Assis près de la terrasse de l’hôtel La Chèvre d’Or, à Èze, le regard tourné vers la Méditerranée, Pierre Arditi se montre aussi lumineux que le paysage qui l’entoure. À 80 ans, l’acteur de théâtre, de cinéma et de télévision accepte avec gourmandise le rôle de parrain de cette nouvelle édition des Théâtrales d’Èze, organisées jusqu’au 5 août prochain. « Je ne savais même pas que j’étais parrain avant d’arriver, s’amuse-t-il avant d’ajouter avec un sourire malicieux, mais c’est un honneur qui me touche profondément. » Lunettes de soleil vissées sur le nez et entre deux gorgées d’eau pétillante, Pierre Arditi évoque pêle-mêle sa passion pour la lecture à voix haute, son admiration pour les auteurs classiques et cette relation quasi mystique qu’il entretient avec la scène. Un besoin vital pour cet homme qui avoue redouter le temps qui passe, mais qui trouve dans son art la plus belle des échappatoires.

En tant que parrain, que représente pour vous cette édition des Théâtrales d’Èze?

C’est David Brécourt [acteur et directeur artistique du festival, ndlr] qui m’a proposé ce rôle, et cela tombait à un moment où je pouvais le faire, ce qui n’est pas toujours évident avec moi. Je suis aussi très content de connaître enfin La Chèvre d’Or, dont on me parle depuis 25 ans. Mon père, qui était peintre, en parlait souvent. Si je ne m’étais pas bêtement blessé [une petite chute dans des escaliers qui lui a laissé un genou endolori, ndlr], j’aurais pu grimper partout. Mais peu importe, je suis ravi d’être ici, entouré de collègues et d’amis comme Davy Sardou ou Christophe Lidon, qui est un metteur en scène que j’aime beaucoup.

Vous présentez, ce samedi 2 août, une lecture de textes plutôt qu’une pièce. Pourquoi ce choix?

La lecture, c’est la base de mon métier. Quand j’étais enfant, ma tante me lisait des histoires pour m’endormir, et c’est quelque chose qui est resté gravé en moi. Je fais aujourd’hui la même chose pour le public, non pas pour l’endormir, mais pour l’émouvoir, l’amuser, l’égailler ou l’intriguer. C’est une mise en scène très pure, il n’y a qu’une table, une chaise et un éclairage de face pour qu’on me voie.

Quel rôle joue la littérature dans votre vie?

Je suis un faux lecteur. J’ai lu la littérature classique, Stendhal est mon Dieu, il parle la plus belle langue que je connaisse et c’est un chirurgien de l’âme humaine. J’ai aussi lu Maupassant, évidemment, Flaubert, André Gide, Proust… J’ai beaucoup lu, mais au fur et à mesure de mon métier, je suis un peu devenu une feignasse. Alors, je me réfugie dans le fait que lorsqu’on me demande de jouer un rôle, je me concentre sur les textes que je dois lire. J’ai mis un peu de côté la littérature, mais ça ne veut pas dire que je ne lis plus du tout. Et puis avançant dans le temps, c’est-à-dire vieillissant, il y a beaucoup de choses qui m’occupent. Des choses que je subis, comme le temps qui passe, ou des choses que je raconte, comme le livre que je suis en train d’écrire et qui devrait sortir en novembre.

Après tant d’années de carrière, la scène conserve-t-elle cette place centrale dans votre vie?

La scène, c’est mon opium. Ce qui me fait tenir, c’est le théâtre. J’ai commencé là, je finirai là. Je suis très obsédé par la fin, donc je m’empiffre de la vie tant que je peux avant que ça ne cesse. Le meilleur moyen pour moi de ne pas penser au fait que tout cela cessera un jour, c’est que même si j’ai l’air de mourir sur scène, je me relève et les gens applaudissent. C’est un bon antidote. La scène d’un théâtre, c’est un endroit qui traverse le temps. Je suis moins brillant que lui, mais j’ai le même privilège que Molière, qui quatre siècles plus tard continue d’émerveiller le public. Je ne tiendrai pas quatre siècles, les acteurs sont des acteurs, mais la scène, c’est l’endroit pour moi où la vie est la plus intense, c’est ce qui me maintient en vie.

Les Théâtrales d’Èze, un spectacle par soir à l’Oppidum du col d’Èze jusqu’au 5 août. Tarifs pour un spectacle 30 euros, et 15 euros pour les moins de 18 ans. Programme complet et billetterie sur lestheatralesdeze.com