En quatre jours à peine, le jeu vidéo Ready or Not cartonne malgré une version censurée et une communication brouillonne. Décryptage d’un phénomène inattendu.

Après plus d’un an en early access sur Steam, Ready or Not est arrivé dans sa version complète en décembre 2023. Le titre a connu un joli succès, avec un peu plus de 9 millions d’unités vendues. Et alors qu’on pensait le souffle retombé, le FPS tactique développé par VOID Interactive est arrivé le 15 juillet sur PlayStation 5 et Xbox Series, où il a connu un démarrage fulgurant. En seulement quatre jours, sans marketing massif ni soutien d’un éditeur AAA, Ready or Not s’est écoulé à plus d’un million d’unités.

Une performance remarquable, d’autant plus que cette version console est amputée de plusieurs contenus jugés « sensibles ». Ainsi, les joueurs PC déjà familiers du titre ont rapidement pointé du doigt une censure de la version console. Certaines missions emblématiques, comme une intervention dans une école ou dans une boîte de nuit queer, sont absentes, de même que plusieurs éléments de narration et de dialogue, le tout sans aucune explication claire de la part des développeurs. On fait le point sur ce bordel.

Ready or not, here I come, you can’t hide

À l’origine, Ready or Not s’inscrit dans la droite ligne des simulations tactiques comme SWAT 4 ou Rainbow Six Siege. On y incarne un agent d’une unité d’élite appelée à intervenir dans des situations extrêmes : forcer l’entrée d’un immeuble occupé par des preneurs d’otages, sécuriser une scène de crime, désamorcer une bombe artisanale… Le tout dans une approche résolument réaliste, où chaque tir peut être fatal, chaque erreur coûteuse, et où l’usage de la force doit toujours être justifié par des règles d’engagement strictes.

Ce mélange de tension, de brutalité contrôlée et de prise de décision millimétrée a rapidement séduit les joueurs PC en quête d’un FPS plus méthodique que la moyenne. L’ambiance oppressante (les missions montrent une cité rongée par les réseaux criminels, pédo-criminels et les trafiquants de drogue), le sound design ultra réaliste, et la difficulté sans concessions ont fait de Ready or Not une vraie curiosité dans le paysage des shooters, jusqu’à devenir un phénomène social via les nombreuses vidéos virales diffusées sur YouTube ou TikTok, où des escouades coordonnent au micro des interventions d’une violence parfois ahurissante.

Une jambe dans le sac et un bras HS, tout va bienVisa de censure

Mais sur consoles, c’est une autre histoire. Pour ce portage, VOID Interactive semble avoir fait le choix de lisser son contenu, en supprimant des missions controversées (en particulier celles liées au démantèlement d’un réseau pédopornographique), des dialogues trop crus, et la possibilité de mutiler/démembrer les corps. Le studio évoque de simples ajustements, tout en promettant que les contenus retirés pourraient revenir plus tard sous forme de mise à jour.

L’affaire est d’autant plus troublante que le studio avait jusque-là revendiqué une liberté totale de ton, y compris dans ses choix narratifs les plus dérangeants. Mais la stratégie du studio semble avoir payé puisqu’en optant pour une version édulcorée, Ready or Not a pu arriver sur console sans se heurter à une classification restrictive ou à un rejet de la part des plateformes (susceptibles d’interdire les jeux trop violents).

Ce double discours a provoqué la colère d’une partie de la communauté PC, qui y voit un reniement des ambitions initiales du jeu. D’autant plus que la version PC a été alignée avec les versions consoles et s’est donc retrouvée amputée de contenus originaux. Dans la foulée, les joueurs se sont empressés de lancer une vague de review bombing sur Steam, et à l’heure actuelle, Ready or Not affiche une moyenne d’évaluations récentes « plutôt négatives », alors qu’il y a quelques semaines, cette même moyenne était « plutôt positive ».

Pour les fans de la série SWAT

Si Ready or Not cartonne malgré les coupes, c’est d’abord parce qu’il repose sur une proposition de gameplay claire et maîtrisée. L’exigence tactique, l’intensité des affrontements, la lisibilité des commandes et la variété des situations suffisent à maintenir une tension constante, même sans les missions les plus controversées. Le jeu sait capter cette sensation de contrôle sous pression, où la moindre erreur peut coûter une mission ou une vie virtuelle.

À cela s’ajoutent une finition technique très solide pour une production indépendante, avec une interface sobre, une IA plutôt cohérente, un level design structuré et un arsenal crédible. L’ensemble dégage une cohérence, une rigueur et un souci du détail qui tranchent avec la superficialité d’une bonne partie de la concurrence. Autant d’éléments qui permettent à Ready or Not de séduire un public en mal de réalisme et de tension maîtrisée.

Ready or Not est disponible sur PlayStation 5 et Xbox Series depuis le 15 juillet 2025. Il est aussi disponible sur PC, via Steam et Epic Games Store.