L’une des plus vieilles librairies jeunesse de France pourrait bientôt fermer ses portes. Depuis 50 ans, la librairie Comptines, à Bordeaux, s’est spécialisée dans les livres pour enfants. Mais la conjoncture économique et le désintérêt des jeunes pour livres ont poussé sa gérante à demander son placement en redressement judiciaire.

La Quotidienne Société

De la vie quotidienne aux grands enjeux, recevez tous les jours les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.

France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « La Quotidienne Société ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Sa devanture rouge fait partie du paysage de la rue Duffour Dubergier, située à quelques encablures de la cathédrale Saint-André à Bordeaux. Plus vieille librairie spécialisée dans les ouvrages jeunesse de France, la librairie Comptines propose aux enfants des milliers de livres et bande dessinée depuis plus de 50 ans.

Pourtant, depuis quelques mois, l’institution bordelaise fait face à de grandes difficultés financières. Elle a été contrainte de se placer en redressement judiciaire.

La librairie Comptines existe depuis plus de 50 ans. C'est l'une des plus anciennes spécialisées de France.

La librairie Comptines existe depuis plus de 50 ans. C’est l’une des plus anciennes spécialisées de France.

© France 3 Aquitaine

Dans les rayons, Nathalie Ventax a une astuce pour camoufler les trous qui se sont formés de part et d’autre. “On met beaucoup de livres devant, on les dispose de façon à dissimuler les trous, explique la gérante de la librairie. On ressort aussi des choses qui sont moins prisées que l’on n’avait pas vu depuis longtemps en attendant que les cartons arrivent.”

Nathalie Ventax a dû réduire ses références de 10.000 à 4.000.

Nathalie Ventax a dû réduire ses références de 10.000 à 4.000.

© France 3 Aquitaine

De 10 000 références en moyenne, la librairie n’en propose aujourd’hui que 4 000. C’est l’une des conséquences d’une situation financière qui s’aggrave, depuis près de quatre ans : elle n’a pas pu renouveler ses stocks, faute de trésorerie. “Toutes nos dettes ne sont pas encore répertoriées, mais on est aux alentours de 180 000 euros », confie Nathalie Ventax.

Ces dettes concernent d’abord les loyers, à raison de 10 000 euros par trimestre que la gérante ne peut plus payer sans mettre la clé sous la porte. “Il y a aussi les factures des fournisseurs, éditeurs et transporteurs que nous n’avons pas pu régler depuis le mois de janvier”, poursuit la gérante de la librairie.

La cause : un désintérêt des jeunes pour la littérature, qui gagne chaque année du terrain. Aujourd’hui, ils passent dix fois plus de temps sur un écran, qu’à lire un livre. “C’est clair qu’il y a une baisse de fréquentation et en parallèle, les gens nous demandent plus de conseils pour des BD que pour des romans. On voit une tendance à la lecture de choses rapides”, analyse Nathalie Ventax.

On a eu des journées sinistres à 300 ou 400 euros. Avant, cela pouvait monter jusqu’à 800 euros.

Nathalie Ventax

Gérante de la librairie Comptines

Un désintérêt conjugué à une conjoncture économique morose. “De nombreux contrats publics se sont aussi arrêtés”, explique la gérante. Autant de paramètres qui ont divisé par deux son chiffre d’affaires, estimé à 400 000 euros avant 2022.

Nathalie Ventax fait face à des dettes d'environ 180.000 euros. Sa librairie placée en redressement judiciaire, elle espère pouvoir passer la période des fêtes.

Nathalie Ventax fait face à des dettes d’environ 180.000 euros. Sa librairie placée en redressement judiciaire, elle espère pouvoir passer la période des fêtes.

© France 3 Aquitaine

Face à une chute perpétuelle des ventes depuis 2022, la librairie s’est vue contrainte de demander un placement en redressement judiciaire. La procédure en cours lui a ainsi permis de geler ces dettes, pour quelques mois. “On a jusqu’à Noël. Si on n’arrive pas à vendre à cette période, ce sera la fin”, présage Nathalie Ventax.

Il me reste 5.000 euros de trésorerie, qui peut permettre de faire de nouvelles commandes et continuer à faire tourner le magasin.

Nathalie Ventax

Gérante de la librairie Comptines

Un regret pour les habitués de l’établissement. “Je viens ici depuis 40 ans. Ce que j’aime c’est leur spécialité, je sais que je vais toujours trouver quelque chose, que ce soit des contes anciens que je lisais petite ou des découvertes”, confie une grand-mère.

Pour survivre, la librairie a récolté plus de 7.000 euros grâce à une cagnotte en ligne.

Pour survivre, la librairie a récolté plus de 7.000 euros grâce à une cagnotte en ligne.

© France 3 Aquitaine

Ce combat pour survivre, la libraire l’a entamé en 2022. “On a eu un audit pour comprendre ce qui n’allait pas. On a été aidé par la Région, le centre national du libre, une association d’éditeurs pour redresser la barre, mais cela n’a pas fonctionné”, soupire Nathalie Ventax. Une cagnotte en ligne leur a également permis de récolter 7 550 euros.

Si elle passe la période des Fêtes, moment déterminant pour les ventes du secteur, Nathalie envisage des actions fortes pour continuer d’exister : moins de références, moins de personnel, réduire la surface et proposer plus de livres pour adultes voire développer la papeterie et les jeux.