« Tout cela me plonge dans un passé de ténèbres. Il n’est jamais trop tard pour se rendre compte que la souffrance est inhumaine », observe le père Hugues Steinmetz, 98 ans, qui, comme une vingtaine de Malgré-nous et Malgré-elles, prend place ce dimanche au premier rang de la cathédrale. Incorporé de force dans la Wehrmacht, ce père franciscain intervient depuis une dizaine d’années dans les lycées pour témoigner de cette douloureuse expérience. Preuve que cette page de l’histoire commence à trouver sa place dans les manuels scolaires et la mémoire collective.
Un hommage inédit par son ampleur
Mais qu’un hommage de cette ampleur soit rendu à la cathédrale, c’est une première. Un moment inédit. « Je n’aurai jamais pensé vivre cela », commente à son tour François Dochter, 101 ans. Et un moment qui se partage en famille. Gaspard, 11 ans, se fait le porte-parole de « Papi Raymond », absent pour raisons de santé : « Ces gens ont été obligés de se battre sous l’uniforme ennemi. C’est pas sympa… ». À chacun ses mots pour exprimer cette même émotion qui guidera toute la cérémonie.
En ce dimanche des Rameaux, le chanoine Didier Muntzinger et le pasteur Jehan-Claude Hutchen évoqueront de concert « l’importance d’être là, dans cette cathédrale, lieu de paix, pour dire “plus jamais cela !” ». Mais le devoir de mémoire évoqué à travers la lecture de plusieurs textes, dont ceux du poète alsacien André Weckmann ou encore de cet autre incorporé de force Charles Kreutter, ne se limite pas aux 143 000 Alsaciens et Mosellans. Quelques délégations étrangères participaient à cet hommage pour rappeler que nombre de Polonais, Belges, Luxembourgeois ou Slovènes ont subi la même tragédie. Jean-Claude Spieser, l’un des initiateurs de la cérémonie, a salué à ce propos « la dimension européenne » d’un tel hommage. Une cérémonie qui, selon lui, « parle à tout le monde car la plaie n’est pas refermée ».
Le passé source de vie
Nul doute cependant qu’avec ce rassemblement , la douleur s’apaise un peu. Si beaucoup de larmes sont versées dans cette cathédrale, les sourires ne sont pas en reste. Surtout quand, en fin de cérémonie, des jeunes filles en costumes alsaciens offrent des fleurs aux derniers témoins de ces terribles années 1942-1945. Preuve, s’il en est, comme l’évoque à son tour Sylvie Reff – autre coorganisatrice de l’événement – « que le passé est source de vie ».