Produits, achetés, utilisés, jetés : de nombreux objets du quotidien se retrouvent à la poubelle après avoir suivi cette trajectoire linéaire. À l’inverse, l’économie circulaire propose de les réutiliser, de les réparer ou carrément de les remettre à neuf pour qu’ils durent le plus longtemps possible. À Strasbourg, la Banque de l’Objet et Envie nourrissent ce modèle durable. Reportage.
Papeterie, produits d’hygiène, meubles, cosmétiques, vêtements, décoration… À la Meinau, les locaux de la Banque de l’Objet abritent d’étranges rayonnages. Sur environ 6000 m², des étagères de toutes les tailles contiennent des dizaines de milliers d’objets hétéroclites. Neufs, pour la plupart. En quête d’une seconde vie.
© Adrien Labit / Pokaa
Valoriser les invendus
Créée en 2014, la Banque de l’Objet collecte des invendus non alimentaires ou du mobilier en bon état pour permettre leur réemploi. « Nous récupérons essentiellement des stocks de supermarchés ou d’hypermarchés. Mais parfois, nous recevons également des meubles d’hôtels qui changent leur décoration, de collectivités ou d’entreprises qui renouvellent leurs bureaux », détaille Maryline Wilhelm, directrice du pôle insertion de l’association Horizon Amitié, dont dépend la structure depuis 2024.
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Maryline Wilhelm. © Adrien Labit / Pokaa
Triés et stockés, ces objets neufs sont ensuite revendus à petit prix : environ 15% de leur valeur marchande, pour compenser les frais de logistique. La Banque de l’Objet organise deux ou trois journées portes ouvertes par an, à destination du grand public. Mais l’essentiel de son activité s’adresse aux acteurs/rices de l’économie sociale et solidaire (ESS). « Les associations peuvent nous appeler ou nous envoyer un mail si elles ont un besoin particulier », poursuit la directrice.
Il peut aussi bien s’agir de meubler un hébergement d’urgence que de décorer un centre socioculturel le temps d’une journée thématique. Au quotidien, la Banque de l’Objet accueille également des particuliers/ères en situation de grande précarité qui sont envoyé(e)s par des associations caritatives. Ils et elles peuvent y trouver des vêtements ou des produits d’hygiène, souvent trop chers dans le commerce classique.
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Environ 350 tonnes d’objets revalorisés en 10 ans
Depuis 2022, la Banque de l’Objet est également un chantier d’insertion. « Nous accueillons des personnes éloignées de l’emploi, détaille Pascal Bremenson, encadrant en technique de vente. Nous regardons quels sont leurs freins et nous travaillons avec eux pour les amener vers une formation qualifiante ou un emploi durable. »
Pascal Bremenson. © Adrien Labit / Pokaa
Les salarié(e)s en insertion s’occupent aussi bien de la collecte des objets que de la livraison, en passant par la préparation des commandes, l’accueil des client(e)s, l’étiquetage ou la gestion des stocks. Dans une des salles de la structure, un petit showroom met en avant de la belle vaisselle d’un côté et des coffrets cosmétiques de l’autre. Un exercice qui leur a permis de « travailler le merchandising ».
En insertion ou en encadrement, les salarié(e)s de la Banque de l’Objet participent à faire vivre un modèle vertueux qui limite le gaspillage de ressources. Depuis sa création en 2014, la structure a collecté 470 tonnes d’objets et en a revalorisé 350 tonnes. En tout, ce sont 175 000 objets qui ont été distribués pour une valeur de 3 millions d’euros.
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À Envie, réparer tout ce qui peut l’être
À Koenigshoffen, le magasin d’électroménagers rénovés et reconditionnés Envie fait également figure de modèle en matière d’économie circulaire. Depuis 41 ans, cette entreprise récupère toutes sortes d’appareils électroniques et ménagers pour les rénover ou les réparer et les revendre dans sa boutique. Elle a donné naissance à un réseau qui compte aujourd’hui une cinquantaine de sites partout en France.
Situé dans un grand bâtiment, Envie ouvre ses portes sur un espace de vente bien ordonné. Des frigos d’un côté, des gazinières, des fours et plaques électriques de l’autre. Sans oublier une vitrine d’ordinateurs portables et quelques étagères avec du petit électroménager. Autant d’appareils reconditionnés sur place, par des salarié(e)s en insertion.
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« Ici, tout le monde a sa place, explique Nathalie Faivre, responsable d’exploitation du site strasbourgeois. Nous accueillons des étrangers qui ont fui la guerre comme des Français ayant eu des difficultés avec le système scolaire. C’est la force d’Envie. Et c’est important qu’une structure comme la nôtre existe, car tout le monde n’est pas apte à entrer dans un moule qui est de plus en plus violent. »
Nathalie Faivre. © Adrien Labit / Pokaa
Un circuit local
Envie Koenigshoffen compte aujourd’hui 35 salarié(e)s en insertion et 18 en encadrement. Ils et elles font tourner un site d’environ 6000 m² avec des ateliers pour le chaud (fours, gazinières, micro-ondes), le froid (frigos, climatiseurs, congélateurs), l’électronique (téléphones portables, ordinateurs), mais aussi pour les machines à laver ou encore le petit électroménager.
Tout au fond du bâtiment et à l’étage, la structure stocke également de nombreuses pièces détachées qui peuvent servir à des particuliers/ères ou à des professionnel(le)s. Une sorte de « casse électroménagère ».
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Aucun don n’est inutile pour Envie. Les appareils qui ne marchent plus seront désossés pour fournir des pièces qui serviront à d’autres.
Mais depuis la promulgation de loi antigaspillage pour une économie circulaire (AGEC), qui oblige à mieux produire en limitant l’obsolescence programmée et favorise le réemploi, Envie a perdu une large partie de sa matière première. « Les gros distributeurs d’électroménager ont créé leurs propres filières de valorisation », explique Nathalie Faivre, qui note la disparition progressive de son « gisement historique ».
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Envie a besoin de dons d’objets à réparer pour poursuivre son activité. Nathalie Faivre insiste sur son ancrage local.
« Si un Strasbourgeois ou un Bas-Rhinois vient nous donner ou nous demande d’aller chercher sa machine à laver parce qu’il en change, elle sera prise en charge dans nos ateliers, diagnostiquée, réparée si c’est possible et économiquement rentable, lavée, et mise en magasin. Elle pourra ainsi être vendue par des salariés en insertion vivant dans l’Eurométropole à d’autres Strasbourgeois ou Bas-Rhinois. »
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« Pas de machine qui part dans un centre de traitement à l’autre bout de la France, insiste la responsable d’exploitation. Cela fait moins de déchets sur le territoire alsacien, en créant de l’emploi et de la solidarité. » En 2024, Envie Strasbourg a réparé 7 000 des 12 000 appareils qu’elle a fait rentrer dans ses stocks !
Le site web et les coordonnées de la Banque de l’Objet
Le site web et les coordonnées d’Envie Strasbourg