[Cet article a été publié pour la première fois sur notre site le 21 avril 2024, et republié le 25 juillet 2025.]

Quand j’ai appris que la Fondation Nuffield allait publier un rapport préconisant de réduire les vacances d’été (de six à quatre semaines) en rallongeant les petites vacances, je me suis dit que les Français avaient une conception bien différente des vacances en famille.

Quand je me suis installée en France, en 2009, avec mon mari et mes deux enfants de 4 et 6 ans, j’avais pensé à tout, sauf aux vacances. Au Royaume-Uni, les six semaines de vacances d’été m’avaient toujours paru très longues avec deux enfants en bas âge à la maison. Il faut dire que faire garder ses enfants ou leur trouver des activités coûte une fortune à Londres. Alors comment allions-nous faire pendant deux mois dans un pays où nous ne connaissions personne, sans aucun parent à qui confier notre progéniture ?

En fait, la France avait déjà pensé à tout. Quand les écoles sont fermées, les centres de loisirs prennent le relais pour s’occuper des enfants dont les parents travaillent. Ces derniers sont généreusement financés par l’État et les familles modestes bénéficient de tarifs adaptés.

J’imagine que les moyens dont ils bénéficient sont différents selon les collectivités, mais en règle générale, ces centres se trouvent à proximité et ne coûtent pas grand-chose. Notre centre de loisirs, par exemple, dispose d’un grand terrain, d’une piscine avec maître nageur, les enfants sont accueillis selon leur tranche d’âge, dans des grandes pièces lumineuses et la cantine est bio.

Les enfants sont pris en charge par des animateurs compétents et formés, et il y a régulièrement des temps forts, avec des sorties prévues à la plage, au bowling, au cinéma, dans des parcs d’attractions, et aussi des activités pour les plus grands comme du rafting et du karting. Le tout pour moins de 20 euros par jour.

Le centre de loisirs était très pratique quand nous avions besoin de travailler, mais les grandes vacances nous ont aussi donné l’occasion de resserrer les liens familiaux en passant du temps ensemble et en voyageant à notre rythme.

Profiter d’un temps en famille

Comme la plupart des familles françaises, nous remplissions le coffre de la voiture et partions dans une location à la plage ou à la montagne pendant deux ou trois semaines. Les vacances ne coûtent pas forcément très cher si vous faites le trajet en voiture et que vous emportez le maximum de choses avec vous. Il suffit de regarder les voitures des Français sur l’autoroute, il y a des vélos attachés à l’arrière de la voiture, parfois un paddle sur le toit et même un énorme paquet de rouleaux de PQ sur la plage arrière.

Certains passent quelques semaines chez leurs grands-parents ou s’entassent dans le petit appartement sur la plage que leur famille possède depuis plusieurs générations. Quant à nous, nous avions préféré louer notre maison sur Airbnb pour payer les vacances.

Outre le fait de profiter d’un temps en famille, les enfants ont tout à gagner de cette période de voyage et de découverte, ils sortent de leur routine et peuvent prendre le temps de s’épanouir différemment.

En France, les autres congés scolaires durent deux semaines, ce qui est idéal pour un grand nombre de raisons. Les enfants ont le temps de décompresser et c’est aussi l’occasion pour les familles de profiter de certaines destinations, moins chères qu’en été, sans avoir à partir tous le même jour, et donc de saturer les aéroports comme c’est souvent le cas au Royaume-Uni. Pour les vacances d’hiver et de printemps, le pays est divisé en trois zones afin d’étaler la période des vacances, ce qui veut dire que les destinations les plus prisées (comme les stations de ski) sont moins envahies par les foules que si les Français partaient tous à la même date. À mon avis, cet étalement a également l’avantage de ne pas faire flamber les prix. Des amis qui travaillent dans le secteur du tourisme me disent que c’est aussi une aubaine pour eux : parce que les clients arrivent sur plusieurs semaines et non tous en même temps.

Nos maigres quatre semaines de vacances d’été préconisées chez nous vont-elles être suffisantes ? Selon un récent sondage réalisé par l’appli Teacher Tapp [qui organise des sondages auprès des professeurs], les enseignants restent assez divisés sur la question. À en croire une de mes amies enseignante, quatre semaines c’est vraiment trop court pour les enfants, et encore plus pour les profs, car la plupart passent leurs premières semaines de vacances à rattraper leurs heures de sommeil perdues.

Vie personnelle avant vie professionnelle

Les prix des hôtels, des locations et des transports pendant les vacances d’été au Royaume-Uni sont déjà exorbitants – et raccourcir cette période risque encore d’aggraver le problème. Et le nombre d’enfants qui rateront l’école pour partir en vacances va sans doute augmenter. Une autre amie française me disait que les longues vacances d’été étaient aussi idéales pour les parents divorcés parce que les enfants pouvaient passer beaucoup de temps avec leurs deux parents – alors qu’avec seulement quatre semaines, ils auront à peine le temps de se poser.

On dit que les Français font passer leur vie personnelle avant leur vie professionnelle, mais une chose est sûre, en matière de vacances et de congés, c’est parfaitement avéré. Avoir de vraies vacances est presque considéré comme un droit. Les ménages modestes bénéficient ainsi d’une aide de l’État sous forme de chèques à utiliser dans les campings et les villages de vacances en France. De nombreuses entreprises donnent également un coup de pouce à leurs salariés sous forme de chèques-vacances. Une usine proche de chez moi possède même son propre camping sur la plage, réservé à ses employés.

Certes, les écoliers français passent beaucoup de temps à l’école, en partie pour compenser ces vacances prolongées, et si certains trouvent que les journées sont trop longues pour les plus jeunes, ces horaires sont quand même très pratiques quand on travaille. Les enfants ont leur mercredi après-midi libre (et dans certaines écoles primaires tout le mercredi) et généralement une pause méridienne de presque deux heures – qui leur permet de manger tranquillement et d’avoir encore du temps pour s’amuser.

Je suis convaincue que les Britanniques auraient beaucoup à gagner d’un système de vacances à la française, mais il faudrait d’abord mettre en place les infrastructures nécessaires pour que ce soit possible : créer des modes de garde abordables pour les parents qui travaillent et faire en sorte que toutes les familles puissent partir en vacances. En France, partir en vacances, c’est sacré, quels que soient vos revenus. Le Royaume-Uni ferait bien de s’en inspirer.