Le gouvernement allemand a annoncé vendredi 18 juillet avoir expulsé 81 Afghans condamnés par la justice. C’est la seconde opération de ce type depuis l’été dernier, alors que Berlin affiche sa volonté de durcir sa politique migratoire. « Un vol d’expulsion vient de décoller à destination de l’Afghanistan« , a annoncé le ministre de l’Intérieur, Alexander Dobrindt. Ce sont des « hommes afghans soumis à une décision d’expulsion et qui ont déjà été condamnés par la justice pénale », précise un communiqué du ministère.
Le précédent gouvernement dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz avait déjà renvoyé dans leur pays, le 30 août 2024, un groupe de 28 Afghans condamnés. Une démarche alors inédite depuis le retour au pouvoir des talibans. L’actuel gouvernement du chancelier Friedrich Merz, en fonction depuis mai, veut désormais intensifier le renvoi vers leur pays des demandeurs d’asile afghans coupables de crimes en Allemagne.
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Ces expulsions vers l’Afghanistan sont controversées en raison du retour au pouvoir dans ce pays des talibans en août 2021, autorité que le gouvernement allemand ne reconnaît pas et avec laquelle il n’entretient pas de relations diplomatiques. Pour cela, l’opération menée vendredi s’est déroulée grâce à l’entremise du Qatar, a précisé le ministère de l’Intérieur. Mais Berlin avait indiqué récemment envisager de négocier directement avec les autorités talibanes pour faciliter l’expulsion de délinquants afghans. Celles-ci « doivent pouvoir se poursuivre à l’avenir. Les auteurs d’infractions graves n’ont pas le droit de séjourner dans notre pays« , a affirmé le ministère allemand dans son communiqué.
Critiques de l’ONU et d’Amnesty International
Cette opération d’expulsion vers le pays d’origine des condamnés survient dans un contexte de durcissement de la politique migratoire allemande. Elle s’est faite alors que l’ONU avait critiqué le projet évoqué par Berlin de négocier directement avec les autorités talibanes pour faciliter l’expulsion de délinquants afghans.
« Il n’est pas approprié de renvoyer des gens en Afghanistan » en raison de la situation dans le pays, a reproché la porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani, lors d’un point de presse à Genève vendredi 4 juillet. « Nous avons documenté des violations continues des droits de l’homme en Afghanistan, en particulier des violations des droits des femmes et des filles, avait-elle alors rappelé. « Nous avons également continué à documenter d’autres exemples de violations des droits de l’homme, y compris des exécutions », et « donc, il n’est pas approprié de parler de renvoyer des personnes en Afghanistan dans ce contexte », a-t-elle insisté.
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Arafat Jamal, responsable du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU en Afghanistan, a abondé dans le même sens, lors du briefing. « Ce que nous estimons, objectivement parlant, c’est que les conditions sur le terrain ne sont pas encore réunies pour des retours. Nous exhortons les pays à ne pas rapatrier de force vers l’Afghanistan », a-t-il ajouté.
« Expulser des personnes vers des pays dangereux comme l’Afghanistan et diaboliser les réfugiés est l’expression d’un programme autoritaire qui a malheureusement également trouvé son chemin en Allemagne », a également critiqué ce vendredi Amnesty International dans un communiqué.
Une promesse politique
Le gouvernement de Friedrich Merz a fait du durcissement de la politique migratoire une promesse majeure, sur fond de progression de l’extrême droite désormais en tête de certains sondages. Ces derniers mois, une série d’attaques mortelles, imputées notamment à des ressortissants syriens et afghans, ont électrisé le débat en Allemagne, alimentant ces discours extrémistes. La première économie européenne a accueilli plus d’un million de réfugiés, dont de très nombreux Syriens et Afghans, lors de la crise migratoire des années 2015-2016, sous le mandat de l’ex-chancelière Angela Merkel. Les gouvernements qui ont suivi ont refermé la page de cette généreuse politique d’accueil.
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Le nouveau chancelier a ainsi gelé il y a quelques semaines un programme d’accueil de réfugiés afghans, destinés aux anciens collaborateurs de l’armée et d’autres institutions allemandes, mais aussi de militants des droits de l’homme ou de journalistes. L’Allemagne souhaite également revoir ses pratiques concernant les ressortissants syriens, alors que la Syrie était jusqu’à présent considérée comme trop dangereuse pour autoriser des renvois et qu’il n’existait pas de relations diplomatiques avec le régime de l’ancien dirigeant Bachar al-Assad.