« Le 33-15 est mort. Le 20-20 s’impose. Et la Fédération entre en résistance. » Face à la rigidité de l’arbitrage gouvernemental sur les remises commerciales, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), dénonce une « catastrophe économique » et acte l’entrée dans une phase de confrontation politique. L’arrêté attendu au Journal officiel fin juillet imposera une limitation à 30 % des remises sur les génériques et à 15 % sur les biosimilaires dès le 1er août 2025. L’arrêté précisera également un objectif de plafonnement à « 20 % sur les génériques et 20 % sur les biosimilaires » en mars 2027, sans compensation, ni clause de revoyure, ni ouverture conventionnelle.

« Le gouvernement s’apprête à faire perdre des centaines de millions d’euros aux officines », résume Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO).

Un compromis impossible : syndicats et gouvernement disent non

Après une réunion de plus d’une heure avec Yannick Neuder, Philippe Besset avait présenté une contre-proposition transitoire à 34-15, accompagnée d’un chantier de réforme conventionnelle sur les honoraires. « Nous avons tenté de construire un plan pour sortir du piège des remises, mais tout le monde l’a refusé : les syndicats, qui ont parlé de “politique du moins pire”, et le gouvernement, qui a jugé notre demande excessive. »

Une bombe économique pour les officines

Selon les estimations partagées par la FSPF et par l’USPO, la perte moyenne par officine serait de 15 000 € par an, avec de lourds écarts selon la structure des achats et le profil économique de l’officine. « On parle d’un transfert net de valeur vers l’industrie. Sans rééquilibrage par les honoraires, ce sera invivable pour de nombreuses pharmacies rurales ou indépendantes. », souligne Pierre-Olivier Variot.

La FSPF, qui tiendra son assemblée générale le 30 juillet, confirme que toute tentative de compromis est désormais enterrée. « Le texte va passer. Il faudra ensuite vivre avec… ou le renverser. »

Bercy visé, le ministère de la Santé marginalisé

Dans cette crise, les critiques visent clairement Bercy. « Ils appliquent le rapport Borne à la lettre : réduction du coût de la chaîne du médicament, suppression des marges, recentralisation industrielle », dénonce Philippe Besset. « Ils veulent moins de pharmacies, moins de services, moins de proximité. »

« C’est une vision purement budgétaire, qui nie la fonction de santé publique de l’officine », explique également Pierre-Olivier Variot. « Ils s’apprêtent à ruiner le maillage territorial. »

Philippe Besset pointe également une rupture : « C’est la première fois que le ministère de la Santé est aussi inaudible. Il a tenté de plaider notre cause, mais n’a rien obtenu. »

Le contre-feu s’organise pour l’automne

« La seule option désormais, c’est de changer de gouvernement », lâche Philippe Besset. « Le 20-20 sera dans l’arrêté. Il faudra un nouveau Premier ministre pour revenir dessus. » En clair : les syndicats visent désormais le débat parlementaire de l’automne pour infléchir la trajectoire.

Pierre-Olivier Variot annonce un plan d’action syndical coordonné dès cet été avec des grèves et de fortes actions. Ces dernières se poursuivront à la rentrée : « Nous allons mobiliser les élus, les patients, les associations, et poser la question du financement du réseau dans le débat public. On ne peut pas accepter que les pharmaciens financent seuls le déficit de la France. »

En attendant, les pertes s’annoncent lourdes

Le secteur entre dans une zone de turbulence. « Les groupements vont revoir leur stratégie d’achat, les laboratoires vont adapter leurs politiques commerciales, et les officines vont encaisser les pertes dès cet été », résume Philippe Besset. « On vous donnera les chiffres précis, mais ce sera plusieurs centaines de millions d’euros. »

L’USPO partage le constat. « Cette décision aura des effets systémiques : sur la trésorerie, sur l’emploi, sur l’attractivité du métier. Et elle fragilise encore davantage les pharmacies en zones fragiles. Les effets du 20-20 ne se verront pas en un jour, mais ils sont certains. »