Par
Hugo Hancewicz
Publié le
17 juil. 2025 à 7h14
Elle impressionne quiconque lève les yeux vers elle. Avec ses 244 mètres au sommet, la tour The Link s’apprête à devenir le plus haut gratte-ciel de France. Dès début 2026, elle accueillera le futur siège de TotalEnergies au cœur du quartier d’affaires de La Défense. Mais derrière ce symbole de puissance économique, se cache une réalité bien moins glorieuse pour ses voisins directs. Depuis le lancement du chantier il y a cinq ans, les habitants alentour vivent au rythme des nuisances. Bruits assourdissants dès l’aube, poussières permanentes, livraisons bruyantes de matériaux, préparation des aciers… Les résidents de la résidence Minerve, à Puteaux (Hauts-de-Seine), située juste en face du chantier, disent avoir vécu un véritable « enfer ». Réunis en association depuis janvier 2023, ils réclament aujourd’hui 3,5 millions d’euros de réparation, soit environ 20 000 euros pour chacun des 165 appartements concernés. Ce mercredi 16 juillet 2025 au matin, alors que les salariés se pressent pour rejoindre leurs tours de verre, certains s’arrêtaient un instant devant The Link. « J’habite proche d’ici et même si je n’étais pas en première ligne des travaux, c’est vrai qu’ils ont été très bruyants », confie Paul, un quadragénaire sacoche à l’épaule.
Des dépassements horaires quotidiens
Si au début du chantier, la situation semblait sous contrôle, notamment grâce au soutien de la maire de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud (LR) – les habitants avaient alors obtenu 1 000 euros en bons d’achat pour chaque appartement concerné -, le dialogue s’est peu à peu dégradé à mesure que la tour de 135 000 mètres carrés s’élevait dans le ciel de La Défense.
Selon Rémy Favé, co-président de l’association des riverains, la situation s’est cristallisée en mai-juin 2022 lors du coulage du radier, lorsque les dépassements horaires sont devenus récurrents. « Les travaux doivent se faire, mais ne pas respecter les règles, c’est un non. À cette époque, il y avait aussi le chantier BNP qui, lui, respectait les horaires », répète-t-il.
Depuis cinq ans, les habitants de la résidence Minerve (à gauche) subissent les nuisances du chantier de la tour The Link (à droite). (©HH/actu Paris)
« Au-delà des nuisances tôt le matin, le plus difficile à vivre était les nuages de poussières qui flottaient dans les airs », raconte une autre habitante de l’immeuble Minerve. Au pied de la résidence, Gauthier témoigne lui aussi de ses nuits compliquées : « J’avais littéralement une grue sous ma fenêtre avec un gros spot lumineux allumé en pleine nuit […]. Sur la durée, c’était usant ».
« On joue sur les nerfs des gens »
Les habitants dénoncent également l’impact sanitaire et psychologique du chantier. « Des enfants sont tombés malades après avoir respiré les poussières. Et il y avait un vis-à-vis très important avec les grutiers, plus aucune vie privée », affirme Rémy Favé, qui a lui-même quitté son logement dans la résidence Minerve en partie à cause de cette situation.
« Pour les riverains, la situation est usante, fatigante et irritante. C’est un enfer, car on joue sur les nerfs des gens à cause du non-respect des règles »
Rémy Favé
Co-président de l’association de riverains de la résidence Minerve
L’avocat de l’association, Maître Cyriac Duhem, précise que de nombreuses preuves ont été ajoutées au dossier. « Des photos et des vidéos où les nuisances et les dépassements des horaires de travail ont été constatées et transmises pour tenter d’obtenir réparation ». Rémy Favé, président de l’association, complète : « On dispose aussi de mains courantes déposées à la police municipale. Les agents sont venus eux-mêmes sur place faire des constats ».
En 2023, une médiatrice était intervenue, mais sans issue favorable selon l’association. « Les riverains en ont eu ras le bol. On nous a menés en bateau. Mais la réalité, c’est qu’on est une petite association face à une grosse entreprise qui écrase tout ».
Le gratte-ciel The Link est composé d’une tour de 244 mètres et d’une autre de 178 mètres de haut. (©HH/actu Paris)Un dédommagement financier
Aujourd’hui, les habitants réclament 3,5 millions d’euros. Une somme qui, selon l’avocat, « n’est pas très élevée et raisonnable au vu des nuisances et de la durée des travaux ». « Il y a eu des mises en demeure depuis un mois, et les non-respects des règles durent encore. On ira jusqu’au bout », prévient Rémy Favé.
L’association espère obtenir gain de cause d’ici fin 2025. Contacté, Groupama Immobilier, investisseur du projet via la SCI The Link, n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
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