Par
Alexandra Segond
Publié le
2 août 2025 à 20h32
; mis à jour le 2 août 2025 à 21h00
« Vous voulez que l’on mange où ce midi ? » : en famille ou entre amis, cette question toute innocente, on est nombreux à se la poser pendant les vacances au moment d’opter pour un restaurant. Enfin, innocente… Pour certains, pas de place au hasard.
« Moins de quatre étoiles sur cinq ? Je laisse tomber », tranche d’emblée Salomé, confiant à actu.fr qu’elle regarde « quasi à chaque fois » les notes laissées sur Google avant de se décider. Elle est loin d’être la seule à avoir ce réflexe.
En France, 94 % des personnes ont déclaré prêter attention aux avis sur Internet, d’après une récente enquête de l’UFC-Que Choisir. Un comportement auquel les restaurateurs doivent s’adapter pour s’assurer une (nouvelle) clientèle, mais dont ils peuvent aussi sérieusement pâtir.
« Je regarde tout » avant d’aller au resto
Chercher un resto, pour beaucoup, voici en quoi ça consiste : sortir son téléphone, ouvrir Google Maps et éplucher les établissements qui s’affichent alentour. Pas forcément pour étudier le menu, mais surtout pour se fier aux notes (sous forme d’étoiles) attribuées aux établissements.
Plus de bouche-à-oreille donc, mais quelques clics sur Internet qui peuvent faire toute la différence. Notes, photos de l’établissement, commentaires… Juliette « regarde tout » avant d’opter pour un resto, tout en assurant à actu.fr qu’elle « fait gaffe » aussi à la répartition des commentaires.
« S’il y a plein de »5 étoiles » mais aussi plein de »1 étoile », je prends plus le temps de réfléchir », explique-t-elle à actu.fr. Moins de 4 étoiles sur 5 en revanche : Juliette change de plans. Enfin, sauf si le lieu « a été recommandé par des amis, auquel cas, j’y vais les yeux fermés ».
« Jamais été déçue, car je regarde toujours avant d’aller au resto »
Edith reconnaît, elle aussi, avoir « souvent » ce réflexe pour s’éviter les mauvaises surprises une fois attablée. Ses critères sur Google Maps ? « Je regarde la note, les commentaires et le nombre de personnes qui ont noté », répond la jeune femme à actu.fr.
Sa limite ? « Quatre étoiles sur cinq, minimum », comme Salomé et Juliette. Si c’est une recommandation d’ami, mais que la note est mauvaise sur Internet ? « J’aurais tendance à y aller quand même », sauf si les commentaires mentionnent des problèmes graves « comme des problèmes d’hygiène ».
En résumé : faire confiance aux notations sur Google, c’est la manière la plus efficace d’éviter les mauvaises surprises. « En tout cas, je n’ai jamais été déçue, car je regarde toujours avant d’y aller », nous promet Edith.
Les notes Google, entre « enjeu » et « jugement »
Les restaurateurs non plus ne le nient pas : les notes Google sont désormais un « véritable enjeu » pour attirer la clientèle, notamment « les touristes qui se rendent sur Internet et se fient aux avis qu’ils trouvent », illustre Thomas Scelles, salarié d’un restaurant interrogé par notre rédaction locale La Presse de la Manche.
Une vitrine pour le meilleur… comme pour le pire. Mathilde a repris un bistrot il y a trois ans, dans le Morbihan. Le fonds de commerce n’était pas cher et surtout, elle y a vu un « gros potentiel », confie-t-elle à actu.fr. Un bémol toutefois : le passé de l’établissement, rebaptisé Le Bigorneau.
Avant la reprise, l’ancien propriétaire était à bout de souffle après 20 ans dans l’établissement. C’était devenu délabré, pas hyper bien fréquenté et lui s’était embrouillé avec presque tout le village.
Mathilde
Patronne du bistrot Le Bigorneau à Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan)
Ces notes « peuvent vraiment nuire à une réputation »
Alors, quand « on part de rien pour remonter une affaire », la route est parfois longue. Si elle peut s’appuyer sur l’absence de concurrence – son bistrot est le seul du bourg -, certains points sont essentiels pour relancer la machine… dont ces fameux avis Google.
« Je n’en suis pas très fan, car ça peut vraiment nuire à une réputation et rien ne vaut d’aller vérifier par soi-même. Mais je mentirai si je te disais que je n’y fais pas attention », reprend Mathilde. Pour cause, « la majorité des gens jettent un œil aux avis quand ils ne connaissent pas l’endroit ».
Depuis, son bistrot a redoré son image avec « des bons avis ». Plus « représentatifs » de l’ambiance actuelle du lieu et mentionnant le changement de propriétaire, ils sont capables de faire la différence auprès des clients qui, après lecture, choisissent de s’attabler.
+ 5 euros pour quatre étoiles et plus, -3 euros en dessous
Mais ce système d’appréciation a aussi ses dérives. Mathilde se souvient de la période où elle travaillait dans un estaminet à Lille (Nord).
Son patron « récompensait » ou « pénalisait » ses équipes par rapport aux nombres d’étoiles que les clients mettaient sur TripAdvisor. Pas d’étoiles Google ici, « mais ça reste des avis » sur lesquels était estimée la qualité du travail.
Concrètement, c’était +5 euros pour les avis de plus de 4 étoiles, et -3 euros pour les avis de moins de 3 étoiles. C’était un peu angoissant ce système ! Il fallait toujours être au taquet, sur tout.
Mathilde
Patronne du bistrot Le Bigorneau à Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan)
Ça vous semble fou ? La prochaine fois que vous mangez au resto, tendez l’oreille : au moment de régler, il n’est plus rare d’entendre les patrons inviter les clients à « laisser un avis sur les réseaux » plutôt qu’un pourboire aux équipes.
« Impossible de faire machine arrière »
Alors, peut-on se fier les yeux fermés aux avis sur Internet ? « Des années que l’on fait face à cette tendance, impossible aujourd’hui de faire marche arrière. Donc, on fait avec. Mais je reste vraiment partagé », indique à actu.fr Franck Chaumès, président de la branche restauration de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih).
D’un côté, les notes mettent la pression sur les restaurateurs en les incitant à faire des efforts et à remonter le niveau. De l’autre, je trouve déplorable que l’on se permette de tout juger alors que l’appréciation reste personnelle. On peut aussi tomber sur un jour où l’équipe est fatiguée, dans le jus, moins à l’écoute… et ça ne reflète pas pour autant la qualité de la cuisine.
Franck Chaumès
Président de l’Umih Restauration
Et pour rattraper la situation – ce qui peut prendre des mois, voire des années -, « les gérants doivent prendre sur leur temps de travail pour répondre aux critiques », poursuit Franck Chaumès. Un luxe que certains doivent souvent mettre de côté « par manque de temps, surtout pendant les vacances ».
Au risque d’en pâtir d’une manière ou d’une autre. « Après un gros service, lire certaines choses, ça agace. Le problème, c’est qu’on est obligé d’être référencé sur Google. Sinon, on se tire une balle dans le pied », souffle Thomas Scelles auprès de La Presse de la Manche.
Attention aux faux avis
Alors se fier aux avis Google « oui, ponctuellement », tranche le président de l’Umih Restauration. Mais s’en méfier (beaucoup) aussi. D’autant que certains concurrents n’hésitent pas à rédiger de faux avis, parfois massivement, pour plomber un établissement.
Comme ce restaurant basé à Tours (Indre-et-Loire), dont la campagne de dénigrement a été rapportée par nos journalistes d’actu Tours. 22 faux avis négatifs, parfois sans commentaires, qui ont lourdement pénalisé l’établissement. Le gérant a depuis porté plainte pour harcèlement.
« C’est dommage de se faire un avis sur de faux avis négatifs », grince Franck Chaumès. L’inverse vaut aussi : rien n’empêche un restaurateur à faire appel à 10 amis pour laisser des avis dithyrambiques et tromper Google…
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