C’est devenu un rituel estival, presque une tradition allemande : à l’approche des grandes vacances, le pays se divise. Les dates des congés d’été, qui varient d’un Land à l’autre, suscitent chaque année des débats houleux. Cette année encore, la polémique enfle, alors que commence la planification des vacances pour l’après 2030. Comme à leur habitude, deux Etats du sud du pays se retrouvent au coeur de ces critiques : la Bavière et le Bade-Wurtemberg. Et pour cause, tous deux bénéficient du créneau de vacances scolaires le plus tardif. « Nous souhaitons une réglementation équitable pour tous les Länder. La Rhénanie-du-Nord-Westphalie aimerait, elle aussi, commencer ses vacances plus tard », a déclaré Dorothee Feller, ministre de l’Education de ce Land dans un entretien à la Westdeutsche Allgemeine Zeitung.
Un système pensé pour les activités touristiques
Depuis l’Accord de Hambourg de 1964, l’Allemagne applique un système de rotation des vacances d’été destiné à prévenir la saturation des infrastructures et à garantir une fréquentation touristique continue. Environ 11,4 millions d’élèves sont concernés afin que les autoroutes ne soient pas paralysées, les trains bondés et les hôtels surchargés.
Le principe est donc d’étaler les départs sur près de trois mois, du 20 juin au 15 septembre, en alternant chaque année les groupes de Länder. De cette façon, cette année, les Saxons commencent leurs vacances dès la fin du mois de juin, tandis que les habitants de Rhénanie-Palatinat ou de Hesse partent plus tard. 14 Länder participent à ce système, qui fait l’objet de négociations longues et complexes entre les ministres réunis au sein de la Conférence des ministres de l’Education (Kultusministerkonferenz).
Ces discussions tiennent compte de nombreux impératifs : les différents Länder doivent avoir des semestres scolaires d’une durée comparable, des périodes d’enseignement continues d’environ dix semaines entre les congés ainsi qu’une répartition équilibrée des examens, des voyages scolaires et des activités sportives.
Mais deux Länder refusent de s’y soumettre : la Bavière et le Bade-Wurtemberg. Chaque année, ceux-ci s’arrogent le créneau le plus tardif et le plus convoité, généralement de début août à mi-septembre. Ces dates, qui englobent une partie de la basse saison touristique, sont particulièrement recherchées pour leurs transports peu onéreux et leurs hôtels plus abordables.
Les récoltes agricoles en cause
Historiquement, cette dérogation avait une justification : dans ces régions agricoles, les enfants participaient autrefois aux récoltes. Selon The Guardian, l’Allemagne compte encore 255 000 exploitations agricoles d’au moins cinq hectares, majoritairement en Bavière et au Bade-Wurtemberg. Mais aujourd’hui, cet argument est devenu obsolète : l’automatisation, la baisse du nombre d’exploitations et les lois sur la protection des mineurs ont réduit drastiquement le recours à la main-d’œuvre juvénile.
Désormais, la justification officielle repose sur les vacances de Pentecôte, particulièrement tardives dans ces deux Länder. Selon la Conférence des ministres de l’Education, accorder à la Bavière et au Bade-Wurtemberg des congés d’été début août « garantit une période d’apprentissage et d’examens suffisante entre les vacances de Pentecôte et les vacances d’été ».
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Une justification qui a engendré une levée de boucliers chez plusieurs ministres, à l’image de Dorothee Feller. Sven Teuber, en charge de l’Education de Rhénanie-Palatinat a affirmé au journal Bild : « Les vacances d’été ne sont pas un privilège régional, mais font partie d’une planification de vie fiable pour toutes les familles, et cela à l’échelle nationale. » Et ce, avant d’ajouter, cité par la télévision allemande ZDF : « Il faut des solutions constructives et communes, y compris de la part de Länder qui se montrent jusqu’ici peu flexibles. »
Mais face à cette fronde, la réponse bavaroise est restée ferme. Markus Söder, ministre-président bavarois, rejette catégoriquement toute réforme. « Nous avons notre rythme de vacances, il est, pour ainsi dire, ancré dans l’ADN des Bavarois », a-t-il affirmé. L’issue du débat semble donc déjà écrite. Pour ce Land, ce n’est pas près de changer : les Bavarois continueront à profiter de leurs vacances tardives au moins jusqu’en 2030.