C’est l’un des 100 animaux les plus menacés au monde : l’ange de mer. Souvent confondu avec une raie en raison de son corps aplati et de ses grandes nageoires en forme d’ailes, cet animal est en réalité un requin, reconnaissable grâce à la position de ses branchies. “Il a les branchies sur le côté, ce qui n’est pas toujours évident à voir, alors que les raies ont toujours les branchies sur leur ventre”, décrit Dylan Clamens-Pattoni, chargé de mission au sein de Life EU Sharks. L’autre indice qui permet de les différencier se situe au niveau de sa tête. “Il a une délimitation entre ses nageoires et sa tête, chose que les raies n’ont pas, parce que tout est relié chez elles.” Pouvant mesurer jusqu’à 2,44 mètres, l’ange de mer vit près des côtes, entre six et sept mètres de profondeur, et se nourrit exclusivement de poissons osseux, de raies, de crustacés et de mollusques.
 

Autrefois présent dans plusieurs parties de la Méditerranée – c’est d’ailleurs lui qui a donné son nom à la baie des Anges à Nice – l’ange de mer est depuis 2006 en danger critique d’extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, et depuis 2012 sur la liste des 100 espèces les plus menacées au monde. La raison ? Sa sensibilité à la pêche, la pollution et la destruction des fonds marins, liée à son habitat naturel, proche de nos côtes. “À l’époque, on utilisait sa peau en menuiserie, comme du papier à poncer”, précise Dylan Clamens-Pattoni. L’ange de mer est aussi un animal qui atteint une maturité sexuelle tardive (environ 15 ans alors qu’il possède une espérance de vie de 25 ans), et qui se reproduit très peu, avec 7 à 25 petits par femelle.
 

La Corse, son dernier refuge
Si l’espèce a disparu de la majorité de la Méditerranée, et notamment de la Méditerranée occidentale, il existe néanmoins un endroit où les anges de mer continuent de vivre et de se reproduire : la Corse, et surtout la Plaine orientale. “La pêche ici est artisanale. De ce fait, la pression est moins grande et l’espèce a alors pu subsister dans les eaux corses. Malheureusement, ce n’est pas gagné d’avance. Si on venait à augmenter la pression humaine, on risquerait de la faire disparaître comme elle a disparu dans d’autres zones de la Méditerranée”, indique Dylan Clamens-Pattoni.

Selon une étude, “une centaine d’individus” ayant atteint leur maturité sexuelle seraient présents dans nos eaux. Un chiffre “à prendre avec des pincettes” en raison du comportement de l’animal. “On a peu d’informations sur cet animal. Il se camoufle dans le sable, et il peut parfois y rester des heures en étant immobile. C’est très compliqué de le repérer et de le connaître.” Pour protéger l’ange de mer et éviter son extinction en Corse, le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate, en relation avec le bureau d’études Andromède Océanologie du plongeur Laurent Ballesta, a créé “un projet d’amélioration de connaissances sur l’espèce”. “On propose des livrets éducatifs, mais on réalise aussi des actions de sensibilisation. Quand on est sur des manifestations au grand public, on n’hésite pas à faire un peu de propagande pour cette espèce qui est un emblème pour nos eaux corses”, détaille Dylan Clamens-Pattoni.
 

Sensibiliser les plus jeunes
À l’occasion de la Journée mondiale de l’ange de mer, célébrée chaque 26 juin, le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate a organisé un après-midi de sensibilisation destiné aux élèves de l’école primaire de Sisco. En partenariat avec la Casa di e Scenze et l’association Mare Vivu, l’événement a rassemblé plus de 70 enfants autour de la découverte de cette espèce menacée. Au programme : exposition immersive, jeux éducatifs, et surtout, projection d’un film documentaire réalisé par le bureau d’études Andromède Océanologie. Pour s’adapter au jeune public, le film a été découpé en séquences, avec des temps d’arrêt entre chaque partie pour répondre aux questions et s’assurer de la compréhension. “On a enlevé les passages les plus techniques, comme les analyses ADN, pour ne garder que l’essentiel : le mode de vie de l’ange de mer, les menaces et les actions de préservation”, explique François Secondi, chargé de communication et de sensibilisation au sein du Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate.
 

Lors de la projection du film, les questions fusent chez les enfants : “Est-ce que ça peut nous manger ?”, “Et si on marche dessus, ça fait mal ?”, “On peut le toucher ?”, “S’il y en a un échoué, on fait quoi ?”. À la fin, plusieurs petits ateliers sont mis en place par les équipes du parc, avec pour objectif d’apprendre notamment à reconnaître l’animal. “Un des ateliers vise justement à différencier les raies des requins, car l’ange de mer est l’exemple parfait de cette confusion fréquente”, souligne Dylan Clamens-Pattoni. D’autres ateliers permettent d’aborder plus largement le rôle des requins et des raies, ainsi que leur importance dans les écosystèmes marins et les menaces qu’ils subissent. “On dénombre plus de 45 espèces au total, et c’est pour ça qu’on veut amener les enfants à prendre conscience de ces animaux, très peu connus mais importants pour le milieu marin.”

Une démarche pédagogique qui s’inscrit pleinement dans les missions de sensibilisation du parc marin. “La sensibilisation et l’éducation à l’environnement sont vraiment des grandes missions du parc marin, c’est pourquoi on essaie de mettre en place des actions de sensibilisation avec nos différents partenaires. Aujourd’hui, on a profité de la Journée mondiale de l’ange de mer pour se focaliser sur cette espèce et sur les actions menées par le parc en matière de préservation de cette espèce menacée. Les plus jeunes vont être les décideurs et les acteurs de demain : plus tôt on les sensibilise à la fragilité des écosystèmes et à la nécessité de les préserver, plus tôt on pourra avoir une prise de conscience collective”, conclut François Secondi.