Combativité, tristesse et recueillement: les émotions étaient fortes ce samedi lors de la cérémonie d’hommage aux sept victimes de l’incendie criminel des Moulins à Nice du 18 juillet 2024, provoqué par des narcotrafiquants: un couple, ses quatre enfants et une amie très proche. Une famille totalement étrangère au trafic de drogue.
La communauté comorienne dont ils étaient issus s’est rassemblée autour de la famille endeuillée et des survivants au premier rang desquels Zakidine Maanrouf. La commémoration s’est déroulée à l’AnimaNice Django Reinhardt dans le quartier de l’Ariane car il leur était trop pénible de retourner sur les lieux du drame.
Le jeune homme, aîné de la fratrie, aujourd’hui âgé de 23 ans, a survécu à sa chute du 7e étage mais son corps meurtri – il n’a pas encore retrouvé l’usage de ses jambes – le fait souffrir. Pour autant, il a tenu à être là pour que l’on n’oublie pas.
Sa voix est assurée, son regard est déterminé, perçant, lui qui maintenant est un peu le chef de famille, lui qui s’est investi dans la mission de veiller sur ses deux petits frères, Zayairoudine (21 ans) et Afouwady (18 ans). Il brosse un portrait poignant de sa mère disparue, Sitty.
« J’avais une relation fusionnelle avec elle, je faisais tout pour elle: je m’efforçais d’avoir de bonnes notes à l’école, d’être irréprochable. Les gens qui me connaissent le disent: l’éducation qu’elle m’a donnée est parfaite. Je veux qu’elle soit fière de moi. »
« Je dois penser à leur avenir »
« Mais je n’ai pas appris à surmonter cette épreuve. J’essaie de faire semblant, de sourire… la vérité c’est que tout va très, très mal. Après mon réveil à l’hôpital au bout de trois jours de coma, la première chose que j’ai demandé c’est ma mère. On me répondait qu’elle était dans un état encore plus grave que moi mais qu’elle allait s’en sortir. Tous les jours qui ont suivi, j’ai posé la même question. Et au bout de trois semaines, on m’a annoncé que ma mère est partie, que mes frères et sœurs ne sont plus là. Maintenant, c’est à moi d’aider mes deux petits frères. C’est ma responsabilité. Je dois penser à eux, à leur avenir, au mien, pas seulement à ma rééducation. »
Et d’ajouter: « Aujourd’hui, on me dit que je suis fort, que je suis un miraculé, mais mettez-vous à ma place: vous le vivriez comment? Toutes les nuits, je ressens la douleur physique dans mes jambes, dans mon dos…, psychologique aussi parce que j’ai trop de choses en tête, trop de questions sans réponses. Parce que l’État nous avait promis de nous aider mais pour l’instant il n’y a que la Ville de Nice qui nous soutient. »
« Ils ont besoin d’actes, d’un avenir, d’un soutien »
Son grand-oncle, Hairdine Mohamed, qui a présidé la cérémonie, ne décolère pas.
« Je veux dire notre tristesse et notre colère car un an après, les enfants survivants sont seuls, orphelins, brisés, démunis. On leur avait promis un accompagnement, un soutien, une reconnaissance. Ils n’ont reçu que des silences, des lenteurs, des absences. Ils ont été appelés à se débrouiller seuls, dans une vie qu’ils n’ont pas choisie. Comment comprendre que l’État, qui avait promis d’être là, n’ait pas tenu parole? Je le dis avec force, ces enfants n’ont pas seulement besoin de notre accompagnement, ils ont besoin d’actes, d’un avenir, d’un soutien humain, matériel, éducatif, et ils y ont droit. »
Mais il tient aussi à remercier « les cœurs sincères que nous avons croisés dans cette épreuve, à ceux qui n’ont pas compté leur temps et qui ont su faire corps dans la douleur et la dignité. »
Toildine Abdallah-Sahere, l’oncle des trois garçons survivants, frère de leur maman Sitty, qui les a recueillis dans son domicile à Rennes, a confié avec émotion sa peine.
Il a eu un enfant après le drame et raconte: « Ma fille ressemble à Sitty, avec son caractère qui faisait d’elle un leader. Mais savoir qu’elle ne la connaîtra jamais, qu’elle ne la prendra jamais dans ses bras, ça me fend le cœur. »
Sept personnes, totalement étrangères au trafic de drogue, ont perdu la vie il y a un an dans un incendie provoqué par des narcotrafiquants. Photo d’archives Sébastien Botella