Opinion
Investissements en Europe –
L’infrastructure en soutien de la croissance économique
Rattrapage dans les infrastructures, bond des budgets militaires… L’Union européenne change de braquet dans ses priorités d’investissement. Un virage stratégique qui pourrait renforcer sa souveraineté économique.
Commentaire Publié aujourd’hui à 01h10Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.BotTalk
Les tensions géopolitiques ainsi que les négociations internationales ont donné lieu à un changement en termes de priorité d’investissement de l’Europe, portée désormais sur la défense et l’infrastructure.
D’après les estimations de la Banque européenne d’investissement (BEI), les investissements en matière d’infrastructure ont fortement baissé depuis 2009. Cette diminution est principalement due à une forte baisse des dépenses d’infrastructures publiques. Les taux d’investissement ont été inférieurs d’environ 20% à ceux enregistrés avant la crise financière, passant d’un pic de 2,2% en 2009 à 1,8% en 2015. Les secteurs ayant été les plus impactés par cette baisse sont les secteurs des transports, des services publics et de l’éducation.
Ainsi, 6000 milliards d’euros sont nécessaires d’ici 2030 pour permettre à l’Europe d’atteindre ses principaux objectifs climatiques et de transformation digitale. En effet, les ambitions de l’Europe en matière de transition énergétique, de compétitivité industrielle et d’infrastructures numériques reposent en partie sur des investissements stratégiques dans les infrastructures.
Pour combler ce manque, les allocations budgétaires ont été portées à la hausse. Dans le cadre du projet de cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2028-2034, le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) s’est vu allouer 81,4 milliards d’euros pour financer des projets dans les domaines des transports et de l’énergie. Cela représente une augmentation de 215% par rapport à ce qui était disponible dans le programme pour la période 2021-2027. Cette augmentation permettra de financer l’achèvement du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) et participera à la mise en place d’infrastructures transfrontalières à usage civil et militaire, contribuant ainsi à la mise en œuvre du plan d’action pour la mobilité militaire.
Défense
Depuis juin, les membres de l’OTAN se sont engagés à investir chaque année 5% de leur produit intérieur brut (PIB) dans les besoins essentiels de défense et les dépenses liées à la défense et à la sécurité d’ici 2035. En effet, il y a une volonté de renforcer la sécurité et la défense des pays alliés, afin d’assurer sa force militaire en cas de complications. De plus, l’Europe souhaite renforcer ses forces tout en limitant ses dépendances aux pays tiers.
Une augmentation des dépenses européennes en matière de défense, qui passeraient d’un peu moins de 2% du PIB à 3,5%, coûterait actuellement environ 300 milliards d’euros par an. Cette somme pourrait également générer un montant similaire d’activité économique supplémentaire, si elle était correctement investie dans le développement des capacités européennes. La croissance du PIB peut être positivement ou négativement impacté par l’investissement dans la défense. Si l’augmentation des dépenses de défense est financée dès le départ par une hausse des impôts, la croissance sera plus faible, voire négative. Il est donc préférable que les gouvernements européens empruntent pour financer toute dépense supplémentaire temporaire ou l’augmentation progressive des budgets permanents.
Plus important encore, les gouvernements européens devraient veiller à ce qu’une plus grande partie des dépenses de défense reste investie dans la région. Environ 80% des marchés publics dans le domaine de la défense proviennent actuellement de fournisseurs extérieurs à l’Union européenne. Or, la production nationale peut générer les retombées technologiques vers d’autres industries et les gains de productivité qui permettent aux dépenses de défense de générer une activité économique significative pour chaque euro dépensé.
En outre, la prochaine génération d’armements nécessitera une réorientation de la politique européenne en matière de recherche et développement (R&D). Comme souligné dans le rapport Draghi sur la compétitivité européenne, les États-Unis consacrent 16% de leurs dépenses militaires à la R&D, soit dix fois plus en valeur absolue que l’UE (4,5%). Comme le souligne le rapport de Kiel, les retombées de la R&D dans le secteur privé font qu’une augmentation des dépenses militaires de 1% du PIB entraîne une hausse de la productivité à long terme de 0,25%.
En somme, l’urgence de l’investissement en infrastructure n’est pas seulement une solution pour relancer partiellement la conjoncture économique européenne, mais surtout un outil de politique de croissance sur le long terme.
Article co-rédigé avec Natalia Vavasseur
Arthur Jurus est Head of Global Investment Office PWM pour la banque ODDO BHF. Secrétaire général et cofondateur du think tank BSI Economics, il intervient dans de nombreux médias francophones et anglo-saxons.Plus d’infos
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