Par

Thomas Blanc

Publié le

17 juil. 2025 à 17h50

Enfin le bout du tunnel ? Après 14 jours à camper et dormir au kiosque des Réformés sur le haut de La Canebière à Marseille, la quarantaine de mineurs isolés (à comprendre sans tuteur légal sur le territoire français) a reçu la visite des services sociaux ce mercredi 16 juillet 2025. L’objectif : faire leur recensement dans le but de leur proposer une solution d’hébergement qui tarde à venir. Mais cela ne signifie pas la fin du calvaire pour autant.

Toujours en attente de proposition

Deux semaines se sont écoulées et ces mineurs isolés (la reconnaissance de leur minorité est encore en cours auprès du juge des enfants, selon les collectifs présents sur place pour les aider) venus d’Afrique de l’Ouest francophone pour la plupart sont toujours livrés à eux-mêmes sur l’avenue centrale de la deuxième ville de France, dans un décor de bidonville.

« Ils sont toujours en attente de proposition de l’État (via la préfecture des Bouches-du-Rhône NDLR) pour trouver des solutions d’hébergement et un accompagnement pluridisciplinaire », explique Laura qui aide les jeunes dans leurs démarches.

Mis à la rue par le département

Ces jeunes, pour certains depuis plusieurs mois à Marseille, comme Mamadou, sont connus de l’Addap 13 (Association départementale pour le développement des actions de prévention), habilitée par le département pour répondre aux besoins et aux attentes des adolescents en difficulté.

« Quand je suis arrivé d’Espagne, je suis allé à l’Addap 13. Ils m’ont mis à l’abri à l’hôtel, mais après l’entretien, j’ai été mis dehors », raconte le jeune guinéen, à Marseille depuis janvier 2024 et à la rue depuis l’automne.

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Cet entretien qu’il évoque dure 1h30 environ, au cours duquel les travailleurs sociaux lui posent de nombreuses questions sur sa vie au pays, sa famille et son parcours migratoire.

À l’issue de celui-ci et de l’observation du comportement du jeune, le travail social rédige un rapport reconnaissant ou non la minorité du jeune. S’il n’est pas reconnu mineur, son accompagnement s’arrête brusquement.

« Les bénévoles sont comme nos parents »

Ces jeunes aux parcours cassés ont besoin de repères. Tous venus de loin (souvent de force) en plusieurs étapes : la Guinée Conakry, le Sénégal et l’Espagne en bateau puis Marseille pour Mamadou ; la Côte d’Ivoire, l’Espagne, Bayonne puis Marseille après deux ans de périple pour Moussa*; ils cherchent à s’en sortir et recherchent de l’aide.

« Les bénévoles nous sont d’une grande aide, ils sont comme nos parents. Ils sont là pour nos besoins vitaux, la nourriture, etc. et pour les procédures notamment liées à notre scolarité », expose Moussa, 17 ans, arrivé à Marseille récemment.

À Bayonne, je ne suis pas resté longtemps, car je n’ai pas réussi à me faire aider, à avoir un accueil. On m’a fait prendre le train pour Marseille. Ici les associations m’ont tendu la main.

Moussa

Un hébergement pour une scolarité saine

Car oui, malgré leurs situations, ces jeunes sont dans leur quasi-intégralité inscrit dans les lycées et écoles de la ville ou dans des classes professionnalisantes grâce au travail des associations et collectifs à leurs côtés.

Mamadou travaille dans un restaurant pour cet été avant de reprendre sa scolarité. Moussa, lui, entrera en première dans un lycée pro du 12e arrondissement pour y faire un Bac pro cybersécurité, informatique et réseaux, électronique dans l’optique de devenir technicien à Marseille. « J’ai trop bougé ces derniers temps pour repartir, je veux que ça s’arrête », lâche-t-il, exaspérer.

Et le nerf de la guerre semble être là. Outre des conditions de vie déplorable dans la rue à Marseille, ces jeunes ont l’opportunité de s’en sortir via leurs formations, stages et alternances. Une opportunité qui pourrait être gâchée par l’absence de toit au-dessus de leur tête.

« Comment poursuivre une scolarité saine si le soir, on étudie et dort dans la rue ? C’est impossible » enrage Valentine, soutien du collectif Binkadi qui accompagne les jeunes.

Une situation déjà vue

Douze jours après le regroupement de ces jeunes à la rue au kiosque des Réformés, les services sociaux sont passés au campement recenser le nombre de jeunes en besoin de logement. « C’est nous qui sommes allés les chercher, la préfecture et eux ne faisaient rien. En allant voir l’association de relogement Sara Logisol, on a trouvé un interlocuteur avec la préfecture » raconte Laura, défaite de devoir en arriver là.

« S’ils sont finalement venus, c’est qu’ils cherchent des solutions, donc nous nous attendons à une proposition, on se tient prêt pour y réfléchir », lâche finalement Valentine pleine d’espoir.

Pour rappel, après une mobilisation similaire au même endroit au mois de février 2025, la préfecture avait proposé des solutions de logement pour seulement une partie des jeunes sur place. Par solidarité, elle avait été refusée par les principaux concernés.

Contactée, la préfecture des Bouches-du-Rhône n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

*Le prénom a été changé

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