Longue silhouette élancée, aux antipodes de l’image que l’on pourrait se faire du dirigeant de l’iconique guide rouge, Gwendal Pollennec a jeté son dévolu sur « Le Flaveur », l’emblématique restaurant doublement étoilé des frères Tourteaux à Nice, pour distiller ses confidences. À commencer par la raison de sa venue en terre azuréenne: « S’il y a une chose à laquelle je tiens, c’est de remettre le guide en mouvement. Certes il l’a toujours été, puisqu’il a contribué à valoriser les territoires de France, et que nos inspecteurs sont disséminés dans l’Hexagone et dans le monde. Mais ce à quoi je fais référence, c’est à la cérémonie annuelle du Guide Michelin, que j’ai voulu que l’on délocalise, comme on l’a fait en 2022 à Cognac. Elles s’étaient toujours tenues à Paris. »
« 80% des étoilés sont en province »
Gwendal Poullenec a souhaité donner une inflexion « pour aller vers une régionalisation, pour aller à la découverte des territoires et des terroirs. En rappelant à tous que plus de 80% des restaurants étoilés en France sont en province. » Et de souligner: « Ce qu’a démontré la sélection de l’année dernière, caractérisée par un record d’étoiles, c’est qu’il y a beaucoup de petites aventures entrepreneuriales qui se fondent toujours dans les régions, dans des endroits souvent reculés. C’est le reflet d’une vraie dynamique, que nous voulons valoriser, aux yeux des Français et de l’étranger, nonobstant la conjoncture et les chantres du déclin. »
La montée en puissance de la cuisine de la Méditerranée
Des projets portés selon lui par de plus en plus de jeunes qui se lancent, au-delà de la création de restaurants, dans de vrais projets de vie. En s’implantant dans des lieux leur permettant de travailler avec des producteurs qui les inspirent. Quant à la montée en puissance de la cuisine de la Méditerranée, elle alimente cette tendance générale: celle d’une cuisine de plus en plus enracinée dans un projet identitaire. « Que ce soit dans les produits, la façon de les travailler, de les préserver, les condiments, la recherche de techniques culinaires, de recettes puisant dans une inspiration ancienne réinterprétée. Aujourd’hui, la cuisine méditerranéenne dépasse largement la cuisine familiale, roborative et de subsistance pour être une cuisine de saveurs, de raffinement. Pas forcément synonyme de luxe, mais qui réside dans l’attention portée au choix du produit par rapport à sa traçabilité. »
La promotion d’une démarche durable via l’Étoile verte
A côté des célèbres étoiles attribuées aux chefs, le Michelin met aussi l’accent sur l’Étoile verte. « Cette distinction est attribuée aux équipes dont l’engagement sincère se traduit par des initiatives respectueuses de l’environnement et des producteurs locaux, qui sont pour nous de véritables pionniers. Cette expérience responsable et durable doit aussi avoir une portée pédagogique. Et pour obtenir cela, il faut une volonté de la clientèle, des chefs, un écosystème qui le permette et des arbitrages. »
Le Japon catalyseur de la reconnaissance internationale
Le Michelin, qui attribue de plus en plus d’étoiles à travers le monde, ne craint pas la concurrence. « Dans un monde saturé d’informations, les consommateurs recherchent des repères fiables. C’est précisément ce que nous leur offrons: un point de référence fondé sur une expertise unique, accessible au plus grand nombre. Notre guide est disponible gratuitement via notre application et notre site internet, avec un contenu proposé en 27 langues. Le numérique représente une opportunité formidable que nous avons su saisir pour amplifier notre mission: guider les gourmets du monde entier vers des expériences culinaires d’exception. »
De quoi envisager sereinement la suite: « Le guide Michelin n’a jamais bénéficié d’une telle notoriété ni d’une audience aussi large. Son contenu fait référence, y compris pour les géants du numérique, dont certains – comme Apple Maps aux États-Unis – contribuent à la visibilité de nos sélections à très grande échelle. »
Avec Top Chef, une affaire qui roule
Aux yeux de Gwendal Poullennec, l’association du Guide Michelin avec l’émission Top Chef (M6) était une évidence. « Cette collaboration a permis, pour la première fois, de montrer au grand public le travail des inspecteurs, dans les conditions d’anonymat qui garantissent l’indépendance de nos sélections. Top chef a fait entrer la gastronomie dans les salons des Français, le Guide Michelin souhaitait les faire sortir pour aller vivre l’expérience au restaurant. Cette collaboration a été une opportunité unique pour renforcer l’attractivité des métiers, en valorisant leur exigence et leur créativité, tout en mettant en lumière une jeune génération de candidats passionnés. »
Valoriser les talents féminins
Gwendal Poullennec l’assure: le guide Michelin se conjugue de plus en plus au féminin. « Nous n’appliquons aucun quota, de genre, de style culinaire, de géographie », assure-t-il. « Nous ne restons pas passifs face aux enjeux de représentation. Nous avons pleinement conscience du rôle que nous pouvons jouer pour amplifier la visibilité des femmes cheffes et professionnelles de la gastronomie. Cela passe par notre présence sur les réseaux sociaux, notre ligne éditoriale, et des initiatives concrètes comme le lancement du podcast «Oui, Cheffes! », dédié à ces parcours inspirants», souligne le patron du Michelin. « Nous nous réjouissons de voir de plus en plus de femmes intégrer les brigades, assumer des fonctions de direction, et faire rayonner leur vision de la cuisine », poursuit-il. « Le Guide entend contribuer activement à cette dynamique en valorisant les parcours, en mettant en lumière les talents féminins, et en œuvrant à rendre les métiers de la gastronomie plus attractifs pour les nouvelles générations, toutes identités confondues. »