Par
Maréva Laville
Publié le
26 juil. 2025 à 6h22
Des cinq tunneliers qui creusent en même temps le tracé de la ligne C du métro de Toulouse, c’est le premier à avoir bientôt accompli l’intégralité de son chemin. Marguerite de Catellan, parti en août 2024 de Montaudran Gare – Piste des Géants, vient de percer la dernière station de son parcours avant d’arriver au Puits Saint-Sauveur (puits de ventilation et de secours, NDLR) : la Côte Pavée. Et avec de l’avance ! Mais n’avance-t-il pas à la même allure que les autres ? Pourquoi les vitesses diffèrent ? Explications.
« Le meilleur grimpeur de la ligne C »
« Le tunnelier « Marguerite » a percé la paroi de la station Côté Pavée ce matin. Il est arrivé avec de l’avance. J’ai pu féliciter les équipes de Tisséo ainsi que les compagnons des entreprises qui construisent ces beaux ouvrages ». C’est ce qu’a indiqué fièrement la maire de quartier Isabelle Ferrer sur son compte X.
« On ne savait pas la date exacte d’arrivée », explique Tisséo à Actu Toulouse. L’affaire se jouait à un quelques heures près. Mais c’est finalement jeudi 24 juillet que le tunnelier a explosé le dernier mur donnant accès à la station de la Côte Pavée.
« Cette percée détient le maillot jaune et le maillot à pois pour le meilleur grimpeur de la ligne C ! », s’est réjoui le maître d’ouvrage du tunnelier Marguerite de Catellan sur la retransmission en direct sur YouTube.
Le tunnelier le plus rapide de Toulouse
Une double fierté pour l’entreprise Bouygues Travaux Publics qui se plait à dire que leur tunnelier (construit par Herrenknecht) est le plus rapide de la ligne C du métro de Toulouse. Selon nos calculs, Marguerite de Catellan, parti le 6 août 2024, fore à une vitesse moyenne de 0,39 m/h* depuis son départ, sur la base d’un fonctionnement 24 h/24.
C’est effectivement le plus rapide d’après les vérifications d’Actu Toulouse, puisque celui qui le suit le plus près, le tunnelier Marie-Thérèse de Villeneuve-Arifat – connu pour avoir traversé non sans mal le quartier de Bonnefoy – n’atteint pour l’instant que les 0,16 m/h environ. Ce dernier, dirigé par les entreprises Demathieu & Bard Construction et Implénia, n’a cependant parcouru que 30 % de son tracé au jour où nous écrivons cet article.
Près de quatre fois plus que le premier tunnelier en marche
Les autres tunneliers qui creusent la terre toulousaine avancent effectivement moins vite. Jeanne Marving (entreprise Eiffage), parti quant à lui en septembre 2024 de Colomiers, creuse à une allure d’environ 0,048 m/h. Tandis que Lise Enjalbert, parti fin février des Ponts-Jumeaux vers Blagnac, se déplace à 0,028 m/h et Berthe de Puybusque, qui relie les Ponts-Jumeaux au Raisin, détient une vitesse de 0,086 m/h pour l’instant.
L’unique tunnelier ayant terminé sa mission, Clémence Isaure, chargé par l’entreprise Bessac d’effectuer la connexion entre la ligne B et la ligne C au niveau de Ramonville sur 500 mètres, avait quant à lui avancé au rythme de 0,1 m/h.
250 mètres par mois en moyenne, résume Tisséo
Des chiffres qu’il faut pour autant prendre avec distance, puisque « la vitesse d’un tunnelier n’est pas linéaire », précisent les ingénieurs de Tisséo.
La notion de 250 m par mois est une vitesse moyenne qui sert de référence lors des études et de l’établissement des plannings. Dans la réalité, certains mois de production sont plus lents que cette cadence, notamment pendant la période de montée en puissance, au démarrage ou lors du franchissement des stations. Et d’autres mois verront les tunneliers avancer à des cadences supérieures à cette valeur.
Tisséo
Plusieurs facteurs en jeu
Mais alors pourquoi de telles différences – mathématiquement – de vitesse ? Pourquoi les cinq tunneliers ne percent-ils pas au même rythme ?
«Plusieurs facteurs influencent la vitesse d’avancement d’un tunnelier. Le plus déterminant est la nature du sol traversé », explique Tisséo.
La nature des sols, en particulier
C’était notamment ce qui faisait la complexité du passage de Marie-Thérèse de Villeneuve-Arifat à Bonnefoy. Depuis son passage sous la terre de ce quartier, le 10 avril dernier, les événements se sont enchaînés. Fissures, trou dans un jardin, effondrement du sol d’un salon et délogement de plusieurs habitants. Ces dégâts sont liés au sol du quartier, particulièrement sensible, comme l’expliquait récemment à Actu Toulouse, un géologue travaillant pour Tisséo.
« On a une particularité, c’est une pente avec la fin de la bute de Jolimont. Un terrain donc avec des accumulations de matériaux et de dépôts de cette pente, qui sensibilisent le sol. Donc, la molasse (la partie la plus profonde et la plus solide du sol) est réduite en raison de cette accumulation. On est rapidement en contact avec la partie plus fragile, moins profonde, donc avec un terrain moins résistant dans ce secteur ».
Mais l’élément déclencheur des dégâts reste… une poche de sable. « Les lentilles de sable sont des cavités souterraines qui, au moment du passage du tunnelier, se vident dans ce dernier. Cela génère des trous souterrains qui sensibilisent un peu plus le sol », expliquait le directeur des grands projets Tisséo, Jean-Jacques Laporte.
Ces trous sont, depuis, systématiquement rebouchés avec du béton. Ce fut le cas après le passage du tunnelier rue de Limayrac, à la Côte Pavée, où une cavité a été détectée à 9,50 mètres sous terre. Aussitôt vue, aussitôt rebouchée, et aussitôt reparti pour que le monstre souterrain poursuive son chemin. Dans un terrain qui lui était visiblement bien plus favorable.
Logistique et organisation en complément
Mais la qualité du sol n’est pas la seule contrainte qui peut ralentir un tunnelier. « Ensuite, au-delà des performances de la machine, les aspects logistiques et organisationnels jouent un rôle clé », assure Tisséo.
En plus des caractéristiques du sol, pour lesquelles la pression au front doit s’adapter, chacune des entreprises engagées dans le chantier de la ligne C ne possède pas la même efficacité d’évacuation des déblais, et d’approvisionnement en voussoirs permettant de construire le tunnel. À cela, il faut aussi ajouter les arrêts nécessaires pour des questions de maintenance ou de changements d’équipe, « pour des opérations de maintien en condition optimale de la machinerie et des outils de coupe sur la roue de coupe ». Autant d’éléments qui influent sur la rapidité des cinq tunneliers à l’œuvre dans Toulouse.
*calculs effectués sur la base d’un creusement 24 h/24. Selon nos informations, la vitesse maximale de creusement possible pour un tunnelier pointe à 1 m/h.
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