Publié30. juillet 2025, 07:09
États-Unis: La Fed s’apprête à décevoir Trump une fois de plus
La banque centrale américaine devrait laisser mercredi ses taux d’intérêt inchangés pour la cinquième fois de suite.
Donald Trump s’est même fendu la semaine dernière d’une visite surprise du chantier de rénovation du siège de la Fed à Washington, jugé trop coûteux. Ici il tente de destabiliser Jerome Powell.
AFP
La banque centrale des États-Unis, la Fed, devrait encore décevoir le président Donald Trump mercredi en laissant ses taux d’intérêt inchangés pour la cinquième fois de suite, même si son unanimité se fissure.
L’issue de la réunion du comité de politique monétaire (FOMC) de la Réserve fédérale, entamée mardi, ne fait guère de doute aux yeux des investisseurs.
Ils s’attendent à voir l’institution maintenir ses taux directeurs dans une fourchette comprise entre 4,25 % et 4,50 %.
Les taux d’intérêt de la Fed – qui guident le coût du crédit et ont un fort impact sur les marchés – sont à ce niveau depuis décembre.
Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche un mois plus tard et n’a jamais cessé de plaider pour des taux d’intérêt plus bas, de plus en plus lourdement.
Il traite désormais d’«abruti» le président de l’institution monétaire Jerome Powell – qu’il a lui-même nommé à ce poste pendant son premier mandat -, appelle les autres banquiers centraux à le renverser, fait régulièrement mine de vouloir l’éjecter, et s’est même fendu la semaine dernière d’une visite surprise du chantier de rénovation du siège de la Fed à Washington, jugé trop coûteux.
L’épisode a donné lieu à une scène largement diffusée dans les médias: Donald Trump et Jerome Powell côte à côte, casques de chantier sur la tête.
M. Powell fait «non» de la tête et chausse ses lunettes quand le chef de l’État lit un papier selon lequel les coûts des travaux ont grimpé à 3,1 milliards de dollars (au lieu de 2,7), corrigeant dans la foulée le président.
Jerome Powell est censé présider la Fed jusqu’en mai 2026, mais il peut y rester comme gouverneur plus longtemps, jusqu’en janvier 2028. Or, Donald Trump convoite son siège pour y placer une personne plus proche de ses vues.
Rares dissensions en plein jour
Selon plusieurs analystes, ces assauts contre l’indépendance de la Fed, au nom notamment de l’allégement de la charge de la dette publique, risquent d’être contre-productifs.
Si les investisseurs anticipent une politique plus accommodante, moins attachée à la lutte contre l’inflation, ils peuvent réclamer une prime de risque plus élevée sur les créances publiques américaines.
«Ironiquement, pour défendre son indépendance, la Fed pourrait adopter une posture plus restrictive que nécessaire, quitte à retarder ainsi une détente qui serait autrement justifiée et à amplifier les troubles économiques», considère Gregory Daco, économiste chez EY.
La banque centrale des États-Unis a jusqu’ici repoussé l’idée d’une baisse des taux dans un contexte rendu incertain par l’offensive protectionniste mondiale de Donald Trump, qui pourrait faire grimper les prix.
Pour l’heure, l’inflation est restée contenue (à 2,3 %, légèrement au-dessus de la cible de la Fed) et les répercussions sur le marché du travail limitées (avec un chômage à 4,1 %). Des chiffres actualisés sont attendus jeudi et vendredi, soit après la réunion.
Celle-ci pourrait être marquée par la fin de l’unanimité affichée depuis janvier par le FOMC en matière de taux d’intérêt. Un voire deux votes contre le maintien des taux à leur niveau actuel sont possibles.
Le gouverneur Christopher Waller a fait savoir qu’il souhaitait une baisse de taux dès cette réunion. Sa collègue Michelle Bowman (aussi vice-présidente de la Fed chargée de la régulation bancaire) a également dit qu’elle penchait dans ce sens, même si moins fermement en apparence.
«Cela arrive que des responsables de la Fed votent contre mais c’est assez rare», observe dans une note Matthew Ryan, analyste chez Ebury, pointant que Mme Bowman et M. Waller ont tous deux été nommés par Donald Trump pendant son premier mandat.
«La dernière fois que deux gouverneurs (et pas simplement des membres du comité ayant le droit de vote) se sont opposés à une décision au cours d’une même réunion remonte à il y a plus de 30 ans, en 1993», poursuit-il.
Pour Diane Swonk, économiste pour KPMG, «il n’est pas étonnant de voir des dissensions compte tenu de l’immense incertitude» économique. «Nous savons que la Fed aurait aimé baissé les taux avant, et qu’elle ne l’a pas fait à cause des droits de douane», a-t-elle souligné auprès de l’AFP.
(AFP)