Dans les
laboratoires de Shanghai, une révolution technologique prend forme
en s’inspirant d’un humble insecte pyrophile. Des scientifiques
chinois viennent de franchir une étape décisive dans la course à la
surveillance militaire en
développant un capteur infrarouge d’une rapidité inégalée,
directement inspiré des extraordinaires capacités du scarabée de
feu.

L’insecte
qui détecte les incendies à des centaines de kilomètres

Le scarabée de feu possède
une capacité qui relève presque de la science-fiction : il peut
détecter les incendies de forêt à des centaines de kilomètres de
distance. Cette prouesse biologique n’est pas le fruit du hasard.
L’insecte a développé un organe spécialisé ultra-sensible à la
chaleur qui lui permet de localiser les zones récemment brûlées,
environnements idéaux pour la reproduction et le développement de
ses larves.

Cette stratégie évolutive
fascinante a captivé l’attention des
professeurs Hu Weida et Miao Jinshui de l’Institut de physique
technique de Shanghai. En collaboration avec l’Université Tongji,
leur équipe a entrepris de reproduire artificiellement cette
capacité sensorielle exceptionnelle.

Une
architecture révolutionnaire inspirée du vivant

Le défi technique était
considérable : comment reproduire en laboratoire une sensibilité
thermique que la nature a mis des millions d’années à perfectionner
? La réponse réside dans l’association ingénieuse de deux matériaux
aux propriétés complémentaires.

Le premier composant, le
diséléniure de palladium (PdSe₂), excelle dans l’absorption de la
lumière infrarouge. Le second, le pentacène, un semi-conducteur
organique, reproduit fidèlement le comportement du système
sensoriel du scarabée. Cette combinaison forme un transistor
biomimétique capable de fonctionner dans le spectre moyen
infrarouge avec une sensibilité remarquable.

Les performances obtenues
dépassent toutes les attentes. Lors de tests simulant des incendies
de forêt avec des températures atteignant 927°C, le capteur a
démontré une précision de 95% dans le suivi des mouvements de
flammes et l’enregistrement des schémas thermiques. Plus
impressionnant encore, sa vitesse de traitement surpasse de 20 000
fois celle des technologies actuelles.

scarabée
Missiles sol-air HQ-9. Crédits : Tyg728/WikipédiaUne
seconde innovation pour la mémoire ultra-rapide

Parallèlement à ce premier
dispositif, l’équipe chinoise a développé une variante utilisant du
phosphore noir et du séléniure d’indium. Cette configuration
atteint des vitesses de mémoire photonique de seulement 0,5
microseconde, permettant de stocker 17 points de données précis sur
les cibles infrarouges, là où les systèmes traditionnels ne
capturent que des signaux flous.

Cette capacité de
traitement en temps réel ouvre des perspectives révolutionnaires.
La fusion de la détection, de la mémorisation et du traitement dans
une seule unité électronique élimine les délais de transmission,
réduit la consommation énergétique et permet des opérations
instantanées dans des environnements hostiles.

Applications militaires et enjeux géostratégiques

Les implications de cette
avancée dépassent largement le cadre scientifique. Ces capteurs
pourraient équiper une nouvelle génération de systèmes de défense
antimissile, de drones autonomes et de satellites de surveillance.
Leur capacité à fonctionner efficacement dans des conditions
extrêmes – tempêtes de sable, fumée dense, brouillard épais – en
fait des outils stratégiques de premier plan.

La technologie pourrait
notamment améliorer les performances du système de défense
antimissile chinois HQ-17AE, lui permettant d’intercepter des
menaces même dans les environnements les plus difficiles. Les
applications navales ne sont pas en reste, avec des possibilités
d’intégration aux systèmes de ciblage des canons à rails embarqués
sur les navires de guerre.

Un défi
technologique au projet américain « Golden Dome »

Cette percée intervient
dans un contexte géopolitique tendu. Quelques mois seulement après
l’annonce par Donald Trump du projet « Golden Dome » – un
bouclier antimissile spatial de plusieurs milliards de dollars – la
Chine répond avec une technologie qui pourrait bouleverser
l’équilibre des forces.

Le projet américain repose
sur des capteurs infrarouges traditionnels à base de silicium,
intégrés dans une constellation de satellites. Les chercheurs
chinois affirment que leurs dispositifs biomimétiques surpassent
largement ces technologies conventionnelles en termes de vitesse et
de précision.

L’avenir
de la surveillance infrarouge

Cette révolution
technologique préfigure l’émergence de réseaux de surveillance
infrarouge distribués sur terre, en mer et dans l’espace. Les
applications civiles ne sont pas oubliées : lutte contre les
incendies, sécurité industrielle, véhicules autonomes et
informatique de pointe bénéficieront également de ces avancées.

En s’inspirant d’un
insecte pyrophile, les scientifiques chinois ont peut-être ouvert
la voie à une nouvelle ère de la détection militaire, où la nature
continue d’inspirer les technologies les plus avancées de
l’humanité.