Les traces sont trop infimes pour remettre en cause un allaitement éventuel. Mais la persistance de cette substance interroge. © Freepik
Le lait maternel, riche en anticorps et adapté aux besoins du bébé, est considéré comme l’aliment le plus sain pour un nourrisson. Publiée le 23 juillet dans la revue Science of the Total Environment, une étude française vient pourtant semer le trouble.
En analysant différents types de lait — maternel, animal et infantile — les chercheurs ont mis en évidence la présence de dioxyde de titane, un composé chimique controversé, suspecté d’effets toxiques et classé comme cancérogène possible pour l’être humain.
Le dioxyde de carbone : une substance interdite mais omniprésente
Le dioxyde de titane, ou TiO₂, est une poudre blanche utilisée dans de nombreux produits de consommation courante. Il est omniprésent : on le retrouve dans les crèmes solaires, les dentifrices, les médicaments, les peintures, et jusqu’à récemment dans l’alimentation.
Il était notamment employé, sous le nom de code E171, comme colorant dans les confiseries, les sauces industrielles ou encore les produits de boulangerie. Ce n’est qu’en 2020 que la France a décidé de l’interdire comme additif alimentaire, suivie par l’Union européenne en 2022, en raison de doutes sérieux sur son innocuité.
Si cette décision visait à protéger les consommateurs, elle n’a pas empêché la substance de continuer à circuler dans l’environnement. Car le dioxyde de titane n’est pas biodégradable. Il persiste, s’infiltre dans les sols, les eaux, et peut être absorbé de manière indirecte par l’organisme.
Des analyses poussées sur différents laits
Les travaux menés par une équipe réunissant l’INRAE, le CNRS, l’AP-HP et le synchrotron SOLEIL ont permis de détecter la présence de particules de dioxyde de titane dans plus de 80 % des échantillons de lait analysés.
Ces échantillons concernaient à la fois des laits infantiles en poudre, du lait de vache, de chèvre et d’ânesse, mais aussi du lait maternel prélevé auprès de dix femmes allaitantes vivant en Île-de-France.
Et les résultats sont édifiants. Chez ces femmes, toutes les analyses ont révélé des traces de titane dans leur lait. Plus inquiétant encore, certaines d’entre elles présentaient des concentrations jusqu’à 15 fois plus élevées que les autres, sans qu’on sache encore expliquer cette disparité. Cela laisse entendre que l’exposition au dioxyde de titane est non seulement réelle, mais aussi variable selon les habitudes de vie, les expositions professionnelles ou l’environnement immédiat.
Une contamination par les nanoparticules
L’aspect le plus préoccupant de cette découverte réside dans la taille des particules détectées. Il s’agit majoritairement de nanoparticules, c’est-à-dire des particules de taille inférieure à 100 nanomètres.
Or, sous cette forme, le dioxyde de titane est particulièrement susceptible de traverser les barrières biologiques, comme celle de l’intestin, du placenta, ou — c’est désormais démontré — de la glande mammaire. Ces nanoparticules peuvent ainsi passer du sang vers le lait, et être ingérées par le nourrisson, à un âge où ses systèmes de détoxification et son immunité sont encore immatures.
Quels risques pour les nourrissons ? Une substance classée cancérogène possible
Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le dioxyde de titane est classé comme “cancérogène possible pour l’homme” lorsqu’il est inhalé. Des études menées sur des modèles animaux ont montré que ces particules, en cas d’ingestion, pouvaient entraîner des inflammations chroniques, un stress oxydatif ou encore des perturbations du microbiote intestinal.
Dans le cas des nourrissons, l’impact pourrait être amplifié. Leur tube digestif est en construction, leur barrière intestinale est plus perméable, et leur métabolisme est encore en développement.
Autrement dit, ils sont particulièrement vulnérables à toute substance étrangère, surtout si celle-ci est ingérée de manière répétée via le lait maternel ou infantile. Même si les quantités mesurées restent faibles, la question de l’effet cumulatif à long terme se pose.
Un effet cocktail à ne pas négliger
Ce que soulignent aussi les experts, c’est que les nourrissons ne sont pas exposés à une seule substance. En plus du dioxyde de titane, ils peuvent recevoir d’autres nanoparticules, des résidus de plastiques, des perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement ou les contenants alimentaires.
C’est ce qu’on appelle l’« effet cocktail » : une accumulation de substances qui, prises isolément, peuvent sembler inoffensives, mais qui, ensemble, pourraient avoir des effets délétères sur la santé.
Faut-il pour autant renoncer à l’allaitement ? Non, répondent en chœur les chercheurs. Le lait maternel reste l’aliment le plus complet et le plus adapté pour le bébé. Mais cette affaire souligne l’urgence de mieux encadrer l’exposition environnementale des femmes enceintes et allaitantes, de revoir les normes de fabrication de certains produits, et de renforcer la transparence sur les contaminants invisibles.
A SAVOIR
Le dioxyde de titane (TiO₂) a été découvert au début du XIXe siècle, mais son usage industriel s’est vraiment développé à partir des années 1920. Dès les années 1950, il devient un ingrédient courant dans les peintures et les cosmétiques, pour ses propriétés blanchissantes et couvrantes. Dans l’alimentation, il est autorisé en tant qu’additif sous le code E171, principalement utilisé comme colorant blanc dans les confiseries, sauces, chewing-gums et produits de boulangerie. Ce n’est qu’au début des années 2000 que les effets potentiels de ses formes nanoparticulaires commencent à être étudiés sérieusement. Face aux doutes croissants sur sa sécurité, la France interdit son usage alimentaire en 2020, suivie par l’Union européenne en 2022. Pourtant, il reste encore présent dans d’autres produits de consommation, notamment les dentifrices, médicaments ou crèmes solaires.
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