Habitée par une soif de réponses, Naomi Fontaine est retournée dans sa communauté. Elle a remonté le fleuve jusqu’à Uashat, près de Sept-Îles.

Là-bas, elle a interviewé une dizaine d’aînés qui lui ont raconté leur enfance, leur premier amour, leur travail ou encore leurs études.

«Je voulais essayer de voir à travers leur récit de vie ce qui a fait en sorte que la culture innue a survécu à l’intérieur des communautés et, aujourd’hui, on pourrait même dire à l’extérieur des communautés», souligne Naomi Fontaine, en entrevue au Soleil.

Même si les gens de cette génération ont souvent été contraints au silence, ils ont accepté de partager généreusement leurs souvenirs et leurs apprentissages avec elle.

«Ils voulaient parler. Ils voulaient être entendus. Ça leur faisait plaisir de savoir que, ce qu’ils allaient me transmettre, allait exister en dehors d’eux, en dehors de la communauté. Pour les générations futures», raconte la femme de 38 ans.

Avec son nouveau roman, Eka Ashate – Ne flanche pas, l’écrivaine invite le public à plonger au cœur de ces récits de vie. À travers les chapitres, on découvre des anecdotes parfois joyeuses, parfois tristes, mais qui témoignent toujours de la résistance dont les aînés ont su faire preuve au quotidien. Plutôt que d’abandonner devant les difficultés, ils ont conservé une foi inébranlable en leur culture.

<em>Eka Ashate - Ne flanche pas</em>, Naomi Fontaine, 194 pages.

Selon Naomi Fontaine, «le véritable combat» n’est donc pas «contre les institutions», mais bien «contre soi-même».

«La résistance n’est pas toujours celle qui est visible. Faite de manifestations et de grands cris. Peut-être que notre forme de résistance, à nous les Innus, c’est le combat silencieux, à l’intérieur de soi. Quand l’humain doit se battre contre lui-même. Contre ses croyances nocives, contre ses erreurs de parcours, contre les liens qui l’emprisonnent. Contre l’alcool. […] Parce que résister, c’est avancer quand tout nous pousse à flancher», écrit-elle d’ailleurs dans son plus récent livre.

Pour Naomi Fontaine, la clé de la résistance se trouve ainsi dans l’accumulation de petits gestes réalisés au fil des décennies: «Quand on choisit d’amener son enfant dans la forêt, quand on lui montre comment faire de la banique, quand on lui parle dans sa langue».

«C’est ce qui fait en sorte qu’aujourd’hui je peux dire que je suis une femme innue. Et j’en suis fière. Je suis consciente de ma culture. Je connais mon histoire. Je connais ma langue. Je connais mon territoire. Le résultat [de ces petits gestes] est grandiose», affirme l’écrivaine, au bout du fil.

Une quête personnelle

Pour Naomi Fontaine, la phrase qui inspire le titre du livre, «Eka Ashate – Ne flanche pas», est devenue une idée de résistance qu’elle intègre au quotidien dans sa propre vie.

Dans son roman, l’écrivaine témoigne d’ailleurs de ses propres combats ainsi que ceux qui ont jalonné le parcours de sa maman monoparentale. L’ouvrage prend ainsi des formes d’hommage.

«Je voulais lui dire merci pour sa force, son courage et son dévouement envers nous, ses enfants. […] Quand je réfléchis à son histoire, je sens qu’elle avait toutes les bonnes raisons de baisser les bras… Mais elle n’a jamais baissé les bras. C’est quelque chose qui me fascine chez ma mère», partage l’autrice, à qui l’on doit aussi Shuni (2019) et Kuessipan (2011).

Cette «force physique et mentale», qu’elle retrouve dans l’histoire de sa mère comme dans celle de ses ancêtres, elle espère l’avoir hérité à travers ses gènes.

«Je pense que, parfois, on oublie qu’on a [cette force]. On oublie qu’on vient d’un grand peuple.»

—  Naomi Fontaine

Malgré tous les combats que la nation innue devra encore mener, Naomi Fontaine envisage l’avenir avec beaucoup d’enthousiasme.

«On est de plus en plus conscient de l’apport de notre culture dans la société moderne. […] On réalise toute l’utilité et l’importance de notre culture, ce qu’elle nous donne, à nous les Premières Nations, mais aussi au Québec et au monde. Ça nous amène à pratiquer notre culture, à la transmettre aux enfants», observe l’écrivaine.

Récemment, Naomi Fontaine a d’ailleurs réalisé une tournée dans les communautés, sur la Côte-Nord, afin de donner des ateliers d’écriture aux jeunes. Une expérience que la diplômée en enseignement du français a «adorée».

«Je trouve tellement que les jeunes avaient une belle conscience, une belle ouverture. Ils avaient envie de partager leur quotidien, leur vision du monde, leurs difficultés aussi et leurs façons de s’en sortir. […] Ça m’a beaucoup encouragée», raconte Naomi Fontaine, qui cultive beaucoup d’espoir.

Eka Ashate – Ne flanche pas paraîtra en librairie dès le 6 août.