En première lecture l’accord est déséquillibré. Alors que l’Union avale une pilule amère, aucune contrepartie n’est exigée des Etats-Unis. Dans la pratique, l’UE va chercher à étoffer la liste des biens exemptés et pourrait ne pas forcément s’acquitter de tous ses engagements.

Sur l’accord UE-Etats-Unis beaucoup a déjà été dit, mais très peu sur la réponse du berger à la bergère. Et pour cause, il n’y en a pas. « Aucune mesure de rétorsion n’est prévue, confirme Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG. C’est bien le piège de cet accord assez inéquitable ».

Et effectivement, en dépit du traitement de choc appliqué à l’Union européenne (relèvement des droits de douane à 15%, engagement d’achats de produits énergétiques et fléchage d’investissements additionnels), aucune contre-mesure de rétorsion n’est prévue à l’égard des Etats-Unis. Selon les analystes, l’Union européenne a choisi la voie de l’apaisement.

« La menace d’un droit de douane à 30% a été jugée crédible, explique Eric Dor. On aurait pu appliquer des droits de douane élevés en réponse à une hausse en application des règles de l’OMC pendant une phase transitoire. Mais on a préféré négocier.

Mais selon le professeur à l’IESEG, l’explication de ce revirement tient aussi dans une Union européenne divisée, avec certains partisans d’une ligne dure et d’autres comme les pays de l’Est qui dépendent encore de l’alliance transatlantique pour leur sécurité qui ont préféré la négociation.

Pas de relèvement des taux applicables aux produits européens… mais une baisse

Malgré la hausse des droits applicables aux produits européens, les droits de douane applicables aux produits américains importés ne devraient pas augmenter. Le communiqué de la présidence de l’Union européenne ne fait aucune mention d’un possible relèvement des taxes applicables aux produits américains.

Le taux moyen applicable aux produits américains oscillait aux alentours de 3% détaille Bruno de Moura Fernandes, directeur de la recherche macroéconomique à Coface.

« Certains produits comme l’automobile étaient effectivement taxés, d’autres biens pas du tout, en vertu des règles du libre-échange. Les niveaux de droits de douane étaient assez faible. »

Les taux appliqués ne devraient donc pas augmenter… Pire, ils pourraient même diminuer en vertu du « zero-for-zero tariff » appliqué aux exemptions. Selon la note de Bloomberg, le taux moyen des droits de douane appliqués par l’Union sur les produits américains devrait ainsi passer sous la barre des 1%!

Un contre-pied ironique, alors qu’il n’y a pourtant pas si longtemps, après la première salve déclenchée par Donald Trump menaçant l’UE de droits de douane sur l’acier et l’aluminium, l’Union Européenne avait annoncé des contre-tarifs en représailles, visant notamment le soja ou la volaille. Des droits miroirs avait aussi été évoqués.

L’idée est donc abandonnée, comme si 15% de droits constituaient finalement un seuil acceptable.

« Il faut aussi avoir en tête que la chaîne d’importation est longue, analyse Bruno de Moura Fernandes. Grossistes et détaillants américains pourraient prendre à leur charge 80% des droits de douane, soit en les transférant sur le consommateur soit en rognant sur leur marge. Donc la hausse des droits n’est pas si favorable que cela pour eux ».

Les mesures de rétorsion vont être abandonnées

L’Union Européenne va aussi lever le pied sur les mesures de rétorsion qui venaient d’être mises au point. C’était pourtant la semaine dernière seulement… Le 23 juillet, l’Union européenne adoptait un paquet de contremesures – jusqu’à 100 milliards de bien étaient concernés. Dans le détail, en cas de droits de douane excessifs, l’UE avait prévu des droits de douane additionnels d’un taux allant jusqu’à 30 % sur 93 milliards d’euros d’importations européennes de biens originaires des Etats-Unis. En réponse à la guerre contre l’acier et l’aluminium déclenchée par Donald Trump, l’accord prévoyait aussi l’interdiction, à compter du 7 septembre 2025, de l’exportation vers les Etats-Unis de déchets et débris d’acier et d’aluminium. Avec l’accord scellé en Ecosse, tout est rangé au placard.

L’UE va chercher à étoffer la liste des biens exemptés

Mais en réalité, l’Union Européenne, affaiblie mais pas vaincue va jouer une autre partition. Celle de la défense de ses intérêts catégoriels. Comme le relève Bruno de Moura Fernandes, l’UE va continuer à négocier la liste des exemptions.

Après l’aéronautique, la bataille va s’engager sur les vins et spiritueux. SI l’on obtient des exemptions pour les vins et spiritueux, ce sera 30% de nos exportations qui seront exemptées, ce qui n’est pas si mal ».

Pour le secteur pharmaceutique, la bataille s’annonce plus hasardeuse, car conditionnée à la finalisation de l’enquête menée côté américain. La publication de la liste définitive des exemptions devrait intervenir en fin de semaine.

L’UE pourrait ne pas respecter ses engagements additionnels

Au delà d’un relèvement des droits de douane unilatéral, l’UE se serait aussi mise volontairement d’autres fers aux pieds. En effet deux engagements sont à l’ordre du jour: un volume d’achats d’hydrocarbures et de combustible nucléaire et le fléchage de 600 milliards d’investissements additionnels, notamment vers la défense et la sécurité. Mais dans la pratique, les analystes estiment que ces engagements sont très ambitieux – et qu’ils ne lient pas l’Union européenne.

« La Commission n’a pas de prise sur ces achats, les pays membres n’ont pas les mains liées, relève Bruno de Moura Fernandes. La Chine en 2018 avait signé un accord similaire et ne l’a pas respecté ».

Une ratification pas acquise

Et la messe n’est pas encore dite. « La Commission a reçu un mandat pour négocier, mais il faut encore que l’accord soit avalisé par les Etats-membres à à la majorité. Nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise! », relève Eric Dor.

Et en effet c’est une majorité qualifiée qu’il faut trouver. Avec une si mauvaise presse, la ratification n’est pas acquise. Elle pourrait tirer en longueur, comme la validation d’autres accords commerciaux et peut-être excéder la durée du mandat de Trump..

Côté français, partisans d’une ligne dure, la pilule est dure à avaler. Les représentants des secteurs économiques seront reçus mercredi à Bercy pour évoquer les conséquences de l’accord USA-UE. Sans aucun doute, la poursuite des négociations et les possibilités d’adoucir le traitement réservé à l’Union seront au menu.