« Stop au génocide ! À l’annexion des territoires palestiniens et à tous les crimes de guerre. Ivry-sur-Seine, ville messagère de paix réclame un cessez-le-feu, la reconnaissance de l’État palestinien et le retour des otages. » En lettres noires sur fond blanc, le message est immanquable sur la façade de l’hôtel de ville d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).

« Ce n’est pas la première fois qu’on voit ça sur la mairie, note Frédérique, une Ivryenne âgée de 58 ans. La ville s’est toujours affichée comme un soutien de la paix. » Daniel, 83 ans, habite à Ivry depuis 1972. Voir ce type d’affichage dans sa ville ne le surprend guère : « Il y a toujours eu beaucoup de banderoles ici », sait le septuagénaire, les yeux alors tournés vers le centre de l’édifice.

La banderole est solidement accrochée, bien en hauteur pour être vue de loin, mais aussi protégée des dégradations. Posé plus bas sur la mairie depuis octobre 2023, un précédent panneau au message tout aussi clair avait été tagué et détruit à plusieurs reprises, « par des gens qui n’ont rien à voir avec la ville », assure Philippe Bouyssou, le maire (PCF) d’Ivry. « C’est arrivé cinq ou six fois, toujours de nuit, précise-t-il. On l’a toujours remplacé. »

Un précédent panneau "Gaza, halte au massacre" avait été posé sur l'hôtel de ville d'Ivry-sur-Seine. Il avait été tagué et souvent détruit à plusieurs reprises, selon le maire par des individus n'ayant pas de liens avec la commune.Un précédent panneau « Gaza, halte au massacre » avait été posé sur l’hôtel de ville d’Ivry-sur-Seine. Il avait été tagué et souvent détruit à plusieurs reprises, selon le maire par des individus n’ayant pas de liens avec la commune.Un maire dans l’illégalité selon le préfet

L’élu communiste ne fait aujourd’hui pas face à des bombes de peinture noire, mais à une lettre signée par Étienne Stoskopf. Dans sa missive, datée du 29 juillet dernier, le préfet du Val-de-Marne demande à Philippe Bouyssou de retirer cette banderole « dans les plus brefs délais ».

« Je vous rappelle qu’en votre qualité d’élu de la République, vous êtes garant de la neutralité du service public, souligne le représentant de l’État. Ce principe constitutionnel vous impose de ne pas afficher d’opinion politique sur les édifices publics de la commune. »

Et le préfet de lister une série de jurisprudences plus ou moins récentes allant toutes dans le même sens. Il en ressort que « l’apposition d’une banderole à caractère politique ou religieux sur des édifices publics est contraire au principe de neutralité, pointe-t-il. Votre décision d’apposer cette banderole sur le fronton de l’hôtel de ville est donc illégale. »

Pas de décrochage « tant que le génocide en cours à Gaza ne prendra pas fin »

Sans retrait de la banderole, prévient Étienne Stoskopf, il pourra renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Melun. Si la menace est claire, le maire d’Ivry-sur-Seine ne cille pas. « Je crains que la banderole que vous incriminez ne reste là où elle se trouve actuellement tant que le génocide en cours à Gaza ne prendra pas fin », écrit-il dans sa réponse postée ce vendredi, et qui a depuis fuité sur les réseaux sociaux.

Philippe Bouyssou s’interroge sur le timing de ce qui peut ressembler à un rappel à l’ordre, plus d’un an et demi après la pose sur la mairie du premier panneau en rapport avec la situation à Gaza. Un maire et par extension une ville ne peuvent donc pas s’exprimer de cette manière, sur une guerre en cours ? « Quand on a mis une banderole de soutien à l’Ukraine, on ne nous a pas accusés de manquer de neutralité, on n’a jamais eu le moindre reproche, bien au contraire », compare l’élu.

« Cette volonté de nous dépolitiser est scandaleuse »

Précisant souscrire « parfaitement » à l’obligation de neutralité du service public, Philippe Bouyssou estime que cette neutralité « ne saurait s’appliquer aux élu·es locaux·ales, dont le mandat qui leur est confié par la population ne peut avoir de sens que s’il se définit comme politique ». Et il justifie le choix de l’hôtel de ville pour accrocher cette banderole : « Il s’agit d’un lieu chargé de symboles, notamment politiques, qui ne saurait donc être réduit à un bâtiment abritant un service public », argumente-t-il, en appelant au respect de « la libre administration des collectivités locales » et de « la liberté d’expression ».

Le maire d’Ivry nous avoue ce samedi matin ne pas comprendre et ne pas goûter ce qu’il perçoit comme « une tentative de neutralisation de la capacité de s’exprimer pour les maires ». « Cette volonté de nous dépolitiser est scandaleuse », tonne-t-il. « On assiste à un génocide en direct, cela se passe sous les yeux de tout le monde. Mettre une banderole, c’est le moins que l’on puisse faire. »

Il précise au passage défendre la même position depuis l’attaque terroriste du 7 octobre. « Nous sommes extrêmement clairs depuis le début, notamment sur la nécessité de libérer les otages », rappelle-t-il.