15 avril 1955. Peu après 16 h, le dernier convoi de la ligne 6 stoppe place Bouzigue, au cœur du quartier des Routes. La foule se presse autour des wagons en état de délabrement avancé. Alors que la fanfare de la RMTT s’occupe de mettre l’ambiance, la population acclame le tramway qui, depuis 70 ans, reliait les différents quartiers de Toulon. L’émotion est immense.

Quatre autobus flambant neufs attendent là, prêts à prendre la relève. Tout sourire, le maire Édouard Le Bellegou, entouré des élus de son conseil municipal, monte à bord. Motrices et vieilles remorques, elles, prennent le chemin du dépôt de Brunet, où elles seront découpées au chalumeau. Le lendemain, le journal Toulon-Soir titrera: « Adieu et pour toujours ».

Bombardements américains et trolleybus l’ont tué

La scène, racontée par Roland Le Corff, sur son site mes-annees-50.com (1), s’est déroulée il y a 70 ans. Depuis, malgré de nombreux nouveaux projets de tramway – le premier sera relancé dès 1976 – le transport en commun en site propre (TCSP) sur rails n’a effectivement plus cours à Toulon.

Cette disparition fut loin d’être abrupte. La concurrence des cars, du trolleybus (transport électrique sur pneumatiques), de la voiture, ainsi que les dégâts de la guerre 1939-1945 ont progressivement eu raison du TCSP de l’époque.

Ainsi, le bombardement allié du 24 novembre 1943 fera subir de tels dommages à la ligne de tram n° 3, au Mourillon, qu’elle ne sera jamais remise en service. À sa place, dès 1949, un trolleybus. À la Libération, de nombreuses voies sont détruites; les politiques en profitent pour tourner la page et « offrir » les rues aux automobilistes.

D’abord les chevaux, ensuite l’électricité

L’histoire du tramway à Toulon avait commencé le 17 juillet 1886. Un premier (petit) réseau de voie ferrée est alors créé pour desservir Saint-Jean-du-Var et Bon Rencontre, au moyen de véhicules hippomobiles. Autrement dit, tirés par des chevaux. L’arrêt La Valette est inauguré six mois plus tard. Les 5km qui le séparent de la place de la Liberté sont effectués en 45 minutes.

Les premiers tramways électriques n’apparaîtront qu’en 1897. Alors que plus de cent chevaux normands vont bientôt être mis à la retraite, vingt-sept mille voyageurs sont présents à l’inauguration le 30 juillet. Le tramway dessert rapidement les arsenaux, les casernes, les forts et les plages. En 1903, les voyageurs circulent de La Valette à Ollioules sans changement, sur une longueur de treize kilomètres. Que demande le peuple?

Plusieurs compagnies exploiteront le réseau de l’agglomération toulonnaise, très fréquenté et en expansion constante: la Compagnie générale des omnibus de Marseille, la Société des chemins de fer et tramway du Var et du Gard (mieux connu sous le nom commercial de Tramways toulonnais) puis la RMTT. À son apogée, celui-ci comptera jusqu’à neuf lignes et 66 motrices.

Le 5 juillet 1954, dans le quotidien République, le journaliste Raoul Noilletas sent que la fin est proche. Il écrit: « Notre antique tramway est l’ultime flâneur des longs chemins. Vous verrez que vous le regretterez un jour, ce grand calomnié, dernier poète boulevardier à quatre roues. »

1. Les informations sont tirées du livre 1880-1980: un siècle de transports en commun dans l’agglomération toulonnaise, par Gabriel Bonnafoux et Albert Clavel (1985).


Carte postale colorisée montrant le tramway sur le boulevard de Strasbourg, devant l’actuel siège de la Chambre de commerce.
coll. bernard carruesco Photo collection bernard carruesco.

Quand roulera le futur transport en commun en site propre de l’agglo ?

Annoncé pour 2005 par le maire de l’époque Jean-Marie Le Chevallier (FN), puis relancé avant d’être abandonné par son successeur Hubert Falco en 2006, le projet d’un tramway à Toulon a pris du plomb dans l’aile ces dernières années. Aujourd’hui, seuls les élus d’opposition et quelques associations militent pour un retour du rail dans les rues de la capitale du Var. Pointant du doigt (entre autres) le fait que Toulon soit l’une des rares métropoles à ne pas en avoir, ils défendent un moyen de transport confortable, rapide, écologique, silencieux.

Mais horriblement cher et nécessitant des travaux trop importants, assure la majorité politique aux manettes de la Métropole TPM. À la place, c’est le déploiement d’un Bus à haut niveau de service (BHNS), sorte de grand car ou de « superbus » devant circuler sur une voie dédiée, qui a été acté. Toutefois, plusieurs étapes réglementaires restent à franchir avant que ne soit inaugurée la première ligne prévue entre Ollioules, Toulon et La Garde, maintes fois repoussée, dont l’itinéraire a été modifié à plusieurs reprises, désormais annoncée pour 2028.

Plusieurs étapes administratives à franchir


Fin décembre 2024, la préfecture du Var avait expliqué avoir été saisie par la Métropole d’une « demande de déclaration d’utilité publique » du BHNS. Ce n’est qu’une fois cette « DUP » obtenue que les travaux pourront démarrer. Sauf que la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe), qui s’est récemment exprimée sur le projet, a trouvé pas mal de choses à redire. Mais son avis n’est que consultatif.

Si les choses suivent leur cours, les citoyens seront ensuite consultés via une enquête publique. À quelques mois des municipales, alors que le Transport en commun en site propre (TCSP) de l’agglomération sera un enjeu important des élections, cette concertation promet d’être animée. Les partisans du tramway ont déjà prévu de soulever plusieurs biais techniques pour mettre à mal le projet.

Une fois le rapport de cette enquête publique remis, le préfet sera alors en mesure de donner son feu vert. Et permettre à TPM d’enclencher « fin 2025 » les premiers travaux Un timing qui apparaît aujourd’hui extrêmement optimiste.