Dans les
profondeurs de l’espace, à 280 années-lumière de la Terre, une
découverte extraordinaire vient de bouleverser notre compréhension
de la formation planétaire. Pour la première fois, le télescope
spatial Gaia a réussi à débusquer une planète géante cachée au cœur
d’un disque protoplanétaire, ce
laboratoire cosmique où naissent les mondes.
Un géant
invisible dans la pouponnière stellaire
L’étoile MP Mus, âgée de
seulement 13 millions d’années – un nouveau-né à l’échelle cosmique
– semblait pourtant bien ordinaire. Son disque protoplanétaire, ce
tourbillon de gaz et de poussière qui l’entoure, paraissait
désespérément lisse et uniforme lors des premières observations.
Aucune trace des sillons caractéristiques que creusent
habituellement les planètes en formation, comme les rainures d’un
disque vinyle géant.
« Nous avons
observé un disque plat et ennuyeux« , confie Álvaro
Ribas, astronome à l’Institut d’astronomie de Cambridge qui
dirigeait l’équipe de recherche. Cette apparente monotonie
intriguait les scientifiques : comment un disque âgé de 7 à 10
millions d’années pouvait-il être dépourvu de tout signe de
formation planétaire ?
L’art de
voir l’invisible
La réponse résidait dans
une approche innovante combinant deux techniques d’observation
complémentaires. D’un côté, l’Atacama Large
Millimeter/submillimeter Array (ALMA) au Chili, utilisé cette fois
avec des longueurs d’onde plus longues pour sonder plus
profondément le disque. De l’autre, la mission Gaia de l’Agence
spatiale européenne, spécialisée dans la mesure ultra-précise des
mouvements stellaires.
Cette stratégie révéla
rapidement ses fruits. Les nouvelles observations d’ALMA
dévoilèrent ce que les précédentes avaient manqué : une cavité
proche de l’étoile et deux « trous » plus éloignés,
autant d’indices de la présence d’un compagnon planétaire.
Parallèlement, Miguel Vioque, chercheur à l’Observatoire européen
austral, détectait quelque chose d’encore plus révélateur grâce à
Gaia : l’étoile « vacillait ».
Le
vacillement révélateur
Ce léger balancement de MP
Mus n’était pas anodin. Il trahissait l’influence gravitationnelle
d’un objet massif en orbite autour de l’étoile. « Ma
première réaction a été de penser que j’avais dû faire une erreur
de calcul« , avoue Vioque, tant cette découverte semblait
contredire l’image d’un disque vide. Mais la corrélation entre les
nouvelles données d’ALMA et les mesures de Gaia ne laissait place à
aucun doute.
Les modélisations
informatiques confirment désormais l’existence d’une planète géante
gazeuse dont la masse oscillerait entre trois et dix fois celle de
Jupiter. Ce mastodonte cosmique évolue sur une orbite située entre
une et trois fois la distance Terre-Soleil, sculpte le disque
protoplanétaire et influence directement le mouvement de son étoile
hôte.
Le disque protoplanétaire de la jeune étoile MP Mus vu par ALMA
avec des structures annulaires qui révèlent une exoplanète monstre
cachée. Crédit image : ALMA(ESO/NAOJ/NRAO)/A. Ribas et
al.Une
première historique aux implications majeures
Cette découverte,
rapportée dans Nature Astronomy, marque plusieurs
premières dans l’histoire de l’astronomie. Non seulement il s’agit
de la première exoplanète détectée par Gaia dans un disque
protoplanétaire, mais c’est aussi la première fois qu’une planète
en formation est découverte indirectement en combinant des données
de mouvement stellaire avec des observations approfondies du disque
environnant.
Jusqu’à présent, les
astronomes n’avaient réussi à identifier que trois planètes solides
au sein de disques protoplanétaires. Les interférences causées par
le gaz et la poussière rendaient ces détections particulièrement
ardues. La méthode développée par l’équipe de Ribas pourrait bien
changer la donne.
Vers une
nouvelle ère de découvertes
Les implications de cette
avancée dépassent largement le cas de MP Mus. Cette technique
hybride pourrait révéler une population entière de jeunes
exoplanètes jusqu’ici invisibles, cachées dans les disques
protoplanétaires de notre galaxie. « Nous pensons que cela
pourrait être l’une des raisons pour lesquelles il est difficile de
détecter de jeunes planètes », explique Ribas.
Plus fascinant encore,
cette découverte pourrait nous aider à comprendre les mécanismes
qui ont présidé à la formation de notre propre système solaire il y
a 4,5 milliards d’années. En observant des planètes en cours de
formation, les astronomes espèrent reconstituer le puzzle complexe
de notre genèse cosmique.
Avec les futures
améliorations d’ALMA et l’arrivée de nouveaux télescopes, nous nous
apprêtons peut-être à entrer dans une nouvelle ère de découvertes
planétaires, où les secrets de la formation des mondes se
dévoileront enfin.