Elle a vécu à cent à l’heure. Viviane Elder naît sous le nom d‘Eugénie Hignette à Rennes, le 23 mai 1904. Le même jour, à 6 000 km de là, s’envole pour la première fois le Wright Flyer II, aéroplane expérimental des frères Wright, pionniers de l’aviation. Sacrée coïncidence pour celle qui deviendra, parmi tant d’autres métiers, une pilote reconnue.
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La petite fille passe pourtant son enfance les pieds sur terre. On pourrait même dire dans la terre, car elle grandit au sein d’une famille d‘ouvriers agricoles de Laillé. À presque 30 ans, elle va chercher fortune à Paris comme bien des Bretonnes avant elle. Pas question de servir en tant que domestique ! Elle rêve d’une carrière d’actrice. À force de persévérance, elle décroche des rôles secondaires dans le monde du cinéma français.
En 1930, elle joue dans Méphisto, aux côtés d’un acteur débutant mais prometteur appelé Jean Gabin. En 1931, elle est créditée dans Diablette. Le film a notamment pour décor un court de tennis de la Côte-d’Azur, fréquenté au même moment par… Charlie Chaplin, de passage dans la région. L’histoire ne dit pas s’il croisa la jeune Rennaise en plein tournage.
Conquête des airs
C’est aussi l’époque des records aéronautiques. Plusieurs femmes se lancent à la conquête des airs, comme la Bretonne Alek Plunian, Hélène Boucher et bien sûr Amélia Erhart. Viviane Elder ne va pas tarder à se faire un nom, elle aussi. En 1931, au meeting aérien d‘Autun, elle saute en parachute devant plusieurs milliers de spectateurs. En 1936, membre d’un équipage malchanceux du rallye des Oasis, elle survit trois jours et demi dans le désert du Sahara avant d’être secourue par le maréchal Balbo, gouverneur général de la Libye et… membre du Parti national fasciste italien. Dans Le Jour, Viviane Elder lui exprime son amitié, assortie d’une remarque malheureuse : « Croyez-vous qu’une telle chose eut été possible sur un territoire français, où la moindre initiative se perd dans la paperasserie ? » C’est bien connu, en dictature, on s’encombre moins des formalités…
Est-elle soupçonnée de sympathie pour le régime italien ? Ou bien est-ce son parcours atypique de sportive, aventurière, indépendante et divorcée, qui fait que la police la surveille ? Il n’en demeure pas moins qu’à l’instar d’autres personnalités en vue, son nom apparaît dans les archives du fichier central de la Sûreté nationale.
Pilote de course
En 1937, elle tente la traversée de la Méditerranée par les airs, mais est contrainte de se poser à 30 miles de Tunis suite à une panne d’essence avant d’être repérée par un navire grec. Puis on la retrouve derrière un volant, enchaînant les courses automobiles. En 1949, elle est la seule femme à prendre le départ des 24 heures du Mans (la première édition d’après-guerre), à bord d’une Simca 8 Gordini. Le véhicule, qui a participé à une dizaine de courses, sera retrouvé par des passionnés et présenté au salon Rétro passion de Rennes en avril dernier.
Elle meurt à Cannes, à l’âge de 56 ans. Une passerelle surplombant la voie ferrée porte son nom à Saint-Jacques-de-la-Lande.