Pas évident d’imaginer, en s’arrêtant devant les façades délabrées des immeubles fermés et abandonnés de l’îlot Saint-Vincent, place Raspail, qu’ils abriteront d’ici un an un temple du jeu vidéo. C’est pourtant ce que s’apprêtent à installer en plein cœur de Toulon cinq copains fans de gaming et entrepreneurs à succès, associés dans la société TLN Group et qui apportent l’intégralité des fonds nécessaires à la réalisation du projet (1,5 million d’euros). Var Aménagement Développement (VAD), « partenaire historique » de la Ville assurant la gestion du chantier de réhabilitation de ce bâtiment du XIIIe siècle, le plus vieux de Toulon.
Cinq immeubles en un
« Le désenclavement de cet îlot et la réhabilitation de ce bâtiment médiéval classé en site patrimonial remarquable s’inscrivent dans notre philosophie de rendre le cœur de ville attractif et vivant « , note la maire Josée Massi lundi soir, lors de la pose symbolique de la première pierre, à quelques mètres des halles.
« Un ancien couvent dominicain qui abritera demain une activité 2.0 de gaming, c’est quand même un sacré clin d’œil « , enchaîne Jérôme Chabert, le directeur général de VAD.
Répartis entre la place Raspail et la rue Saint-Vincent, cinq immeubles vont ainsi être réunis en un seul, pour former un vaste espace de plus de 400m2, l’aménagement étant réalisé en étroite concertation avec les architectes des Bâtiments de France et l’Institut national de recherches archéologiques préventives, qui ont scrupuleusement suivi le travail préalable de curetage, permettant la création d’une cour intérieure et le passage de la lumière naturelle.
Après cette modification de structure, pilotée par MSA Architecture, les architectes de Flex, et le bien connu Thierry Ami, notamment impliqué dans l’élaboration du Campus RCT ou du Palais des sports, prendront le relais pour aménager les espaces intérieurs. Les 170m2 du rez-de-chaussée accueilleront ainsi un e-sport-bar au look futuriste ouvert sur la place Raspail, proposant des postes de jeu accessibles en libre-service.
La « vitrine » de cette Gaming house, que ses concepteurs souhaitent voir devenir un lieu d’immersion, de rencontre et d’initiation, capable d’attirer aussi bien des compétiteurs que des curieux. « On n’est plus sur une activité qui se passe dans le noir, uniquement destinée aux ‘‘geeks’’, dans un lieu où ça ne sent pas très bon, commente, rieur, Alexandre Peron, l’initiateur du projet. Si on fait bien le job, ça doit parler à tout le monde. «
« Installons le jeu à la place qu’il mérite »
Les étages, eux, seront consacrés à la performance, puisqu’il est question de former une équipe professionnelle d’e-sport (lire ci-dessous), avec l’agencement d’une salle d’entraînement entièrement équipée, d’un espace de repos ou encore de chambres pour les futurs membres de l’équipe.
Une Gaming house implantée en plein centre historique? Voilà qui représentera une première en France. « Plus de 85% des 12-35 ans jouent, que ce soit en ligne, sur plateau ou sur console, alors pourquoi reléguer le jeu dans une zone industrielle ou un hangar? interroge Alexandre Peron. Installons-le à la place qu’il mérite: en pleine lumière, sur la place publique. » Avant de terminer: « Quand ça va ouvrir, revenez! On va faire un truc cool. «
L’e-sport ? « Comme une équipe de sport lambda »
« Une affaire DE copains. » Il y a quelques années, Alexandre Peron, qui vient de passer 15 ans aux États-Unis à la tête d’une boîte qui cartonne, décide de rentrer en France. Le Hyérois vend son entreprise à Siemens, et revient aux sources. Il y retrouve Mariama Signaté, ex-handballeuse internationale et amie, avec qui il discute d’un projet de Gaming house.
Dans la boucle également : Gaëtan Bong, ex-footballeur camerounais et joueur de Premier League, qu’il a connu alors qu’il vivait à Londres. Mais aussi le Bandolais Philippe Mino et le Lyonnais Teddy Celdran, jeune chef d’entreprise à Miami que le projet séduit. Tout ce petit monde s’associe et réunit les fonds (1,5 M euros) pour fonder TLN Group. Autour d’une passion commune : le jeu vidéo.
« Notre Cristiano Ronaldo et notre défenseur de Lens »
L’envie de cette joyeuse bande, outre l’ouverture au plus grand nombre à ces cultures émergentes : monter une équipe professionnelle d’e-sport. « Il va falloir cibler les joueurs qu’on veut et les recruter, ainsi qu’un coach, détaille Teddy, le futur directeur de l’équipe pro, TLN Pirates. On part d’un ‘‘roster’’ de cinq joueurs, et on peut avoir des remplaçants, c’est toujours intéressant de les mettre en concurrence. »
Ils affrontent alors d’autres équipes, à League of Legends dans un premier temps, via écrans interposés. « ça fonctionne exactement comme une équipe de sport lambda. On a notre Cristiano Ronaldo et notre défenseur de Lens. »
De l’ambition, les cinq amis n’en manquent pas. « Quand tu fais un truc avec deux anciens athlètes de haut niveau, forcément, tu n’y vas pas pour faire de la figuration, pose Alex Peron. Et puis la plupart des équipes françaises sont à Paris. Nous, on a envie de faire rayonner Toulon. »
Mais, tempère-t-il, « on va d’abord essayer de récupérer une place en 2e division, puis de franchir les échelons. » « Le Graal étant de décrocher un ticket en LFL (l’équivalent de la première division française), complète Teddy Celdran. Mais il faut d’abord qu’on construise une équipe solide, qu’on trouve nos supporters… Chaque chose en son temps. »