité le projet ELSA [European Long-range Strike Approach] au moins à trois reprises…
« Dans le cadre de la mise en œuvre du Livre blanc sur la défense européenne, la France s’attachera également à présenter des projets à forte valeur ajoutée dans les domaines capacitaires identifiés par les conclusions du conseil européen extraordinaire du 6 mars 2025, comme le segment des communications sécurisées spatiales, la défense surface-air ou encore le transport aérien tactique et stratégique », lit-on dans cette RNS.
Et celle-ci d’ajouter, pour conclure sur ce point : « La dynamique de l’initiative European Long-range Strike Approach sera soutenue ainsi que les travaux accélérés pour doter l’Europe des capacités critiques nécessaires dans le domaine des frappes dans la profondeur [échéance 2028] ».