C’est le plus grand projet nucléaire britannique de ce début du XXIe siècle. La centrale nucléaire de Sizewell C, située dans le Suffolk, dans la partie est du Royaume-Uni, va bel et bien voir le jour. Le gouvernement britannique a indiqué ce mardi avoir bouclé son financement, après quinze années de négociations pour sécuriser les investissements nécessaires.

Un soulagement du côté de l’exécutif, mais qui fait grincer des dents les opposants en raison du dérapage budgétaire par rapport au chiffrage initial — écart qui pourrait encore se creuser. Retour en cinq chiffres sur ce projet coûteux.

38 milliards de livres

Soit près de 45 milliards d’euros. C’est ce que devrait coûter Sizewell C, selon la dernière évaluation révélée ce mardi par le gouvernement britannique. Alors que le montant prévisionnel était jusque-là quasiment deux fois moins élevé (20 milliards de livres). « Les estimations précédentes ne tenaient pas compte de l’inflation ni des risques », a justifié Julia Pyke, la codirectrice générale de la centrale, d’après un article de la BBC.

Selon l’accord final de financement, le gouvernement reste le principal actionnaire de la centrale avec 44,9 % des parts (contre 84 % jusque-là). Il avait déjà promis d’y allouer presque 18 milliards de livres. L’énergéticien français EDF, promoteur du projet, voit lui aussi sa part réduite, passant de 16 % à 12,5 %. Un consortium de trois investisseurs complète le tour de table : la Caisse de dépôt et placement du Québec (20 %), le groupe énergétique britannique Centrica (15 %) et le fonds d’investissement britannique Amber Infrastructure (7,6 %).

2035

La production d’électricité de Sizewell C commencera, au mieux, au milieu de la prochaine décennie. Elle sera assurée par deux réacteurs EPR, d’une puissance de 1,6 gigawatt (GW) chacun.

Ces réacteurs seront les mêmes que ceux de la centrale de Hinkley Point C, dans le sud-ouest du Royaume-Uni, dont la construction a démarré en 2018 et 2019 — et dont la mise en service complète ne devrait pas se faire avant 2029. « En reproduire une version permet de réduire les coûts de construction et de financement », indique le bureau d’information de Sizewell C sur son site internet.

Le choix du modèle EPR est un tournant dans le nucléaire britannique. Car quatre des cinq centrales du pays, mises en service dans les années 1980, disposent de réacteurs avancés refroidis au gaz (AGR). Quant à la dernière à être entrée en fonctionnement en 1995, Sizewell B, c’est la seule à être dotée d’un autre système de réacteur, à eau pressurisée (REP). « L’EPR britannique répond aux normes de sécurité et d’environnement les plus strictes. Il consommera moins d’uranium et produira près d’un tiers de déchets radioactifs à vie longue en moins que les autres réacteurs à eau actuellement en exploitation », avance encore le bureau d’information de Sizewell C.

6 millions de foyers

Sizewell C alimentera l’équivalent de six millions de foyers. Soit près d’un cinquième des foyers britanniques, le pays comptant quelque 28 millions de ménages, selon les chiffres de l’office national de statistiques.

Grâce à Sizewell C et Hinkley Point C, la volonté du gouvernement est de développer la production nucléaire. Objectif : atteindre 24 GW d’énergie nucléaire d’ici 2050, ce qui permettrait de couvrir environ 25 % de la demande d’électricité du pays prévue pour cette même période. Pour cela, l’exécutif a fixé, dans sa feuille de route « Civil Nuclear Roadmap to 2050 », un déploiement continu de 3 à 7 GW tous les 5 ans à partir de 2030.

Pour y parvenir, le gouvernement mise aussi sur les petits réacteurs nucléaires (dits « SMR » pour « small modular reactor » en anglais). Moins chers et donc plus faciles à financer que des centrales classiques, ils sont cependant encore loin d’être au point.

2 milliards d’économies

Lorsque Sizewell C sera mise en service, « une analyse montre que le projet pourrait générer des économies de 2 milliards de livres sterling par an sur le futur système électrique (…) ce qui se traduira par une électricité moins chère pour les consommateurs », met en avant le gouvernement dans un communiqué.

Reste que le cadre financier, présenté ce mardi, a fait bondir les militants antinucléaires. Car les factures d’énergie des Britanniques contribueront au financement du projet dès le début du chantier, à hauteur d’ « environ 1 livre sterling par mois en moyenne pendant la durée de la construction », a reconnu Julia Pyke. Pour les opposants au projet, cela signifie « que les ménages pourraient être responsables des retards de construction et des dépassements de coûts de Sizewell C », relève le quotidien britannique The Guardian.

10 000 emplois directs

Le chantier de Sizewell C devrait générer 10 000 emplois directs au plus fort de la construction. À cela s’ajouteront « 60 000 autres dans la chaîne d’approvisionnement » et « 1 500 apprentis », selon les chiffres du bureau d’information du site. « Environ 70 % des dépenses du projet devraient être reversées à des entreprises britanniques », assure-t-il. Si bien que le gouvernement l’assure : « Le projet contribuera à relancer la croissance économique et à relancer la construction en Grande-Bretagne ». Le pays en a bien besoin.