La cité Berthe à La Seyne championne des logements vacants ou squattés dans le Var? « Quand nous sommes arrivés il y a cinq ans, il y avait plus de 500 logements [concernés], soit 10% du parc locatif », pose Cheikh Mansour, adjoint à la politique de la ville. « Feux d’appartement, agressivité… On recevait des doléances par dizaines. »
L’élu local est venu constater par lui-même le déroulement d’une opération de récupération de logements squattés dans la tour de l’Épeautre.
Ce vendredi matin, une douzaine de policiers seynois ont ainsi investi la résidence de seize étages (pour près de 70 logements) après que le bailleur social Toulon Habitat Méditerranée (THM) a porté plainte pour l’occupation illicite de huit appartements.
Dans le sillage des forces de l’ordre, un serrurier procède aux ouvertures de portes quand cela est nécessaire. Ce jour-là, la plupart des occupants – préalablement mis en demeure – ont déjà quitté les lieux sans faire d’histoires en emportant avec eux un sac, voire un matelas.
Un dernier squatteur, jeune majeur sans titre de séjour, a quant à lui été appréhendé dans un appartement du quatrième étage et placé en rétention administrative.
« En trois semaines, c’est réglé »
C’est l’aboutissement d’une procédure d’expulsion accélérée et facilitée par une modification de la loi Dalo (1) en juillet 2023.
Si la mise en œuvre de ce dispositif « anti-squats » (2) a eu du mal à démarrer, selon un rapport d’évaluation parlementaire publié en 2024, il assouplit les conditions d’évacuation forcée d’un logement occupé illégalement.
Sans passer devant un juge. « Avant, il fallait huit à quatorze mois pour obtenir l’exécution d’une décision », jauge Jacques Vandebeulque, directeur général adjoint à THM.
« Là, en trois semaines c’est réglé », applaudit Cheikh Mansour. Un constat effectué par un commissaire de justice (ex-huissier) et une plainte suffisent à mettre en branle la machine administrative.
« Nous sommes chargés de mettre en œuvre une décision du représentant de l’État », confirme le commissaire Jean-Charles Baudoüin qui se félicite de la coordination, formalisée par une convention, entre les parties prenantes.
La préfecture reste néanmoins tenue de procéder à une enquête sociale avant d’ordonner une évacuation forcée.
« Il est nécessaire que vous puissiez évaluer les possibilités d’hébergement ou de relogement des personnes concernées, notamment lorsque sont concernés des publics vulnérables, et plus particulièrement des mineurs », précise une circulaire interministérielle adressée le 2 mai 2024 aux préfets.
Un phénomène « historique »
À l’Épeautre ce vendredi matin, point d’enfants à prendre en charge. On est confronté à des « squatteurs itinérants », explique Jacques Vandebeulque.
Des travailleurs clandestins, avancent la police et la mairie. En tout cas, « des personnes isolées qui passent outre toutes les démarches ».
Le « phénomène » tiendrait à une réputation solidement ancrée. « Historiquement, il est su que sur La Seyne on pouvait squatter [plus qu’ailleurs]… », regrette le directeur adjoint de THM.
Les huit appartements « libérés » ce vendredi, et au passage vingt autres logements vacants, devaient faire l’objet de la mise en place non seulement de portes sécurisées, mais aussi d’un système de télésurveillance piloté par un prestataire privé. « En cas d’intrusion, un opérateur prévient le squatteur par haut-parleur et alerte la police. »
Il faudra attendre encore quelques mois avant que ces locaux soient remis en état en vue de leur attribution.
Sécurité et de justice sociale
« Il y a un enjeu de sécurité », justifie par ailleurs le commissaire Baudoüin. « Pour les habitants, ce n’est pas sécurisant d’avoir un voisin qui casse une porte pour s’installer. Il y a des risques d’incendie avec les branchements électriques sauvages, etc. Il y a aussi un enjeu de justice sociale quand des gens s’approprient des appartements que d’autres attendent légalement. »
Selon Cheikh Mansour, trois mille Seynois et même douze mille habitants de la métropole toulonnaise seraient en attente d’un logement social. Le quartier Berthe comporte encore plus de trois cents logements vacants ou squattés, précise THM.
1. Droit au logement opposable.
2. Un squat est un logement dans lequel l’occupant a pénétré illégalement avant de s’y maintenir. Les affaires de loyers impayés n’entrent pas dans ce cadre.