Un véritable » boost « . C’est ainsi que Pierre Gasly décrit l’effet de sa sixième place obtenue lors du dernier Grand-Prix de Grande-Bretagne. Une analogie au double podium signé l’an passé et dont le résultat avait propulsé Alpine jusqu’à la sixième place des constructeurs. En 2025, un tel bond sera certainement trop compliqué, mais cette performance offre au A fléché une bouffée d’air frais à l’heure où les choses s’activent grandement en coulisse. 2026 et au-delà sont déjà dans toutes les têtes.
L’année 2025 ne connaîtra peut-être pas le même sort que la saison précédente. Réaliser une remontada dans une hiérarchie très serrée et où les développements sont focalisés sur l’énorme virage réglementaire de l’an prochain tient du miracle. L’écurie usine du Groupe Renault ne s’en cache pas : les évolutions seront peu nombreuses voire inexistantes pour se consacrer à la future A526. Il faut donc composer avec ce que l’on a, une voiture capricieuse capable du meilleur et trop souvent du pire.
Ses nombreuses accessions en Q3 et certains coups d’éclats comme à Bahreïn montrent que lorsque la fenêtre de fonctionnement est trouvée, cette Alpine peut devenir très performante. Elle manque toutefois d’appuis aérodynamiques et doit composer avec des difficultés côté moteur pour recharger les batteries. Dès lors, il faut parfois compenser, au détriment de certains autres paramètres, et souvent avec pour conséquence directe une usure plus forte des pneumatiques.
» Il y a tellement de convergence entre toutes les voitures cette année par rapport à l’année dernière que certaines de nos faiblesses sont amplifiées d’un ordre de grandeur « , explique David Sanchez, directeur technique d’Alpine, à The-Race.com. » Je dis aux gens que l’appui aérodynamique, c’est comme du paracétamol : ça règle tous les problèmes. «
» Dans les virages rapides, on ne se débrouille pas trop mal. On sait qu’on est en retrait sur la récupération d’énergie. Sur certaines courses, cela nous pénalise, et cela influence parfois notre choix du niveau d’appui. En Autriche, nous avons fait certains choix pour essayer d’être un peu plus agressifs en course, mais cela met bien sûr plus de stress sur les pneus arrière, et les conséquences sont assez lourdes « , illustre-t-il.
À cela s’ajoute pour Alpine l’absence de second pilote, avec une A525 certainement difficile à prendre en mains, à l’image de ce qu’il se passe chez Red Bull, avec un écart abyssal entre Max Verstappen et ses coéquipiers. Pierre Gasly sauve à lui tout seul la saison d’Alpine, où tout du moins, ce qui peut être sauvé. La dernière place semble malheureusement être le scénario le plus probable, même si des facteurs et une meilleure compréhension de la voiture pourront aider sur la deuxième partie d’année.
» Il est facile de dramatiser « , commente le français à L’Equipe. » Il y a quelques années, être à huit ou neuf dixièmes de la voiture la plus rapide vous plaçait sixième ou septième. Cette année, ça vous met en fond de grille. On sait que l’accent est mis sur 2026. Cela implique des compromis pour cette année, qui sont difficiles à accepter, mais j’espère que nous en récolterons les fruits l’année prochaine. «
2026 sera clairement le juge de paix d’Alpine et de la Direction de Flavio Briatore. Le soutien du Groupe Renault reste infaillible à sa présence en Formule 1, sous l’impulsion de Jean-Dominique Sénard, son Président. La récente nomination par intérim de son directeur financier Ducan Minto pour remplacer Luca de Meo ne devrait pas changer la donne. Il faudra attendre l’officialisation du CEO définitif pour connaître la vision à long terme. À ce sujet, Maxime Picat et Denis Le Vot restent les favoris.
Le contexte automobile aura aussi des conséquences, peu importe l’identité du prochain homme fort de Renault. Le constructeur français a justement publié un avertissement sur ses résultats pour le reste de l’année 2025. Pas de quoi paniquer pour autant. Le Losange table toujours sur une marge opérationnelle autour de 6,5% (contre 7%) et un flux de trésorerie libre compris entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros contre au moins 2 milliards d’euros auparavant.
Renault souhaite cependant diminuer ses coûts et mise sur une optimisation de ses frais généraux et administratifs ainsi que ses coûts de production et R&D pour ce faire. Le détail de ce plan sera communiqué d’ici la fin du mois. La Formule 1 et les engagements sportifs pourraient-ils être concernés ? Rien n’est moins sûr avec des programmes bien ficelés et parfaitement intégrés dans les stratégies marketings de ses marques.
Financée par Nissan, la Formule E apporte une expertise en matière de technologie électrique tout en étant couronnée de succès puisque Viry-Châtillon a remporté le week-end dernier le titre de Champion du monde des pilotes avec Oliver Rowland. Dacia en Rallye-Raid joue également la couronne mondiale et développe son image à l’international. Quant à l’Endurance, son coût reste modéré et se présente comme une plateforme idéale pour tester l’hydrogène.
Si l’on se concentre sur la Formule 1, avec l’arrêt du moteur, Alpine devient une entité profitable. La presse affirme d’ailleurs que Renault aurait refusé dernièrement une offre alléchante de reprise. Une ouverture de capitale est cependant possible, afin de diminuer sa participation de 76 à 51% et ainsi apporter des investissements tout en préservant sa part majoritaire dans l’écurie, et donc son leadership dans sa gestion. Tout cela n’est toutefois, à ce stade, que spéculations.
On note cependant que les rumeurs vont principalement dans le sens d’un maintien en Formule 1 et d’une volonté de se battre pour reprendre des couleurs. À ce titre, la question d’une arrivée de Christian Horner, emblématique homme fort de Red Bull et désormais libre, est évoquée. Le britannique pourrait être séduit par la possibilité d’investir dans l’écurie, tandis que Renault pourrait préparer un après-Flavio Briatore. Les deux hommes s’apprécient cependant et pourrait certainement cohabiter d’une façon ou d’une autre.
La récente nomination de Steve Nielsen en qualité de Directeur Général ne remettrait pas en cause ce scénario, même si les rôles et responsabilités entre ces trois hommes forts devront être clairement définis. Christian Horner apporterait en tout cas une grande expérience, et un parcours finalement intéressant pour Renault. Il a fait passer une écurie Jaguar moribonde en bête de course, et gagné huit titres de Champion du Monde avec un moteur issu de… Viry-Châtillon.
L’ironie d’une telle signature serait de voir le britannique rejoindre une écurie qui a décidé de se passer de son moteur usine pour devenir client. Il a milité pour faire le chemin inverse chez Red Bull, avec la mise en place d’une structure aujourd’hui financée partiellement par Ford. Christian Horner pourrait-il changer la donne et redonner à Viry-Châtillon un programme moteur ?
Renault militait sous l’impulsion de Luca de Meo pour une formule réglementaire simple, composée d’un V10, éventuellement couplé à une technologie électrique peu coûteuse et facile à mettre en place. Le Président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, partage cette vision et pousse pour lancer le plus tôt possible un tel bloc propulseur. Si le V10 semble abandonné aujourd’hui, on parlerait désormais plutôt d’un V8.
Luca de Meo désormais parti, Alpine pourra peut-être compter sur son nouveau patron, Axel Plasse. Récemment nommé Directeur Hypertech Alpine au-dessus de Bruno Famin, il était l’un des artisans du V8 Renault… Champion du Monde avec la R26 puis avec les Red Bull ! C’est un passionné de sport automobile, très talentueux et certainement très désireux de revoir Viry-Châtillon en Formule 1. Le retour d’un bloc plus traditionnel est la chance de Renault.
Une autre opportunité peut se dessiner à travers la volonté de Mohammed Ben Sulayem de lancer une douzième équipe, dont la provenance serait la Chine. Geely est notamment cité. C’est un partenaire majeur de Renault, et co-investisseur dans la filiale commune Horse Powertrain, spécialiste dans le développement et la fourniture de moteurs thermiques et hybrides. Un tel projet pourrait ramener le Losange et Viry-Châtillon sur la scène, avec des investissements chinois.
Dans tous les cas, il faudra composer avec un bloc Mercedes au moins pour les trois prochaines saisons. Un statut client peu enviable au regard de l’Histoire de Renault, mais la technologie à l’Etoile reste considérée comme la plus intéressante en 2026. Alpine devrait pouvoir composer avec une unité de puissance performante et l’on pourra ainsi réellement juger le travail d’Enstone.
Renault pourrait par ailleurs profiter de ses liens avec Mercedes pour composer son prochain Line-Up de pilotes. Si Pierre Gasly sera dans la première A526, Kimi Antonelli est sérieusement cité pour piloter la seconde. L’italien, révélation de cette saison, pourrait être prêté suite à l’arrivée de Max Verstappen aux côtés de Georges Russell. Rien n’est moins sûr cependant, et les spéculations vont aussi vites que les Formule 1 !
Cela place néanmoins Franco Colapinto dans une situation délicate. Il l’est déjà cette année, sur fond de rumeur d’un remplacement imminent par Valterri Bottas. Le finlandais a été consulté en ce sens, mais une arrivée n’est pas garantie. L’argentin est notamment soutenu par Renault dont il est l’ambassadeur en Argentine, et le patron local du Losange pousse pour garantir sa présence jusqu’à la fin de la saison.
» Il va aller au bout de la saison « , assure Pablo Sibilla, PDG de Renault Argentine, à LOVE/ST. » Il pourrait conserver son siège a minima jusqu’à la fin de l’année. Notre priorité absolue à tous est que Franco se concentre sur la saison. Tant que la saison est en cours, il n’y a pas de place pour la discussion. «
Renault Argentina, très impliquée en sport automobile, organise d’ailleurs un évènement local avec la présence potentielle du pilote Alpine. Son retrait d’un baquet de titulaire ne doit toutefois pas influencer ce genre d’initiative puisqu’il devrait conserver une présence dans l’effectif du A fléché, à l’image de Jack Doohan aujourd’hui.
À défaut de transpirer à l’écran, Alpine a le mérite de faire parler d’elle dans la presse, et de se retrouver au cœur de nombreuses spéculations. Les prochaines semaines permettront de voir dans quelle direction l’écurie usine du Groupe Renault ira. Il y a définitivement de nombreuses incertitudes mais aussi une tendance de fond à vouloir pérenniser l’équipe et la faire gagner. C’est finalement ce qu’il y a de plus important.