Les rendements des obligations d’État allemandes à 30 ans ont atteint lundi leur plus haut niveau depuis près de deux ans, tandis que ceux à 10 ans ont touché un sommet inédit depuis début avril, les investisseurs délaissant les dernières actualités sur les droits de douane pour se concentrer sur l’impact de la hausse des taux japonais.

Les rendements des obligations de longue maturité progressent partout dans le monde, portés par les craintes généralisées des investisseurs quant à l’ampleur de la dette publique.

Le rendement à 30 ans de l’Allemagne a grimpé lundi jusqu’à 3,26 %, son niveau le plus élevé depuis octobre 2023. Un dépassement de ce seuil l’amènerait à son plus haut depuis août 2011.

Le rendement du Bund de référence a atteint jusqu’à 2,737 %, un sommet depuis le 28 mars, soit quelques jours avant la première annonce de droits de douane du président américain Donald Trump lors du « Liberation Day ».

« Aujourd’hui, il y a clairement un effet de contagion en provenance du Japon », analyse Reinout de Bock, responsable de la stratégie sur les taux européens chez UBS.

Les rendements allemands progressent alors que les investisseurs anticipent une augmentation des émissions obligataires, après que le Parlement a validé plus tôt cette année un vaste plan de dépenses, notamment pour la défense et les infrastructures, dans l’espoir de relancer la croissance économique.

Le rendement des obligations japonaises à 20 ans a bondi lundi de 12 points de base, atteignant son plus haut niveau depuis 2000, tandis que celui à 30 ans progressait de 13 points de base.

« Les mouvements japonais deviennent préoccupants dans la mesure où ils détiennent beaucoup d’obligations étrangères, et il se pourrait que les investisseurs japonais ne réinvestissent pas leurs remboursements et coupons en France ou aux États-Unis », explique Jens Peter Soerensen, analyste en chef chez Danske Bank.

« Je ne suis pas particulièrement inquiet, mais tant que les rendements japonais à long terme continuent de grimper, il y aura un certain impact, car ce sont les mêmes facteurs qui influencent aussi les taux européens. »

INDIFFÉRENCE FACE AUX DROITS DE DOUANE

Autre élément du contexte, les dernières annonces commerciales : samedi, Donald Trump a déclaré vouloir imposer un droit de douane de 30 % sur la plupart des importations en provenance de l’Union européenne à partir du 1er août.

Mais les marchés ont largement relativisé la nouvelle : les actions européennes n’ont que légèrement reculé, l’euro est resté stable face au dollar, et les obligations n’ont pas bénéficié d’un afflux vers les valeurs refuges.

« La menace de droits de douane à 30 % sur les produits européens dépasse la fourchette récemment évoquée, mais les négociations se poursuivant jusqu’à l’échéance du 1er août, tout mouvement de repli et soutien consécutif aux Bunds devrait rester limité », estime Hauke Siemssen, stratégiste taux chez Commerzbank.

« Après tout, Trump a maintes fois menacé de lourds droits de douane, pour ensuite repousser les échéances dans les jours suivants », ajoute-t-il.

Le rendement de l’obligation française à 10 ans a progressé de 2 points de base, à 3,43 %, après que le président Emmanuel Macron a annoncé dimanche un plan visant à accélérer les dépenses de défense, promettant de doubler le budget militaire d’ici 2027, soit trois ans plus tôt que prévu initialement.

Le gouvernement français peine déjà à trouver 40 milliards d’euros d’économies pour son budget 2026.

En Italie, le rendement à 10 ans a augmenté de 1,5 point de base, à 3,62 %, maintenant l’écart très surveillé entre les taux italiens et allemands à 88 points de base.

« Tout le monde se cache derrière l’Allemagne », souligne Soerensen.

« C’est pourquoi on observe un resserrement des écarts, comme entre l’Allemagne et l’Italie, car l’offre allemande est déjà élevée et va fortement augmenter. Les autres pays évitent d’accroître leur propre offre autant. »

(Reportage d’Amanda Cooper, Yoruk Bacheli et Alun John à Londres ; édition par Kevin Liffey, Andrew Cawthorne et Andrew Heavens)