Signés en 1971 et en 1972 afin d’encadrer les relations entre la France et l’Allemagne dans le domaine de l’industrie de l’armement, les accords Debré-Schmidt stipulaient qu’ « aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération » et que « chacun des deux gouvernements s’engage[ait] à délivrer sans retard et selon les procédures prévues par les lois nationales les autorisations d’exportation nécessaires pour la fourniture de ces composants au pays exportateur ».

Cependant, des refus de l’une ou l’autre des parties demeuraient possibles… mais qu’à titre exceptionnel. Or, dans les années 2010, cette exception est presque devenue la règle, Berlin ayant entravé à plusieurs reprises l’exécution de contrats à l’exportation obtenus par des industriels français, en particulier dans le domaine de l’armement terrestre.

Le Traité d’Aix-la-Chapelle aurait dû permettre de revenir à l’esprit des accords « Debré-Schmidt ». Or, il n’en a rien été.

En effet, l’article 3 de cet accord précise que l’Allemagne ne peut pas s’opposer à l’exportation de systèmes d’armes mis au point dans le cadre d’une coopération avec la France dès lors que ces derniers contiennent moins de 20 % de composants allemands [hors contrats de maintenance et pièces détachées]. Sauf si Berlin estime qu’une vente est susceptible de porter atteinte à sa sécurité et/ou à ses intérêts directs.

Or, à partir du moment où les industriels allemands sont impliqués à hauteur de 33 % dans le Système de combat aérien du futur [SCAF] et que leur participation est de 50 % dans le Système principal de combat terrestre [MGCS], Berlin sera toujours en mesure de contrarier les exportations françaises d’armement… D’ailleurs, ce sujet devra de nouveau faire l’objet de discussions, comme l’a annoncé Sébastien Lecornu, le ministre des Armées.

Cela étant, les politiques restrictives de Berlin en matière d’exportations d’équipements militaires n’ont pas uniquement gêné les industriels français… Leurs homologues britanniques ont eu aussi à s’en plaindre.

Ainsi, l’embargo allemand sur les ventes d’armes destinées à l’Arabie saoudite a empêché Londres de conclure un éventuel contrat portant sur la livraison de 48 avions de combat Eurofighter EF2000/Typhoon aux forces aériennes saoudiennes. Et le même schéma s’est répété avec la Turquie, qui envisage de commander quarante appareils de ce type.

Résultat : faute de contrats à l’exportation et de commandes « domestiques », les lignes d’assemblage de BAE Systems sont désormais à l’arrêt.

Certes, ces derniers mois, l’Allemagne a assoupli ses positions à l’égard de l’Arabie saoudite et de la Turquie. Pour autant, ces pays n’ont pas encore signé le moindre contrat pour se procurer des Typhoon.

Quoi qu’il en soit, les choses vont sans doute changer après la signature du Traité d’amitié et de coopération bilatérale entre le Royaume-Uni et l’Allemagne, le 17 juillet. En effet, les deux pays se sont engagés à « mener des campagnes d’exportation communes » afin d’obtenir des commandes internationales d’équipements qu’ils produisent conjointement, comme l’EF2000/Typhoon et le véhicule de combat d’infanterie [VCI] Boxer.

« Les Parties reconnaissent l’importance de disposer d’un programme fiable en matière de transferts et d’exportations afin d’assurer le succès économique et politique de leur coopération industrielle […] ainsi que leurs compétences respectives pour autoriser le transfert ou l’exportation, à partir de leur territoire, d’équipements de défense issus de programmes intergouvernementaux ou développés par leurs industries », est-il précisé dans l’article 8 alinéa 1 de ce traité, dit « Traité de Kensington ».

Finalement, ce texte ne fait que remettre au goût du jour la philosophie des accords Debré-Schmidt… mais entre l’Allemagne et le Royaume-Uni. Il ne reste plus à la France que d’obtenir des garanties similaires auprès de son partenaire allemand.