Il y a l’accent pointu, par exemple à Paris, les chapeaux et les couteaux pointus, les analyses pointues, aussi. Et puis il y a LE pointu. Le seul, l’unique.
Celui qui, déjà, n’est pas un adjectif. Celui qui parsème et colore nos petits ports provençaux, pour le plus grand bonheur des touristes comme des locaux.
Cela fait d’ailleurs bien longtemps que Gabriel Jauffret se passionne pour cette petite embarcation. Ancien journaliste, chef de service défense et marine pendant plus de 30 ans, le Toulonnais de 89 ans, qui vit aujourd’hui de l’autre côté de la rade, à Mar Vivo, a d’ailleurs lui-même possédé un pointu, « et je me suis toujours intéressé à la mer et aux populations de la mer littorale « .
Aquarelles et dessins signés Dubrusk
C’est la même passion qui a animé toute sa vie l’amiral Jean Montpellier, dit Dubrusk. Le Seynois, décédé en 2013, qui s’est notamment illustré à Dien Bien Phu, a commandé le Foch et a terminé commandant des forces terrestres et maritimes de l’océan Pacifique, a, « depuis sa plus tendre enfance », trimballé partout avec lui un carnet de dessin, « jusqu’à la passerelle des bateaux sur lesquels il embarquait « .
Croquant ou mettant très joliment en aquarelle toutes sortes de paysages, de vieilles rues toulonnaises, et, naturellement, de pointus, de pêcheurs, de poissons, de ports… « Pour lui, aime raconter son ami Gabriel Jauffret, le pointu a une âme. C’est un bateau venu du fond des âges. Et il fallait son œil averti de marin et de peintre pour répondre aux spécificités de ce bateau, et non lui donner une image convenue comme l’ont fait de trop nombreux peintres. »
Voilà donc comment l’ancien journaliste, membre de l’académie du Var, et Monique Montpellier, la femme de l’ancien amiral, ont effectué durant des années un travail de fourmi, pour constituer un ouvrage très pointu, c’est vraiment le cas de le dire, à base de textes fournis et de nombreuses illustrations issues de l’immense collection de dessins et de peintures de Dubrusk, sélectionnées avec soin par son épouse.
Pêcheurs, charpentiers de marine et mérou
Le titre de l’ouvrage, Des pointus et des hommes, ne laisse guère de mystère quant à son contenu. Il y est donc question de ce petit bateau typique de nos côtes. De la pêche et des pêcheurs, évidemment.
« Le pointu, c’est pour le pêcheur ce que le cheval est pour le paysan, pose simplement Gabriel Jauffret. Son compagnon, sa raison de vivre. »
Mais également de toute sorte de métiers, anciens voire disparus ou pas loin, à l’image des escavéniers ou des charpentiers de marine, « en général italiens, qui se sont établis de la frontière italienne à Marseille, et travaillent sans plan, sans maquette, avec un outillage très spécifique. »
On y parle encore de la Prud’homie de Toulon, « une corporation très particulière « , des poissonnières, et du poisson.
Pour compléter le tout, figure, en fin d’ouvrage, un lexique bienvenu et instructif des termes provençaux employés et des noms propres, à l’image de celui de Jean Mathieu, « un des meilleurs journalistes de l’époque, sans doute celui qui a le mieux connu Toulon, et qui parlait aussi le provençal « .
Impossible d’être exhaustif ici, tant les anecdotes et les aquarelles se succèdent dans ce livre d’une petite centaine de pages. Mais il n’est en revanche pas bien compliqué de s’en procurer un exemplaire, dans l’une des librairies Charlemagne du coin.