Les attentes sont au plus bas pour le sommet UE-Chine prévu ce jeudi, qui mettra à l’épreuve la résolution et l’unité européennes alors que le bloc subit une forte pression commerciale, tant de la part de Pékin que des États-Unis, estiment les analystes.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Antonio Costa, comptent interpeller les dirigeants chinois sur la question des terres rares et la guerre en Ukraine, deux sujets de tension, lors du sommet à Pékin.
Peu d’espoir de percée réelle, alors que les deux parties sont confrontées à de grands défis pour maintenir leur croissance économique et que l’Europe peine à renforcer son soutien à l’Ukraine.
Le sommet, initialement prévu sur deux jours, a été ramené à une seule journée en raison d’un « conflit d’agenda » soulevé par les responsables chinois, selon deux sources proches de l’organisation interrogées par Reuters. Une table ronde d’affaires, qui devait se tenir le deuxième jour à Hefei, aura finalement lieu à Pékin, selon l’une des sources.
Les deux parties pourraient parvenir à une déclaration commune modeste sur le climat, selon une source, mais aucun autre résultat concret n’est attendu.
Dans plusieurs discours récents, Ursula von der Leyen a ravivé une rhétorique ferme à l’égard de la Chine, accusant, le 8 juillet, Pékin de « favoriser l’économie de guerre de la Russie » et de saturer les marchés mondiaux par sa surcapacité.
« Nous savons que nous ne partageons pas la même vision que la Chine sur de nombreux sujets, mais il est essentiel d’avoir ce type de conversation très directe, ouverte et constructive », a déclaré un responsable de l’UE.
Ce responsable et les sources ont demandé à rester anonymes, n’étant pas autorisés à s’exprimer publiquement.
Un porte-parole de la Commission européenne a renvoyé à un communiqué annonçant le sommet, indiquant que les dirigeants évoqueraient les moyens d’assurer une « relation commerciale plus équilibrée, réciproque et mutuellement bénéfique ».
En réponse aux questions de Reuters, le ministère chinois des Affaires étrangères a renvoyé à une déclaration de son porte-parole lundi.
« Certaines personnes en Europe continuent d’exagérer des questions économiques et commerciales spécifiques et de porter des accusations sans fondement contre la Chine sur la question ukrainienne, ce qui perturbe inutilement les relations Chine-UE », a déclaré le porte-parole.
TENSIONS CROISSANTES
L’Union européenne, forte de 27 membres, négocie également fermement avec Washington, après que le président américain Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 30 % sur la plupart des exportations européennes à compter du 1er août, alors que les perspectives d’un accord commercial global s’éloignent.
Lors du sommet à Pékin, la Chine espère pousser l’UE à trouver une solution sur ses droits de douane visant les véhicules électriques chinois, Pékin affirmant que les négociations sur les engagements de prix sont « à un stade final ». Mais les responsables européens estiment que peu de progrès ont été réalisés depuis des mois.
La semaine dernière, la Chine a menacé de répliquer aux sanctions européennes visant deux banques et cinq entreprises chinoises en lien avec la guerre en Ukraine. Son ministère du Commerce a déclaré lundi que ces sanctions « portaient gravement atteinte aux liens commerciaux, économiques et financiers ».
D’autres différends commerciaux persistent en toile de fond. La Chine a répliqué aux restrictions européennes sur les dispositifs médicaux en instaurant ses propres limitations le 6 juillet, et a imposé des droits de douane à des producteurs français de cognac.
Les exportations chinoises vers l’UE ont augmenté en mai, tandis que celles vers les États-Unis ont chuté de 34,5 % en valeur sur la même période, alimentant les craintes que la surcapacité commerciale chinoise soit redirigée vers l’Europe en raison des droits de douane américains.
On ressent également un sentiment croissant que les entreprises européennes font les frais des contrôles chinois sur les exportations de terres rares, principalement destinés à Washington mais perturbant les chaînes d’approvisionnement européennes dans la défense et l’automobile.
En échange de concessions sur les terres rares, la Chine pourrait exiger la relance d’un accord d’investissement longtemps bloqué, après avoir levé en mai les sanctions contre des membres du Parlement européen, et demander une opposition européenne aux restrictions américaines sur les équipements de fabrication de puces du Néerlandais ASML.
La Chine a soulevé ces deux sujets dans les semaines précédant le sommet, selon deux sources proches du dossier.
« LES GANTS SONT TOMBÉS »
« Le climat est extrêmement pessimiste en Europe à l’approche du sommet », analyse Mathieu Duchâtel, directeur à l’Institut Montaigne à Paris, ajoutant que Washington a rejeté les propositions européennes précédentes de coordination sur la Chine.
« On a le sentiment que les gants sont tombés côté chinois… Ils sentent que la relation transatlantique s’est affaiblie et cherchent à en profiter. »
Diplomates et analystes relèvent aussi une frustration croissante de la Chine, en coulisses, face à l’insistance européenne sur la guerre en Ukraine, que Pékin considère comme un obstacle à la relation.
Il y a peu d’espace pour un dialogue constructif sur ce sujet, reconnaît un autre responsable européen, les interlocuteurs chinois niant toute preuve d’implication d’entreprises chinoises dans la fourniture de biens à double usage à la Russie.
Parallèlement, la Chine estime que l’Europe cédera à la pression des droits de douane américains, selon un diplomate au fait de la pensée officielle chinoise.
Pékin a obtenu de Donald Trump qu’il réduise des droits de douane écrasants de 145 % lors de discussions en mai, et a remporté un succès supplémentaire lorsque Washington a accepté de reprendre les exportations de puces d’IA Nvidia H20, ce qui la place en position de force relative.
« Ce sera le dernier d’une longue liste de sommets UE-Chine qui n’ont quasiment rien donné », estime Noah Barkin, conseiller principal au sein du Rhodium Group, spécialiste de la Chine.
« C’est le signe que les problèmes économiques et sécuritaires dans la relation sont devenus si profonds qu’ils en sont irréconciliables. »