En 2000 , alors qu’on pouvait tirer sur une cigarette en buvant son verre de beaujolais et que le socialiste Gérard Collomb s’apprêtait à faire passer Lyon à gauche, il inaugurait « 100 Tabac  », premier bar non‑fumeur de France.

Et huit ans après, de virer sa cuti, de retourner sa veste et, quand le tabac devenait interdit dans les bars par les lois Bachelot, d’ériger un nouveau bar, avec 20 000 mégots en “clope‑art”, dans lequel on pouvait encore fumer.

Non fumeur quand on peut être fumeur, fumeur quand on ne l’est plus, l’homme a indiscutablement une façon forte de faire parler de lui. Ce qui en fait, sous un couvert de rebelle, un chef d’entreprise à succès et au charisme indéniable.

Sous les années de la majorité de gauche de Collomb, le dialogue ne sera pas toujours facile, même si beaucoup d’élus communistes ou verts du maire de Lyon fréquentaient assidûment ce restaurant, l’homme étant parfois plus arrangeant en rendez-vous privés qu’en déclarations publiques: coups médiatiques en cascade, mais toujours un téléphone ouvert avec l’Hôtel de Ville et le 1ᵉʳ arrondissement.

Et puis des candidatures aux élections : ce sarkozyste déclaré se présentera en candidat divers droite aux législatives en 2002 avant de tenter le MoDem en 2008. Moi je le vois surtout comme une sorte d’anar de droite un peu climatosceptique.

C’est un peu dans dans cet esprit qu’il continuera le chauffage de terrasse malgré l’interdiction ; la maire écologiste du 1ᵉʳ, Yasmine Bouagga, prend encore le temps de lui répondre publiquement, de le recevoir. Là aussi les dialogues privés sont courtois mais les déclarations publiques un peu moins.

Et en 2025 : il parade dans un 4×4 Crit’Air 6 végétalisé pour “compenser” la pollution… en pleine manif anti‑ZFE.

Difficile de nier le talent de ce “poil à gratter” : à chaque nouvelle règle, il invente la transgression‑performance. Pour des causes souvent contestables mais qui amènent une vraie visibilité à cette vraie grande gueule dans une ville pleine de figures publiques fades.

Sauf qu’il vient de franchir une ligne rouge : le virage Lapierre et de l’extrême-droite dure et complotiste.

En juillet 2025, Christophe Cédat sert de guide au YouTubeur Vincent Lapierre (ex‑Égalité & Réconciliation, de l’antisémite et condamné à plusieurs reprises pour racisme Alain Soral) pour deux vidéos “Lyon en faillite” vues plus de 300 000 fois.

On y voit le patron du 203 pilonner “la dictature verte”, Place Bellecour, directement depuis son 4×4 (véhicule qui, comme chacun sait, est absolument indispensable à la survie en pleine brousse lyonnaise au milieu des guépards et des girafes).

Vincent Lapierre fait en ce moment un tour de France pour montrer que notre pays est nul et à jeter à la poubelle. L’extrême-droite n’a jamais été patriote.

Oui, la politique locale peut susciter des questions légitimes – coût de l’œuvre Tissage Urbain (1,6 M euros). Cela fait partie du débat démocratique.

Mais s’adosser à un influenceur catalogué extrême droite radicale, c’est laisser le débat au vestiaire pour chausser les bottes idéologiques les plus lourdes. 

La contradiction climatique, elle, tourne au sketch

Pendant que l’on enterre la ZFE à coups de punchlines, un rappel de santé publique s’impose : la pollution de l’air tue environ 40 000 personnes chaque année en France.
Difficile de plaider l’intérêt général quand on joue les Mad Max en 4X4  sur les quais de Saône.

Pourquoi il faut dire “stop”

Lyon est réputée pour son sens du dialogue, même musclé. En choisissant la caisse de résonance d’un fasciste qui fait le tour de France pour appeler à la guerre civile, Cédat confond buzz et bazooka : il offre un boulevard à ceux qui voient l’écologie comme “l’ennemi intérieur” plutôt que comme une discussion de voisinage.

On peut admirer l’entrepreneur créatif, rappeler ses combats pour les fumeurs, les artistes ou les petits commerces. On peut même partager certaines de ses colères contre l’exécutif vert. Mais on ne cautionne pas – jamais – les chaînes d’extrême droite qui prospèrent sur la haine et la désinformation.

Mon vœu pour 203 ?

Que le patron du 203 retrouve le sel qui faisait son charme : la provocation oui, l’irréparable non. Que ses pairs ne cèdent pas à la facilité des polémiques à clics. Et que Lyon reste ce qu’elle a toujours été : un laboratoire de débats vifs, mais dénués de relents bruns.

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Romain Blachier