Depuis le début de la guerre commerciale avec les États-Unis et des menaces d’annexion du président Donald Trump, bon nombre de Canadiens cherchent à éviter les produits américains à l’épicerie.
Les détaillants mettent de l’avant plus que jamais leurs produits canadiens. Tant sur les tablettes qu’en ligne – et même dans les campagnes publicitaires – les feuilles d’érable se sont multipliées.
Mais, dans certains supermarchés, les informations sur l’origine des aliments qui se trouvent sur les affiches en magasin contredisent les étiquettes sur les emballages.
C’est ce qu’a constaté Stacey Dineen lors d’une visite la semaine dernière dans une succursale Sobeys de la région de Kitchener.
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Stacey Dineen, qui vit près de Kitchener, en Ontario, a trouvé du brocoli biologique dans son magasin Sobeys annoncé comme « produit du Canada », mais l’étiquette indique plutôt qu’il s’agit d’un « produit des États-Unis ».
Photo : Gracieuseté : Stacey Dineen
L’Ontarienne a acheté du brocoli biologique, un produit du Canada, selon l’affiche en magasin. Mais, en lisant attentivement l’emballage, elle découvre qu’il s’agit plutôt d’un produit des États-Unis.
C’est frustrant. J’ai l’impression d’avoir été induite en erreur.
Une citation de Stacey Dineen, cliente de Sobeys
Ce n’est pas acceptable ça. Les informations sur les produits, c’est nécessaire pour décider ce que je veux acheter, dit-elle.
Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, dénonce la surutilisation du symbole de la feuille d’érable pour faire mousser les ventes de produits.
Selon lui, certains détaillants profitent du mouvement Achetez canadien pour gonfler leurs prix et même peut-être inciter l’achat de produits importés. Il y a quand même une marge d’erreur qui est acceptable. Dans certains cas, c’est carrément de l’érablanchiment, ou du maple-washing, affirme l’expert.
Une feuille d’érable rouge, ça veut dire Canadien. Tout le monde le sait. Alors quand tu utilises une feuille d’érable pour des produits qui sont importés des États-Unis, d’Europe ou d’ailleurs, c’est du maple-washing, ça me fâche, lance Stacey Dineen.
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Stacey Dineen s’indigne de voir des affiches erronées à l’épicerie qui désignent incorrectement le pays d’origine de ses aliments.
Photo : Sophia Harris/CBC
Un problème qui persiste
L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) nous indique par courriel que toutes les informations figurant sur les étiquettes des produits alimentaires ou dans les publicités, qu’elles soient obligatoires ou facultatives, doivent être exactes, véridiques et ne doivent pas induire le consommateur en erreur.
Pour les détaillants, ceci comprend les affiches en magasin, les circulaires et tout matériel promotionnel, précise une porte-parole.
En près de huit mois, l’ACIA a reçu une centaine de plaintes pour des affiches erronées concernant l’origine des produits. Au cours de cette période, qui s’étire du mois de novembre à la mi-juillet, le chien de garde a déjà recensé 29 cas où des entreprises contreviennent à la réglementation fédérale (nouvelle fenêtre).
Dans chacun des cas, le problème a été résolu, selon l’agence fédérale.
Au cours des derniers jours, CBC/Radio-Canada a toutefois recensé plusieurs autres exemples de produits mal identifiés dans des épiceries de Loblaw, Sobeys et Metro à Toronto. Les affiches en magasin indiquaient que les produits provenaient du Canada ou du Mexique, alors qu’ils viennent plutôt des États-Unis, selon l’emballage.
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Ces bleuets dans un magasin torontois de Sobeys affichent la mention « Produit du Canada » mais l’emballage indique qu’il s’agit d’un « Produit des États-Unis ».
Photo : Sophia Harris/CBC
Dans un magasin Sobeys, par exemple, une grande affiche promouvait des bleuets comme un produit du Canada. Or, sur l’emballage, on peut lire : produit des États-Unis.
Dans cette même épicerie, nous avons aussi trouvé un paquet d’amandes importées. Pourtant, l’étagère était ornée d’une feuille d’érable et d’une mention Fabriqué au Canada.
Nous ne cultivons pas d’amandes au pays, renchérit Mike von Massow, économiste alimentaire et professeur à l’Université de Guelph. Ça ne respecte clairement pas les critères pour ce qui est considéré comme étant fabriqué au Canada.
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Ces amandes dans un magasin Sobeys de Toronto arborent un symbole de feuille d’érable rouge et la mention « Fait au Canada ». Or, l’emballage indique que le produit est importé.
Photo : Sophia Harris/CBC
Une quinzaine de produits Compliments importés pour Sobeys – tels que des cornets de crème glacée, des vinaigrettes, des noix et des biscuits Graham – affichaient aussi la feuille d’érable, selon l’enquête de CBC/Radio-Canada.
L’économiste ajoute que les épiciers font parfois des erreurs, ce qui est regrettable, mais compréhensible. Que ce soit accidentel ou intentionnel, il s’agit d’un effort clair pour rendre ces produits plus attrayants pour un public canadien beaucoup plus soucieux de la provenance de ses aliments, affirme Mike von Massow.
Produit du Canada ou Fait au Canada?
L’indication Produit du Canada veut dire que presque tout (98 %) vient d’ici — ingrédients, main-d’œuvre et fabrication, selon les lignes directrices du Bureau de la concurrence (nouvelle fenêtre). Un produit Fait au Canada est soumis à un seuil de contenu canadien moins élevé (51 %) mais doit avoir été transformé ici, même si des ingrédients viennent de l’étranger.
Six mois après le début du mouvement Achetez canadien, la patience des consommateurs face aux erreurs des épiciers s’amenuise, souligne Mary L’Abbé, spécialiste en étiquetage alimentaire.
C’est important pour les Canadiens et [les détaillants] ont une responsabilité envers leurs clients, qui s’attendent à ce qu’ils interprètent correctement la réglementation, affirme la professeure émérite en sciences de la nutrition à l’Université de Toronto.
Des erreurs humaines, selon les épiciers
Sobeys a répondu, par courriel, que la création d’affiches pour les dizaines de milliers de produits dans ses 1600 magasins est un processus très manuel et que les erreurs peuvent malheureusement survenir, surtout pendant la saison estivale parce que la provenance des produits frais peut changer d’une semaine à l’autre.
Nous nous efforçons de fournir à nos clients des informations claires et précises sur le pays d’origine, affirme la porte-parole Emily Truesdale.
Au magasin Loblaws, nous avons identifié plusieurs produits – tels que des framboises, des courges et des aubergines – avec des indications contradictoires. Dans certains cas, les affiches en magasin parlaient de produit du Mexique, alors que les emballages indiquaient produit des États-Unis.
De telles incohérences ont aussi été identifiées avec des paquets de mûres et de framboises dans une succursale Metro.
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Ces framboises biologiques sont un « produit du Mexique » selon l’affiche de prix dans l’épicerie Metro, mais sur les emballages en plastique, on retrouve la mention « produit des États-Unis ». Metro affirme que son dépliant annonçant la vente indiquait correctement que les framboises provenaient soit du Mexique ou des États-Unis.
Photo : Sophia Harris/CBC
Les trois grandes bannières canadiennes – Loblaw, Sobeys et Metro – ont chacune répondu par courriel qu’elles tentent d’indiquer avec précision le pays d’origine des aliments, mais soulignent du même coup qu’il s’agit d’une tâche complexe étant donné le volume des stocks.
Nous mettons constamment à jour nos systèmes afin de suivre l’évolution rapide de l’approvisionnement de milliers d’articles. Nombre de nos produits proviennent de différents pays à différents moments de l’année et, parfois, la mise à jour des affiches peut prendre du temps, explique la porte-parole de Loblaw, Lina Maragha.
Loblaw et Metro ont présenté leurs excuses aux clients et les encouragent à signaler tout problème directement aux magasins concernés. Les deux entreprises disent aussi travailler avec le personnel des supermarchés pour renforcer les politiques d’affichage et minimiser les erreurs.
À la suite de l’enquête de CBC, les magasins ont reçu des rappels concernant la vérification des étiquettes des produits, affirme Stephanie Bonk, porte-parole de Metro.
Avec les informations de Sophia Harris de CBC