Amjaad, franco-syrienne professeure à Rouen s’étant rendue en Syrie pour retrouver sa famille, s’est retrouvée bloquée au centre des violents affrontements de Soueida. Elle est parvenue à rentrer en France ce jeudi 31 juillet, sans son mari, assassiné sur place.
Après de longues journées de calvaire, durant lesquels elle a perdu son mari, assassiné, Amjaad Zarifah est parvenue à revenir en Normandie ce jeudi 31 juillet. Franco-syrienne et professeure de mathématiques à Rouen, elle s’est retrouvée bloquée à Soueida (Syrie), où de violents affrontements intercommunautaires ont eu lieu du 13 au 19 juillet.
Amjaad et sa famille ont « fui le régime de Bachar al-Assad » en 2013 et n’avaient plus posé le pied sur le sol syrien depuis. La chute du dictateur à la fin de l’année 2024 leur a redonné quelques espoirs.
« Le nouveau gouvernement a donné une autorisation d’une année pour pouvoir entrer voir la famille et sortir », explique Amjaad sur le plateau de BFM Normandie.
Des scènes tragiques
Elle et son mari, accompagnés de leurs enfants, ont donc voulu profiter de cette autorisation exceptionnelle pour passer les vacances en Syrie, afin de retrouver leur famille restée sur place, notamment leurs pères. « Ce sont des personnes âgées, on s’est dit ‘peut-être que c’est la dernière chance de les voir' », confie-t-elle.
C’est à Soueida, capitale du gouvernorat du même nom, que le couple s’est rendu. Amjaad décrit une province où cohabitent plusieurs religions et groupes communautaires, mais où les Druzes sont majoritaires.
Mais la province, située au Sud-Ouest du pays, a été le théâtre d’une violente bataille entre Druzes et bédouins durant près d’une semaine, sur fond de troubles communautaires et religieux issus de la guerre civile syrienne.
Les affrontements ont débuté le 13 juillet, après que « des bédouins ont pris en otage et frappé un commerçant druze », d’après Amjaad. L’intervention rapide de l’armée, censée rétablir l’ordre, n’a pas permis de résoudre directement le conflit. Elle juge d’ailleurs que les militaires ont aggravé la situation.
« Les forces gouvernementales ont aidé les bédouins à nous frapper (…). Le 16, les forces gouvernementales sont entrées à Soueida. Ils ont pris le pouvoir et ont bombardé toute la ville, brûlé les maisons, tué toutes les personnes qui restaient là-bas… », témoigne-t-elle.
La professeure de mathématiques évoque des « chars » qui « montaient sur les voitures avec des gens dedans. On a trouvé des cadavres dans les voitures ».
Le mari d’Amjaad assassiné à Soueida
Le 16 juillet, le mari d’Amjaad est « assassiné » avec son beau-frère dans leur appartement. Sur place, dans un logement détruit et brûlé, l’oncle de son mari « a trouvé les restes de la tête et un petit morceau de la main du beau-frère de mon mari ».
« Mon mari, c’était des cendres. On a retrouvé seulement sa montre… », explique Amjaad, la montre noire et calcinée à la main.
Il lui est quasiment impossible de fuir, en raison de la présence de « snipeurs qui tuent ceux qui essaient d’aller dans la rue ». À chaque moment, Amjaad, accompagnée de ses deux enfants, vit dans « la peur et l’angoisse ».
Son frère Ayman tente de la joindre pour l’aider à rentrer, mais l’électricité et le réseau avaient été coupés sur place. Il contacte le ministère des Affaires Étrangères. « Mais c’était hyper compliqué: les routes sont pas sécurisées, il y a des tirs », assure Ayman.
« Il reste des milliers de réfugiés sans aide »
Finalement, « avec l’aide du meilleur ami » de son mari, Amjaad parvient à joindre le Croissant Rouge et à se mettre en contact avec des personnes qui lui permettent de rejoindre l’aéroport de Damas.
Ce jeudi 31 juillet, elle est enfin rentrée en France, après plus de deux semaines passées à tenter de fuir dans l’enfer de Soueida.
« Il reste des milliers de réfugiés sans aide, sans nourriture, sans vêtement… L’hôpital a été bombardé (…). Il faut ouvrir des couloirs humanitaires », alerte son frère sur le plateau de BFM Normandie.