En Nouvelle-Calédonie, le président de la FFR Florian Grill veut faire du rugby un levier éducatif, social et structurant. Constatant un potentiel énorme mais sous-exploité, il plaide pour un plan ambitieux. Cela verra-t-il le jour ?

En marge du déplacement de l’équipe de France en Nouvelle-Zélande, le président de la FFR Florian Grill a effectué un détour de quatre jours en Nouvelle-Calédonie. Accompagné de l’ancien international Abdelatif Benazzi, il est allé à la rencontre du rugby amateur calédonien, convaincu de son potentiel exceptionnel mais encore sous-exploité. « La Nouvelle-Calédonie, c’est 0,25 % de nos effectifs et 15 % de nos équipes de France », rappelle-t-il d’abord. Peato Mauvaka, Yoram Moefana, Romain Taofifenua, Sipili Falatea ou encore les sœurs Feleu sont les ambassadeurs les plus emblématiques de ce rugby du Pacifique. « Le potentiel est donc énorme », insiste Grill, déterminé à structurer cette pépinière de talents. Malgré la présence de deux conseillers techniques régionaux et d’un pôle espoirs, le président de la FFR déplore une situation encore trop précaire sur le terrain. « Même si on met déjà beaucoup de moyens, ce n’est pas suffisant. Parmi les clubs néo-calédoniens, seuls deux ont un vestiaire. Il y a mille licenciés alors qu’il pourrait y en avoir à mes yeux 3000. » Le constat est clair : les infrastructures ne sont pas à la hauteur de l’engouement latent pour le ballon ovale.

Florian Grill : « Un accord gagnant-gagnant avec l’État »

Face à cette réalité, Grill propose un véritable plan Marshall pour le rugby calédonien. Son ambition : faire du rugby un levier éducatif et sociétal, dans un territoire récemment marqué par les tensions. « On a envie de faire un accord gagnant-gagnant avec l’État et contribuer à transformer la société néo-calédonienne par le rugby. J’espère que l’État sera sensible à nos arguments ». Concrètement, la FFR se dit prête à financer, sur place, une vaste opération de formation des enseignants. « À nos frais, on serait prêts à former tous les professeurs des écoles et les profs d’EPS au rugby à 5, pour diffuser la pratique par la base. » Une volonté d’essaimer le rugby dès le plus jeune âge, de manière ludique et inclusive. Au-delà de l’enseignement, Florian Grill veut inscrire la Nouvelle-Calédonie dans une dynamique régionale. Avec le soutien de World Rugby, il envisage ainsi d’organiser un tournoi pour les moins de 18 ans, réunissant les sélections de la Nouvelle-Calédonie et des îles voisines : Fidji, Tonga, Samoa… « Cela permettrait de ne pas déraciner les meilleurs trop tôt », explique-t-il. Une alternative précieuse à un exil sportif prématuré en Top 14 ou en Pro D2.

Un CNR à Nouméa ?

Mais cette ambition ne peut se concrétiser sans le soutien du gouvernement, que la FFR espère mobiliser. « L’État, s’il est d’accord, interviendrait sur la réfection des infrastructures des clubs, sans lesquelles rien n’est envisageable », enchaîne Florian Grill. Il évoque également un projet plus structurant encore : la création d’un centre national du rugby à Nouméa. « Les équipes de France vont être amenées de plus en plus souvent à jouer dans le Pacifique. Or, de Nouméa, on est à deux heures d’avion de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande. » Un rendez-vous est d’ores et déjà fixé avec Manuel Valls, ministre des Outre-mer, pour discuter de cette vision d’avenir. L’ancien Premier ministre y prêtera-t-il une oreille favorable ? Pour le patron fédéral, en tout cas, il ne s’agit pas uniquement de sport, mais bien d’un enjeu sociétal. Il cite un exemple : « Lors des émeutes, l’un des rares bâtiments d’un quartier sensible à ne pas avoir été brûlé fut le bâtiment d’un club de rugby. » Au-delà du développement local, Florian Grill rêve aussi de reconnaissance nationale et internationale pour cette terre de champions. « Le rugby est le sport amenant le plus de Calédoniens au niveau mondial et ce n’est pas su. Je rêverais de voir un jour, en arrivant à l’aéroport de Nouméa, des photos de rugbymen d’ici portant le maillot tricolore. » On saura, ces prochaines semaines, si le grand projet de la FFR dans le Pacifique verra oui ou non le jour.