En 1987, un milliardaire new-yorkais révélait la clé de son succès dans son livre The Art of the Deal (traduit en français sous le titre L’art de la négociation). Sa méthode ? Pratiquer la truthful hyperbole, littéralement « l’hyperbole véridique ». Comprenez : transformer un fait réel pour l’accommoder à son avantage. Devenu président des États-Unis, Donald Trump applique la même méthode à la politique… Jusqu’à congédier celles et ceux qui contestent sa version de la réalité.
Dernier exemple en date, ce vendredi 1er août 2025 : Erika McEntarfer, cheffe de la principale agence de statistiques économiques des États-Unis, a été brutalement renvoyée. Quelques heures plus tôt, les chiffres du chômage étaient tombés, mauvais. Pris de court par cette nouvelle, qui met à mal son discours triomphaliste sur l’économie, Donald Trump a réagi comme il le fait souvent : en accusant le Bureau du travail de trafiquer les données « pour donner une mauvaise image des républicains et de MOI-MÊME », a-t-il justifié sur sa plateforme Truth Social, sans avancer de preuves de cette prétendue manipulation, avant de sanctionner la messagère.
Aucune voix dissidente
L’ex-secrétaire au Trésor Larry Summers accuse Donald Trump d’avoir limogé Erika McEntarfer parce qu’« il n’aime pas les chiffres qu’elle produit ». Le sénateur démocrate de gauche Bernie Sanders, lui, dénonce un président qui ne veut désormais que des « laquais qui diront ce qu’[il] veut entendre ».
« Il veut exercer un pouvoir absolu et diriger les États-Unis comme il a dirigé l’empire Trump. Il ne faut donc aucune voix dissidente qui puisse s’opposer à sa vérité, non fondée sur les faits et les chiffres », explique Anne Deysine, professeure des universités et autrice du livre Les juges contre l’Amérique (Presses universitaires de Nanterre, 2024).
Et les précédents ne manquent pas. Fin janvier, quelques heures après avoir été investi à la Maison-Blanche, Donald Trump avait annoncé sur son réseau Truth Social vouloir limoger « plus de 1 000 fonctionnaires non alignés avec notre vision : Make America Great Again ».
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Aucun secteur n’est épargné : les responsables du ministère de la Justice, qui avaient été impliqués dans des procédures judiciaires à son encontre, ceux chargés de la promotion de la diversité et, « plus globalement, tous ceux qu’il soupçonne d’être proches des démocrates », résume Anne Deysine.
Comme un leader autoritaire
Même le patron de la Réserve fédérale, la Fed, subit ces derniers jours des pressions constantes : « Il s’acharne sur Jerome Powell car celui-ci refuse, à juste titre, de baisser les taux malgré les risques d’inflation », rappelle Anne Deysine. Une autre gouverneure de la Fed, Adriana Kugler, a, elle, annoncé sa démission vendredi. « Très heureux », le président américain a conseillé sur son réseau Truth Social à Jerome Powell, de « démissionner » lui aussi.
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Sa stratégie est d’autant plus efficace que les contre-pouvoirs vacillent. « Le Congrès a renoncé à toutes ses prérogatives, laissant le président agir à sa guise », observe Anne Deysine. Quant à la Cour suprême, elle a validé plusieurs licenciements express et ouvert la voie à des licenciements massifs début juillet, même lorsque la loi les interdit sans faute lourde.
Anne Deysine résume : « Trump se comporte de plus en plus comme les leaders autoritaires qu’il admire, de Poutine au président chinois. »