Rennes est-elle une ville littéraire ? Elle a vu passer son lot d’écrivains célèbres : Milan Kundera (installé un temps aux Horizons), Paul Ricœur, Robert Merle, et bien d’autres encore. Elle est aussi le berceau de Paul Féval, maître du roman de cape et d’épée et père du fameux chevalier de Lagardère. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle fut également le refuge d’auteurs sulfureux de l’extrême droite française : Louis-Ferdinand Céline, Alphonse de Châteaubriant… Sans oublier les auteurs plus modérés, Jean de La Varende ou Michel Mohrt.

Derrière ces patronymes se cache toute une armée discrète de passeurs de livres : les libraires. Le plus emblématique reste sans doute Dominique Fredj, à la tête des librairies Le Failler. Installé rue Saint-Georges, dans une vieille bâtisse, il a hissé cette adresse au rang de référence nationale — au même titre que Mollat à Bordeaux ou Dialogues à Brest. Il a même essaimé plusieurs antennes, au point que certains parlent désormais de la « rue Le Failler ».

Mais Dominique Fredj n’est pas seul dans la capitale bretonne. On s’inclinera respectueusement devant la Librairie du Voyage (devant l’église Toussaints), les jeunes femmes engagées de La Nuit des Temps, Aliénor Mauvignier (Comment dire) et les grands spécialistes de la BD (M’enfin, La Livrerie des Jacobins, La Nef des fous, Japanim, Critic et Ty Bull). L’inventaire à la Prévert ne serait pas complet sans les librairies religieuses (La Procure, La Rose Mystique, protestante), Planète IO (rue Saint-Louis), L’Encre de Bretagne (livres bretons), Lendroit éditions et La Courte Échelle (jeunesse). Sans oublier les nouvelles venues dans les quartiers : L’Astrolabe (Maurepas), La Rencontre (Baud-Chardonnet) et L’Établi des mots (Blosne).

Outre le Forum du Livre, les librairies Leclerc et la FNAC, Rennes compte son propre marché de bouquinistes. Jacques Ars et sa bande sont connus de tous. Depuis des années, ils tiennent le haut du pavé sur la place Sainte-Anne. « C’est un lieu obligé pour ceux qui aiment le livre », assure un habitué. Cet endroit ferait pâlir d’envie ceux qui vendent leurs bouquins d’occasion en boutiques. Dignes héritiers d’un certain Corre (installé jadis rue Hoche), certains ont ouvert rue Paul-Bert (Raphaël Thomas) ou derrière le Parlement (Sylvain Langlois, Exercice de style).

À Rennes, le livre est partout, notamment dans les bibliothèques de quartier. Celles-ci sont douze (comme les apôtres !). Parmi elles, les Rennais aiment tout particulièrement les Champs Libres, où l’on compulse de vieux manuscrits avec vue sur la capitale bretonne. Au cinquième étage, on y fera notamment un détour par le musée du Livre et des Lettres Henri Pollès, lieu insolite injustement oublié.

En flânant dans les rues, on s’invitera aussi dans les BU, avec un petit faible pour celle de la rue Hoche. Un peu à l’extérieur du centre-ville, la bibliothèque de l’Agrocampus est un endroit à part. Sur un espace de 800 mètres carrés, le visiteur a l’impression de pénétrer dans un haut lieu de culture, comme s’il entrait à la bibliothèque Sainte-Geneviève ou à celle de l’Académie française. Il y découvrira l’un des plus riches fonds patrimoniaux français dans le domaine agronomique, composé de 30 000 volumes, ouvrages et périodiques publiés depuis 1571, dans un cadre exceptionnel. Pour parachever le tout, les amoureux des belles lettres feront escale aux archives d’Ille-et-Vilaine et de Rennes, où les vieux manuscrits racontent notre histoire.

Tout simplement magnifique. La bibliothèque de l’agrocampus.

Même les cafetiers jouent la carte de la littérature. Jacques Thipthiphakone a ouvert La Librairie dans le quartier de la Courrouze. Mettant à disposition plus de 5 000 volumes, il a imaginé son établissement comme une vieille bibliothèque, avec lumières tamisées du plus bel effet. Plus insolites encore : ces boîtes à livres parsemées dans la ville : elles cachent parfois de vraies pépites. Partout dans les quartiers, elles regorgent de trésors. Nos préférées  sont celles de la rue Paul-Bert et de la rue Lobineau.

Enfin, le long du canal d’Ille-et-Rance, en face des P’tits Bateaux, un portail entrouvert attire l’œil — et le bon. Entre deux bâtiments flambant neufs, tout droit sortis du fameux « vivre ensemble à la rennaise », une bâtisse au charme suranné résiste au temps. Une demeure ? Oui, mais pas n’importe laquelle : la Maison de la Poésie. Voilà pour les lieux ! Reste à évoquer les animations littéraires : le festival Rue des Livres, les rencontres avec le Paris-Brest… On y croisera peut-être ceux qui font la scène rennaise : Caroline Hinault, Perrine Tripier, Riad Sattouf ou encore Caryl Ferey (le chouchou de nos confrères d’Ouest-France). Certains d’entre eux ont leurs habitudes à la Cité du Livre, à Bécherel… mais c’est une autre histoire.