Par
Léa Pippinato
Publié le
25 juil. 2025 à 20h30
À l’Espace Vinalia, en avril dernier, les mots « étape culturelle » ont résonné avec un accent de fierté : cinq domaines viticoles sous Indication géographique protégée Pays d’Oc ont reçu la prestigieuse certification Iter Vitis. Un label européen, une reconnaissance, mais surtout une promesse : celle d’un voyage à travers les siècles, guidé par le vin. Dans ce coin de Méditerranée où la vigne tutoie la mer, où les oliviers frôlent les fresques gallo-romaines, l’histoire ne se lit plus dans les livres. Elle s’écoute dans une cuve, se sent dans une cave, se goûte dans un verre. Ces domaines ne se visitent pas : ils se vivent.
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Devenus les premières « étapes culturelles » de la future Route des Vins du Pays d’Oc, ils incarnent désormais une ambition collective portée par le Syndicat des Vins Pays d’Oc IGP : structurer une offre œnotouristique cohérente, connectée aux grands axes historiques que sont la via Domitia et le Canal du Midi.
Marseillan : des barriques à la mémoire maritime
À Marseillan, dans l’Hérault, les Caves Richemer racontent une autre époque. Celle où les
pinardiers embarquaient des milliers de litres vers les ports d’Afrique du Nord. Le site met
aujourd’hui en scène cette histoire oubliée à travers un parcours de visite immersif. Il mêle images d’archives, témoignages sonores et espace de dégustation. Loin de l’image classique du chai, la cave se transforme en lieu d’interprétation. Le vin reste au centre, mais il devient un prétexte pour découvrir l’économie locale, les gestes du passé, et la vie du port.
À Marseillan, les Caves Richemer font revivre l’épopée des pinardiers à travers un parcours immersif mêlant archives, sons et dégustation. (©Pays d’Oc)Preignes le Vieux : 2 000 ans de traces dans les vignes
À Vias, le Domaine Preignes le Vieux s’appuie sur des vestiges romains pour raconter son histoire. La propriété s’étend entre la via Domitia et le Canal du Midi. On y trouve les fondations d’une villa gallo-romaine, une chapelle du XIIe siècle, et de nombreux objets retrouvés dans les sols. La visite se construit autour de ces traces. Le vigneron, qui est aussi passionné d’archéologie, fait le lien entre les outils anciens et les pratiques actuelles. Le domaine propose un accueil simple, sans artifice, qui laisse le temps de comprendre comment la vigne a traversé les siècles.
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Vestiges gallo-romains en pleine vigne : ici, l’histoire ne se visite pas, elle se cultive. (©Pays d’Oc)Pennautier : un château entre art de vivre et mémoire du canal
Proche de Carcassonne, le Château de Pennautier joue un rôle un peu à part. Construit au XVIIe siècle, il fut lié au financement du Canal du Midi. Le bâtiment est aujourd’hui un site ouvert au public, qui reçoit plus de 50 000 visiteurs par an. Outre les dégustations, le domaine propose une visite historique : salons d’apparat, musée du vin, expositions temporaires. On y parle autant de cépages que d’architecture ou d’histoire hydraulique. Le lieu est à la fois un domaine viticole en activité et un témoin du passé.
Près de Carcassonne, le Château de Pennautier mêle histoire, vin et patrimoine dans un lieu vivant du XVIIe siècle ouvert à la visite. (©Pays d’Oc)Paraza : le canal comme fil conducteur
Le Château de Paraza, dans l’Aude, fut pendant un temps la résidence de Pierre-Paul Riquet, maître d’œuvre du Canal du Midi. Ce lien historique donne sa singularité au site, où archives et éléments du patrimoine cathare cohabitent. La famille qui gère aujourd’hui le domaine a ouvert les lieux au public, avec un programme qui mêle visites, expositions et événements culturels. Le vin est ici un point de départ : il permet de faire découvrir un territoire, une époque, et une manière d’habiter les lieux.
Ancienne résidence de Pierre-Paul Riquet, le domaine relie patrimoine, canal et renaissance viticole au cœur du Minervois. (©Pays d’Oc)Beaucaire : l’Antiquité comme mode d’emploi
Enfin, au Mas des Tourelles, à Beaucaire, dans le Gard, la vigne sert à reconstituer les pratiques de vinification antique. À partir de recherches archéologiques, le domaine reproduit des méthodes gallo-romaines, avec pressoirs en bois et amphores d’époque. La dégustation inclut des recettes anciennes, comme le mulsum, un vin aux épices et au miel. Le public est accueilli comme dans un centre d’interprétation. On ne vient pas ici pour acheter une
bouteille, mais pour mieux comprendre d’où vient le vin et comment il a évolué.
🍇 Iter Vitis : un réseau européen au service du patrimoine viticole
Reconnu par le Conseil de l’Europe comme Itinéraire Culturel Européen, Iter Vitis fédère depuis plusieurs années des sites viticoles engagés dans la valorisation de leur histoire, de leurs savoir-faire et de leur territoire. Son objectif est clair : replacer la vigne et le vin dans une lecture culturelle du paysage. À travers une charte commune, des critères précis et un accompagnement sur le long terme, l’association Iter Vitis France aide les domaines à structurer leur offre culturelle et à rejoindre un réseau international.
Une route en construction
Ces cinq lieux ont été retenus pour leur capacité à transmettre une histoire. Ils sont différents dans leur forme, mais partagent un même engagement. Ils s’inscrivent dans une logique de coopération : plus de 40 acteurs du territoire ont participé à des ateliers pour construire ensemble les fondations de cette future route. À terme, le projet vise trois objectifs :
- Créer une route des vins clairement identifiée, avec une signalétique spécifique
- Organiser des temps d’échange entre les acteurs du territoire, comme la Journée des
projets œnotouristiques prévue le 18 novembre 2025 - Faire connaître cette offre à l’échelle nationale et européenne, à travers une campagne de
communication lancée en 2026
Pour Jacques Gravegeal, président du Syndicat des Vins Pays d’Oc IGP, cette dynamique va au-delà du simple tourisme : »Pays d’Oc, ce n’est pas seulement une IGP moderne et innovante : c’est une terre d’histoire, de passage et de civilisation. Grâce à Iter Vitis, nous renouons avec nos racines et donnons une nouvelle dimension à notre engagement œnotouristique. » La route n’est donc pas figée. Elle s’écrit au fil des coopérations et des idées partagées, avec pour horizon un développement raisonné, respectueux des lieux comme des gens qui les font vivre.
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