Quelques signes sur le son. En cette période estivale synonyme de vacances pour les plus chanceux, on a décidé de vous lister quelques imprimés à bouquiner sur vos plages d’oisiveté. Une sélection composée de livres et de fanzines questionnant et déconstruisant les sphères musicales, tous genres et milieux confondus. Vous y trouverez des ouvrages sur la victoire du rap, sur l’histoire du R&B français ou sur la notion d’indépendance. De quoi attaquer la rentrée avec une vision de la musique un peu décentrée.

Futur parlé #1 “C’est quoi l’indé ?”, par Rémi Laffitte (fanzine, 2025)

L’indé, sa vie, son œuvre. Depuis plus de trente ans, de Paris à Montréal en passant par Lyon, Rémi Laffitte a joué à tous les postes des scènes indépendantes musicales – ou DIY comme il préfère dire – : fondateur de labels (Atelier Ciseaux, Athlettic Duddes), RP des plus fins festivals et salles de la capitale (International, Mofo, Sonic Protest…) ou organisateur de tournée. Mais au fait, c’est quoi l’indé ? Faisant le constat d’un terme un chouïa flou et galvaudé, voila la question que Rémi Laffitte a posée il y a deux ans à 41 personnes issues de ces cercles où le plaisir de faire prime sur les taux de rendement. 

Ça a donné le premier numéro de Futur Parlé, un fanzine sorti en mars 2025, en indé bien sûr, où les réponses (en français, en anglais, en BD, de plusieurs paragraphes ou de quelques lignes…) dessinent une architecture très intime et épidermique de ces communautés. Toutes les personnes interrogées ont droit à un portrait écrit par l’ordonnateur du projet, ajoutant un dernier soupçon de cœur à l’ouvrage. On vous laisse répondre aux courriers des lecteurs et, qui sait, comme le premier disque du Velvet Underground, ce futur parlé donnera peut-être envie de tracer de nouvelles lignes de l’indé.

Le rap a gagné. À quel prix ?, par Mehdi Maïzi (La Fabrique Editions, 2025)

L’insurrection du rap est venue, elle a vaincu mais qu’est-il advenu ? Tel est le postulat du journaliste Mehdi Maïzi dans son ouvrage Le rap a gagné. A quel prix ? sorti en aux très estimables éditions La Fabrique en mars 2025. Avec ce très dense essai, le boss du hip-hop chez Apple Music France passe au peigne fin plus de trente ans d’histoire du genre en France, articulant son propos avec les fermants américains et les échappées internationales.

Sont évoqués la figure de Booba, le rap alternatif, la dépolitisation du rap, les niches, le streaming, la singularisation progressive de la scène francophone, la ville de Marseille mais aussi les notions de succès (et son revers), de pureté et de liberté. C’est à la fois érudit et bourré de refs, digeste et nourri de fins questionnements sur le genre et son rapport à la société. Bonus track : les playlists thématiques à la fin de chaque chapitre – essentiellement composées de sons d’artistes masculins. Un sujet pour un prochain bouquin ?

 
Flashes 4 – Consciences de fêtes : réinvestir les espaces festifs comme zones de luttes, par Au-delà du Club (fanzine, 2025)

Flash info : les productions d’Au-delà du Club sont toutes à mettre dans vos bibliothèques. Créé en 2023 par Laure Togola et Sarah Gamrani – respectivement DA de la Boule Noire et moitié du duo Pureblast –, rejointes par les DJ Bambi et Hewan Aman, Au-delà du Club analyse, questionne et déconstruit le milieu festif avec l’idée de le rendre plus inclusif. Son quatrième Flashes, sorti en avril, pose la question de la conscientisation politique de la fête et du réinvestissement des espaces de fête comme des lieux de luttes. 

On trouve un papier de Laure Togola sur la fête libre, une réflexion de Laeti(tia) Muong sur la visibilisation des artistes issus de minorités via un prisme technologique ou une réinterprétation graphique de l’hymne du Front Électronique par les artistes Marine Barbaud et Lucie Damase, par ailleurs en charge de toute la DA. Une saine lecture pour vos journées de plage ou pour éclairer vos nuits. 

A signaler la sortie en juin d’une enquête d’Au-delà du Club, Consentis et Réinventer la Nuit pour « rendre visibles les violences sexistes, sexuelles et discriminatoires (VSSD) dans le secteur des musiques électroniques et actuelles en France ».

Ni Muses, ni groupies – Une histoire féministe de la musique, par Chloé Thibaud (Éditions Leduc, 2025)

Dans son nouvel essai paru en mars 2025 aux éditions Leduc, Chloé Thibaud célèbre et visibilise les femmes et leur influence, déconstruisant le sempiternel récit patriarcal de l’histoire musicale. Comme dit le titre, exit les figures de muses et de groupies, bonjour aux reines et aux pionnières : la marraine du rock Sister Rosetta Tharpe, Aretha Franklin, Cyndi Lauper, Beyoncé, France Gall, Angèle ou Hildegarde de Bingen, moniale allemande du XIIe siècle tendance pop star. Une ouvrage documenté via une vingtaine d’entretiens (Pomme, Yseult, Lio, Angélique Kidjo, Yelle…) et préfacé par Flore Benguigui, ancienne chanteuse de L’Impératrice, qui a justement dénoncé l’invisibilisation dont elle a été victime pendant des années dans le groupe.

Sensibles. Une histoire du R&B français, par Rhoda Tchokokam (Audimat Editions, 2023)

C’est une réhabilitation du R&B français que propose l’autrice Rhoda Tchokokam dans son essai Sensibles sorti en 2023 chez Audimat. Elle retrace son histoire depuis les années 1990 en célébrant les artistes pionniers, soulignant l’importance des figures féminines comme K-Reen tout en déconstruisant le mépris et le racisme des médias et de l’industrie. Elle analyse les différentes chapelles stylistiques et ses hybridations avec des genres du monde entier – coucou la compile Raï’N’B Fever –, les spécificités du R&B français sans oublier la filiation avec des artistes d’aujourd’hui comme Aya Nakamura, Gims ou Monsieur Nov. R&B forever.

Boum boum. Politiques du dancefloor, par Arnaud Idelon (Éditions Divergences, 2025)

Arnaud Idelon aime la fête. Il aime la vivre, de manière passionnée, libre et collective, mais il aime aussi y réfléchir. De ses années à arpenter les pistes de danse, l’actuel co-programmateur du Sample a tiré Boum Boum, sorti début 2025 aux Éditions Divergences. Dans cet essai composé de courts chapitres vivifiants comme un shot à 8h du mat’, l’auteur analyse le dancefloor dans toutes ses facettes de manière sensible, référencée, mais jamais aride. Le tout avec un horizon utopique mais sans héroïsation du sujet et une conscience de ses propres biais.

La fête est décryptée à travers ses temporalités – Arnaud Idelon n’est pas fâché avec les afters –, ses rapports au corps et aux sens, ses excès et comme lieu de reproduction des violences systémiques, sa tristesse aussi, et bien sûr sa (dé)politisation et son potentiel émeutier.  On aime bien sa manière d’articuler ses propres récits (dans lesquels on se reconnaît parfois) avec les notions de collectif. Car au final, c’est ça une fête de qualité : un espace-temps où les participants se sentent en sécurité et libres, et agissent collectivement pour le faire perdurer. Un livre pour prendre un peu de perspective dans son rapport à la fête.

Hyperpop – La pop au temps du capitalisme numérique, par Julie Ackerman (Façonnage Editions, 2024)

Après le carton de l’album BRAT de Charli XCX l’an dernier, l’hyperpop s’est retrouvée au top de la pop. Un triomphe revêtu d’un sourire narquois lorsqu’on connaît les origines du genre. Au début des années 2010, les pionniers de l’hyperpop, AG Cook ou SOPHIE, se définissaient justement en déconstruisant la pop music omnipotente. Comment ? En exagérant tous ses traits, son rythme, son attrait pour la technologie, l’économie de marché ou sa recherche de l’éternelle jeunesse. Pour un résultat électronique sous amphets entre expé de geek et hymnes euphoriques. Ce sont ces quinze ans de maturation que Julie Ackerman décrypte et analyse dans Hyperpop – La pop au temps du capitalisme numérique, sorti en 2024 aux éditions Façonnages. Bon plan : les neuf playlists thématiques accessibles ici. depuis Une lecture d’été pour comprendre les rouages du BRAT Summer éternel.