REPORTAGE – Alors que la saison estivale bat son plein, la préfecture maritime de Méditerranée intensifie les contrôles pour réduire le risque d’accident, lié à la vitesse mais aussi au manque de respect des règles de sécurité à bord.

Dans une anse à l’abri des regards, les affaires maritimes sont en «planque», selon leurs propres termes. Comme leurs collègues gendarmes au bord de la route avec un radar, ils attendent patiemment sur une vedette, scrutant la moindre embarcation. En ce mercredi du mois de juillet, la saison estivale bat son plein à Marseille, et avec elle, son ballet de bateaux et de jet-skis qui empruntent chaque jour l’étroit goulot de Cap Croisette, porte d’entrée naturelle du parc national des calanques. 

Soudain, le préfet maritime lui-même, d’un regard aiguisé, repère au loin un bateau blanc, et demande à ses équipes de s’en rapprocher. Quand la vedette des affaires maritimes lui fait signe de ralentir, le capitaine derrière les commandes fait la moue. Sans doute sait-il ce qu’il va se passer. «Combien de personnes avez-vous?», demande Samuel Alfasser, contrôleur aux affaires maritimes. Le préfet avait vu juste. À cette question, le conducteur avoue : «Il y a 13 personnes à bord.» Or, pour ce modèle, la règle est formelle : le professionnel ne peut transporter que 12 personnes.


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Le groupe est constitué de touristes, partis de Cassis et ayant demandé à faire un tour privé dans les calanques. Méthodique, le contrôleur aux affaires maritimes demande à vérifier que chacun dispose bien d’un gilet de sauvetage adéquat. Mais l’agent constate avec regret qu’il n’y a aucun gilet de sauvetage de taille enfant, alors que plusieurs bambins sont à bord, dont certains très jeune. Pour cette fois, Samuel Alfasser préfère la pédagogie à la verbalisation.

Impréparation

«Monsieur, je vous fais un rappel de réglementation, déclare le contrôleur. Vous avez des enfants à bord et il n’y a pas de gilet enfant. Vous êtes limité à douze personnes et vous avez pris 13 personnes. Donc, je vais vous demander de rentrer au port immédiatement. Fin de la sortie, messieurs, dames.» «Merci», répond mécaniquement une passagère à bord. «Ne dis pas merci Aurélie, plaisante un autre. On est venu de loin pour ça !» Le groupe, visiblement amusé, ne semble pas prendre conscience du danger. «En cas de problème, les gilets de sauvetage taille adulte ne servent à rien pour les enfants», soupire Samuel Alfasser.

«Il y a un vrai problème d’impréparation, de gens qui partent en mer sans véritablement anticiper leur sortie, assure Christophe Lucas, préfet maritime de Méditerranée. Il y a beaucoup d’inexpérience. Vous avez des accidents de gens qui, par exemple de nuit, ne maîtrisent pas leur engin nautique qui se retrouve sur des cailloux. Et si vous êtes avec un bateau très rapide, c’est comme si avec votre voiture, vous rouliez à 60 km/h et que vous vous arrêtiez dans un mur.»

Alors régulièrement, le préfet maritime ordonne des actions de contrôle de grande envergure, comme ce mercredi, pour tenter d’éviter un drame. «La sécurité, c’est nous, mais la prudence, c’est l’affaire des plaisanciers», rappelle-t-il. Le bateau contrôlé tout juste rentré au port, un autre passe devant les yeux du préfet à vive allure. La vedette des affaires maritimes prend le zodiac en chasse, dans son sillage, et relève une vitesse de 25 nœuds, bien au-delà des cinq nœuds autorisés. «Vous saviez à quelle vitesse vous étiez ?» interroge Samuel Alfasseur. À bord, le conducteur en bermuda grimace. «Oui, peut-être… mais c’était pour passer car il y avait beaucoup de courant.» Quand on lui annonce le chiffre, le plaisancier affiche une mine étonnée.

Retrait de permis

«Ma femme n’aime pas la vitesse en plus, explique-t-il. Quand vous me dites 25 nœuds, ça me paraît impossible.» Au fur et à mesure que Samuel Alfasseur contrôle les paramètres de sécurité, la liste des infractions s’allonge. «Je vais vous verbaliser car votre vitesse était excessive, mais aussi pour l’extincteur qui est périmé, la lampe torche qui ne fonctionne pas et l’absence de port de court-circuit», récapitule le contrôleur. De son côté, le plaisancier se montre pressé. «Faites votre PV, je dois aller amener mon fils au centre aéré», lance-t-il.


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Le ton change lorsque Samuel Alfasseur explique au plaisancier qu’il va devoir passer devant une commission amenée à statuer sur la suspension, voire l’annulation de son permis. «Comment ? Vous mesurez ce que vous me dîtes ? Je suis quelqu’un de prudent, en plus. C’est la première fois que je prends un PV depuis que j’ai le permis bateau !» Dans le PV dressé, le plaisancier tient à coucher sur le papier qu’il conteste l’excès de vitesse. Son sort sera tranché à la fin du mois d’août. Depuis le début de l’année, quatre personnes sont mortes en mer dans les Bouches-du-Rhône.