VIDÉO — Claudel, Chagall, Gauguin… De grands noms y ont fait leurs débuts. Cet atelier parisien, réputé internationalement, a dû définitivement quitter son adresse historique le 26 juillet, au grand regret des artistes et apprentis.

Par Pierrick Allain

Publié le 01 août 2025 à 10h38

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L‘Académie de la Grande Chaumière quitte ses locaux historiques. Depuis 1904, l’atelier du quartier parisien Montparnasse attirait des peintres de renom et des artistes des quatre coins du monde. Pendant 120 ans, des centaines de modèles vivants sont venus poser devant des milliers d’apprentis dessinateurs, depuis que deux femmes peintres l’ont ouverte, quand seuls les hommes pouvaient entrer à l’École des beaux-arts et où les ateliers de nu étaient interdits aux femmes.

À la suite d’un rachat immobilier, la Grande Chaumière a fermé ses portes définitivement le 26 juillet 2025. Une perte déchirante pour Alexandre de Broca, peintre professionnel qui a fait ses classes dans ce lieu mythique : « Depuis trente ans, je viens ici, dans ce refuge pour artistes qui ont besoin de faire leurs gammes, se désole-t-il. Moyennant quelques euros, on vient dessiner le nu dans cet atelier libre, sans professeur. Ici, j’ai dessiné et appris. Ici, j’ai rencontré des artistes extraordinaires. Ici, j’ai aimé les modèles. Mais c’est terminé. Il sera privé, au pire…, au mieux deviendra une fondation, mais jamais plus on reviendra libre de dessiner et c’est ça qu’on nous a volé. On nous a pris cette liberté. »

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Huit mille amateurs de croquis d’après modèle vivant sont venus dessiner l’année dernière dans cet atelier à la réputation internationale. Parmi eux, des dessinateurs américains ou chinois, attirés par son atmosphère unique, l’un des derniers héritages du Montparnasse bohème des années folles.

Et peut-être aussi séduits à l’idée de dessiner sous l’égide des grands noms qui les ont précédés : Antoine Bourdelle, Fernand Léger ou Ossip Zadkine ont enseigné ici. Et on ne compte plus les artistes qui y ont débuté avant de devenir célèbres : Camille Claudel, Amedeo Modigliani, Marc Chagall, Paul Gauguin, Alberto Giacometti, ou encore, plus récemment, Serge Gainsbourg, Cabu ou Gérard Garouste.

Reconversion en espace muséal et commercial

Alors avant la destruction définitive de ces ateliers, restés dans leur jus jusqu’à aujourd’hui, Alexandre de Broca a voulu conserver une trace de ce patrimoine de la vie artistique parisienne : « Il fallait absolument venir peindre les lieux pour garder un témoignage. Ici, il y avait cette théâtralisation qu’on n’a pas forcément dans les autres ateliers libres qui existent ailleurs à Paris. C’est tout simple, c’est une grande sobriété ce lieu, une vraie beauté de la lumière. Et dans ce côté modeste, on peut arriver à aussi mettre en valeur les corps. »

L’Académie de la Grande Chaumière est aujourd’hui expulsée de son lieu historique, mais devrait réapparaître à une autre adresse prochainement. La mairie du 6ᵉ arrondissement a approuvé le projet de reconversion du lieu historique en espace muséal et commercial et n’a pas joué de son droit de préemption. Les tentatives de classement aux monuments historiques du grand atelier n’ont pas abouti. Bref, c’est la loi du marché immobilier qui semble avoir eu raison de la valeur immatérielle de ce lieu vivant de création artistique. Hélas, même à Montparnasse, tout passe, tout casse…